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Info France 2 Marseille : la justice ouvre une enquête sur des barnums suspects qui proposent des tests antigéniques

Le parquet de Marseille a ouvert une enquête pour "faux" et "pratiques commerciales trompeuses" après que des dysfonctionnements ont été constatés par l’Agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte d'Azur. "L'Œil du 20 heures" est allé sur place pour se rendre compte de l'ampleur de ce business lucratif.

Article rédigé par L'Oeil du 20 heures
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un journaliste de "L'œil du 20 heures" se fait tester à Marseille dans le cadre d'une enquête sur des barnums de dépistage suspects. (FRANCE 2)

Le soir tombé, sur le Vieux-Port de Marseille, touristes et locaux se regroupent en une foule homogène. Mais avant de prendre un verre en terrasse ou de s'installer au restaurant, il faut montrer son pass sanitaire ou, pour les non-vaccinés, présenter un test négatif au Covid-19. Alors depuis plusieurs semaines, des barnums (des installations mobiles où l'on effectue des tests) se sont installés un peu partout, parfois juste devant l'entrée des établissements. "Je me fais tester à chaque fois que je sors en boîte, confie un jeune homme qui attend son résultat de test. Dans mon groupe d'amis, tout le monde fait ça."

Alors que le taux de vaccination des moins de 20 ans à Marseille n'atteint pas 15%, la pratique connaît un franc succès. Pour les fêtards, c'est bien commode, avec la promesse d'un test réalisé rapidement et un résultat obtenu en 15 minutes. Mais bien souvent, c'est beaucoup moins long, car les tests de dépistage du Covid-19 ne sont pas toujours pratiqués avec les bonnes méthodes, ni dans un cadre légal. 

Marseille : une enquête ouverte sur des barnums Covid suspects
Marseille : une enquête ouverte sur des barnums Covid suspects Marseille : une enquête ouverte sur des barnums Covid suspects

Selon les informations de "L'Œil du 20 heures", le parquet de Marseille a ouvert une enquête pour "faux" et "pratiques commerciales trompeuses" concernant plusieurs barnums. Car ces derniers mois, les tests antigéniques, facturés 25 euros à l'Assurance-maladie, sont devenus un vrai marché dans la cité phocéenne. Plusieurs acteurs sont concernés : les pharmacies qui facturent les tests à la Sécurité sociale, les étudiants qui réalisent les prélèvements, les établissements (bars, restaurants, boîtes de nuit) qui, parfois, louent un espace sur leur terrasse. Et enfin, les intermédiaires qui proposent l’installation matérielle du barnum.

Un résultat en 2 minutes au lieu de 15

Notre journaliste a effectué un test antigénique le week-end dernier. L'écouvillon chatouille rapidement une narine et seulement deux minutes plus tard, il reçoit un SMS pour récupérer son QR code. Un délai insuffisant pour s'assurer d'un résultat fiable, selon nos informations. Pour réaliser ce test, une étudiante est installée sur une table de café. Pas de tente, tout son matériel s'étale sur la table et, selon elle, tous les préleveurs n'ont pas les qualifications requises.

"Certaines personnes recrutées ne sont pas des étudiants en médecine."

Une étudiante testeuse

à "L'Œil du 20 heures"

"L'Œil du 20 heures" a testé quatre barnums, vendredi 24 et samedi 25 septembre. Dans chacun d'eux, même constat : pour les tests effectués durant la nuit, les résultats sont envoyés en moins d'un quart d'heure.

Des étudiants seuls pour les tests

Un autre sujet a attiré notre attention. Dans ces barnums de Marseille, des étudiants sont seuls à gérer les tests. Pourtant, la loi prévoit que les tests doivent être interprétés par un personnel soignant diplômé et disposant d'une carte de professionnel de santé (CPS). 

La carte CPS est indispensable pour entrer les résultats dans la base de données nationale de dépistage. L'absence de professionnel de santé pour l'enregistrement de ces informations constitue donc une infraction, selon l'ARS. "Donner sa carte CPS et en utiliser une qui ne nous appartient pas, c’est une usurpation de titre, et une infraction pénale", insiste Laurent Peillard, responsable pharmacie et biologie à l'ARS Paca. 

"Il peut y avoir un trafic de cartes de professionnels de santé. Des numéros qui circulent, et il peut y avoir un système de fraude à la CPS."

Laurent Peillard, responsable pharmacie et biologie à l'ARS Paca

à "L'Œil du 20 heures"

Ces dérives sont connues des autorités de santé. L'Agence régionale de santé (ARS) et la ville de Marseille ont lancé une opération de contrôle ces dernières semaines. Selon Laurent Peillard, huit barnums ont été inspectés, et tous étaient en infraction : ils ont donc tous été fermés. "On a demandé qu'ils cessent leur activité, sur la base du Code de la santé et des conditions du test qui sont mauvaises."

Des risques sanitaires

Après avoir visionné les images des tests réalisés, le président du conseil de l'Ordre des pharmaciens de la région Paca, Stéphane Pichon, est consterné. "Ce n'est pas normal, c'est illégal. Normalement, ça se passe à proximité de la pharmacie, ou avec le pharmacien qui va rester jusqu'à 3 heures du matin dans le barnum."

Et en ce qui concerne la manière dont sont réalisés les tests, Stéphane Pichon est catégorique. Ceux-ci sont mal faits. Le test antigénique consiste en "un prélèvement nasopharyngé, pas narinaire, donc on doit entrer un peu profond, jusqu'au cavum, quasiment à la jonction entre la gorge et l’oreille."

Des tests mal effectués peuvent laisser passer des "faux négatifs", ce qui représente un risque de santé publique. "Vous pouvez dire à quelqu’un qu’il est négatif, alors qu’il peut éternuer dans la boîte de nuit, contaminant alors tout le monde."

Une affaire "juteuse"

"L'Œil du 20 heures" a réussi à joindre l’intermédiaire d’un des barnums installés sur le Vieux-Port. L'homme travaille dans l’informatique et assure que son rôle d'entremetteur est une activité complémentaire légale.

"C’est un domaine qui est assez juteux. Il n'y a pas besoin de frauder pour gagner un ou deux euros de plus."

Un intermédiaire

à "L'Œil du 20 heures"

Une pharmacienne interrogée par "L'Œil du 20 heures" emploie régulièrement des étudiants préleveurs à Marseille. Elle reconnaît avoir été démarchée par ces intermédiaires et affirme qu'ils sont nombreux à gérer plusieurs barnums. Filmée en caméra discrète, elle dévoile les coulisses d'un système où tout le monde s'enrichit. "Ce sont des mecs qui ont compris le filon. Ils se sont dit 'On achète une tente', ils connaissent plein de monde, dont des pharmaciens. On se laisse un peu prendre dans le truc. J’aurais pu faire 1 000 barnums si je le voulais. Il y a beaucoup d'argent à se faire."

Les conséquences pour les professionnels, après que des dysfonctionnements ont été constatés par les autorités, peuvent aller du signalement au parquet jusqu'à l'interdiction de pratiquer.

Marseille est la ville où le nombre de personnes atteintes par le Covid-19 est le plus important en France hexagonale, mais il est impossible d'établir un lien de causalité entre le taux d'incidence élevé et les tests mal réalisés.

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