Fin du couvre-feu à partir du 20 juin : pourquoi le gouvernement a-t-il avancé son calendrier de 10 jours ?
La mesure devait être abandonnée le 30 juin. De nombreuses voix se sont élevées, à gauche et à droite mais aussi dans la société civile, pour demander la fin du couvre-feu à 23 heures. Il ne sera plus en vigueur à partir du 20 juin.
Les couche-tard pourront s'aérer le soir de la Fête de la musique. A l'issue du Conseil des ministres et du conseil de défense sanitaire, mercredi 16 juin, Jean Castex a annoncé la levée du couvre-feu à 23 heures à partir du dimanche 20 juin.
Cette annonce surprise survient au lendemain d'une soirée animée dans les rues de nombreuses villes françaises, les supporteurs des Bleus ayant célébré comme dans le "monde d'avant" la victoire de leur équipe face à l'Allemagne à l'Euro de football. Exceptionnellement, le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin avait demandé "aux forces de l'ordre de faire preuve d'une particulière mansuétude" lors des contrôles "des personnes qui rentreraient chez elles après avoir regardé le match à l'extérieur de leur domicile".
Quelques jours plus tôt, vendredi 11 juin, le public de Roland-Garros avait quant à lui obtenu une dérogation, là aussi exceptionnelle, pour assister dans les tribunes à la fin de la demi-finale entre Novak Djokovic et Rafael Nadal. Autant d'entorses aux règles qui ont fait apparaître les failles d'une mesure de plus en plus décriée.
Parce que l'opposition était de plus en plus critique
Les premières voix à s'élever contre le couvre-feu sont venues, sans surprise, de l'opposition au gouvernement. Dès dimanche, sur LCI, le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, relevait qu'"aujourd'hui plus personne ne comprend rien aux consignes sanitaires : pourquoi 23 heures plutôt que minuit ? Pourquoi ouvrir un stade et pas d'autres ?" "Il faut se poser maintenant la question de la levée du couvre-feu", a-t-il plaidé. Ce même jour, la présidente LR de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, a estimé sur BFMTV qu'un report à "un peu plus tard" du couvre-feu, accompagné "d'une intransigeance sur les gestes barrières", "apaiserait et donnerait un peu de respiration aux Français".
Mêmes arguments du côté du candidat LR pour les régionales en Occitanie, Aurélien Pradié. "Maintenant, il faut que la règle soit assouplie, on a besoin de revivre", a avancé le député du Lot sur Sud-Radio, mettant en avant l'avancée de la vaccination et le ras-le-bol des Français face à cette mesure dont il n'est "pas sûr d'ailleurs [qu'elle] permette quelque protection sanitaire que ce soit".
Du côté de La République en marche, on se contentait alors d'appeler au respect du calendrier. "On a dit que ce serait au 30 juin qu'on pourrait avoir cette levée du couvre-feu, il faut que ça tienne jusque-là et donc il faut à la fois continuer à se faire vacciner (…) et respecter les règles qui existent jusque-là", a fait valoir lundi sur CNews la présidente déléguée de LREM Aurore Bergé. "C'est pas parce que la loi est contournée que la loi est mauvaise, alors qu'il y a plutôt une demande d'autorité dans le pays. C'est justement parce que ça va bien [sur le front de l'épidémie] qu'il faut garder un certain nombre de règles". Et l'élue d'ajouter : "Il est toujours plus populaire de dire 'on va lâcher du lest'."
Parce que les experts ne parviennent pas vraiment à trancher
"Il ne faut pas brûler les étapes", a estimé sur Europe 1 Benjamin Davido, infectiologue à l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches. "Le couvre-feu à 23 heures évite des scènes de liesse, d'ivresse, tant sur le plan moral que l'ivresse alcoolisée, où on va lever les gestes barrières, la distanciation sociale, se contaminer et alimenter les chaînes de contamination, comme ça s'est vu l'été dernier avec un rebond de l'épidémie à l'automne", a-t-il plaidé.
Dans Le Parisien, dimanche, le chef du service d'infectiologie de l'hôpital Tenon, à Paris, Gilles Pialoux, assurait quant à lui que le couvre-feu "permet de limiter les regroupements à domicile et leur durée. Ce n'est pas rien quand on sait que la source de contamination numéro un est la sphère privée. Tout le monde ne se risque pas à être dans le délit en faisant des fêtes interdites toute la nuit."
A l'inverse, c'est justement parce que les fêtes en extérieur interrompues par le couvre-feu "migrent" en intérieur qu'Hélène Rossinot, médecin de santé publique à Nancy (Meurthe-et-Moselle) s'est dite en début de semaine favorable à la levée du couvre-feu. "Dix-neuf heures ou 21 heures étaient des horaires très contraignants pour que les soirées n'aient pas lieu. A 23 heures, elles ont lieu. Et c'est beaucoup plus difficile d'interrompre une soirée que d'empêcher son existence", a-t-elle argumenté chez Sud-Ouest, insistant sur la nécessité d'aérer les espaces clos, bien plus propices aux contaminations. "Il faut être flexible. Si jamais les courbes remontent, il faut pouvoir dire ‘on refait attention’. Et si ça descend, on suit."
Parce que la situation s'améliore
Du côté de la situation épidémique, "on va dans le sens d'une diminution nette et progressive de la pandémie, du nombre de cas. Tous les indicateurs sont au vert," a fait valoir à son tour Imad Kansau, infectiologue à l'hôpital Antoine-Béclère de Clamart (Hauts-de-Seine), sur BFMTV. "La situation épidémique pourrait permettre de supprimer ce couvre-feu pendant cette période estivale. Ce n'est pas le couvre-feu qui va changer la situation. Sur le plan sanitaire, ça n'a pas énormément de sens, au regard des données brutes", a abondé Martin Blachier au micro de RMC. Ainsi, "si on avait conditionné ces mesures de déconfinement à des indicateurs épidémiologiques, je pense qu'à la fin de cette semaine, on pourrait lever le couvre-feu et enlever les masques à l'extérieur sans difficulté"; déclarait lundi sur LCI l'épidémiologiste Antoine Flahault.
Et pour cause, la France est repassée sous le seuil d'alerte - un taux d'incidence à moins de 50 cas pour 100 000 habitants. Au 15 juin, la France affichait une moyenne de 3 522 cas par jour sur les sept derniers jours et une baisse progressive et constante du nombre de personnes hospitalisées (y compris en soins intensifs). Une décrue bien engagée, puisqu'elle survient "à peu près dix jours en avance" sur les projections, explique à l'AFP Simon Cauchemez, modélisateur de l'Institut Pasteur, possiblement "grâce notamment à la météo dont l'impact est difficilement prévisible".
Dans ces conditions, la France apparaît plus stricte encore que des pays dans lesquelles la situation sanitaire demeure plus incertaine, comme le Royaume-Uni, en proie au variant Delta. Sur les 17 pays européens qui avaient instauré un couvre-feu à l'automne, seule la France, la Grèce, l'Italie et Chypre envoient encore leurs citoyens au lit en cours de soirée, respectivement à 23 heures, 1h30 et minuit.
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