En Afrique du Sud, le gouvernement et les fabricants de cigarettes s'affrontent sur fond d'épidémie de coronavirus
Depuis le début du confinement, la vente de tabac est illégale. D'autres mesures sanitaires ont été pourtant peu à peu assouplies dans d'autres secteurs, par exemple la réouverture des magasins d'alcool. Mais les cigarettes restent interdites, alors que le pays compte quelque 11 millions de fumeurs.
La "guerre des cigarettes", comme la surnomment les médias locaux, est déclarée puisque l’affaire se retrouve désormais devant les tribunaux : un des lobbys de l'industrie a porté plainte devant la Haute Cour de Pretoria. Lors de l’ouverture du dossier, mercredi 10 juin, chaque camp a ainsi pu présenter ses arguments.
Du côté du gouvernement, on maintient que les fumeurs seraient plus à risque de développer des formes sévères du Covid-19, et pourraient donc encombrer les hôpitaux. Si certaines études dans le monde tentent de prouver que les fumeurs seraient moins atteints du coronavirus, l’avocat de l’État sud-africain préfère se baser sur les recommandations de l’OMS. "L'État a le devoir de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter la propagation de l’épidémie", a-t-il martelé devant les juges, y compris donc de forcer les fumeurs à se passer de leur dose quotidienne de nicotine.
L'industrie du tabac dénonce une mesure contreproductive et dangereuse
L’avocat des industriels de la filière a pointé de son côté le manque de preuves dans le dossier de l'État, et surtout le manque d’efficacité de la mesure. Selon lui, les gens continuent de toute façon à fumer, et c’est désormais "le paradis pour les vendeurs illégaux."
Alors que le marché noir des cigarettes posait déjà problème dans le pays avant la pandémie, les lobbys du secteur craignent désormais qu’il en sorte renforcé. Des cigarettes continuent en effet à être facilement échangées sous le manteau, dans les rues des townships des grandes villes, et leur prix a triplé depuis le début du confinement. Impossible de contrôler ce qu’elles contiennent, ce qui fait dire au plaignant qu’elles sont potentiellement encore plus dangereuses que les cigarettes du marché légal.
Manque à gagner
L'interdiction coûte déjà très cher au fisc, puisque l'État a perdu près de 15 millions d’euros de taxes depuis sa mise en place. Et si la décision du tribunal, qui sera rendue un peu plus tard, est défavorable au gouvernement, cela serait un nouveau coup dur, alors que les restrictions en matière de confinement ont déjà été jugées "irrationnelles" et "inconstitutionnelles" par la Haute Cour, la semaine dernière.
La bataille judiciaire ne devrait de toute façon pas en rester là, puisque d’autres représentants de fabricants de cigarettes ont eux aussi décidé de porter plainte.
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