: Infographies Covid-19 : qui sont les 20 000 morts de la cinquième vague ?
Statut vaccinal, âge, répartition géographique, variant à l'origine du décès… Franceinfo a passé au crible les chiffres de la mortalité de la cinquième vague.
"On ne parle plus des décès. C’est effarant", s’indigne Jean-Marie Robine auprès de franceinfo. Depuis le début de l'épidémie, ce démographe recense et analyse les chiffres de la mortalité avec un collectif de chercheurs de l’Institut national d’études démographiques (Ined).
Mais, deux ans après les premiers cas en France, les morts du Covid-19 ne font plus les gros titres. Pourtant, le virus continue de tuer. D’après le dernier décompte publié par les autorités sanitaires, depuis le 1er novembre, plus de 20 000 personnes sont décédées à l’hôpital ou en Ehpad après avoir été testées positives.
Mais quelles réalités recouvrent ces chiffres ? Quelles sont les parts de vaccinés et de non-vaccinés parmi ces victimes ? Tous les morts porteurs du virus ont-ils pour autant succombé au Covid-19, ou d’autres pathologies sont-elles parfois en cause ? Quels sont les territoires les plus endeuillés ? Pour lever le voile sur les profils des morts de la cinquième vague, franceinfo a passé au crible les données épidémiques et recueilli l’analyse de médecins et de chercheurs.
Combien de morts "avec" et "du" Covid-19 ?
Cette question se pose du fait de l’ampleur du nombre de contaminations. Commencée au début du mois de novembre avec le réveil du variant Delta, la cinquième vague a été portée par Omicron à partir de la fin du mois de décembre. Or, l’extraordinaire transmissibilité de ce nouveau variant et sa capacité accrue à échapper à l'immunité acquise grâce aux vaccins ont provoqué une explosion sans précédent des cas de Covid-19. Plus de 15 millions de personnes ont été testées positives depuis le 1er novembre.
Résultat : la probabilité d’être hospitalisé "avec" le Covid-19, et non pas "pour" le Covid-19, a également augmenté. D’après les statistiques du ministère de la Santé, la proportion de patients en réanimation qui sont positifs au coronavirus mais qui n’ont pas été hospitalisés à cause de lui a dépassé 20% début février, alors que ce taux tournait plutôt autour de 5% au mois de décembre.
Qu’en est-il des décès ? L’administration publie désormais un décompte des patients positifs au Covid-19 qui sont morts à l’hôpital en fonction de leur motif d’admission. Au total, 14,6% d’entre eux ont été hospitalisés pour un motif autre qu’une infection au Covid-19 entre le 1er novembre et le 6 février (date des derniers chiffres publiés).
Mais ces données restent très imparfaites. Elles ne renseignent pas sur les causes médicales des décès, qui sont pourtant les informations les plus pertinentes pour distinguer les motifs de mortalité. En réalité, dans les hôpitaux, les médecins appellent à la plus grande prudence face à ce type de questionnement. "Il est très difficile d’évaluer la mortalité attribuable ou non au Covid-19. Cela me paraît aussi compliqué sur la forme que peu robuste sur le plan scientifique", met en garde le professeur Djillali Annane, président du Syndicat des médecins réanimateurs, interrogé par franceinfo.
Les victimes sont-elles décédées du variant Delta ou d’Omicron?
Tout au long des mois de novembre et décembre, le variant Delta était quasiment le seul identifié dans les tests PCR des personnes positives au Covid-19 mortes à l’hôpital. Mais depuis la mi-janvier, c’est le variant Omicron qui a pris le dessus. Dans la semaine du 31 janvier au 6 février (date des dernières données disponibles), plus de 80% des patients positifs décédés ont été contaminés par Omicron.
Omicron est moins dangereux que Delta, comme l’a récemment confirmé une étude britannique conduite sur près d’1,5 million de patients. Mais il reste malgré tout mortel, dans des proportions semblables à la première souche du virus, responsable des deux premières vagues en France. "Omicron n’est pas moins virulent que la souche originelle du Covid-19. Il est pareil en fait. La seule différence, c’est qu’avant, nous n’avions pas de traitement et pas de vaccin", explique le professeur Djillali Annane.
Le profil des patients qui succombent à la maladie reste le même que depuis le début de l’épidémie : des personnes plutôt âgées atteintes de comorbidités telles que le diabète ou des problèmes cardio-vasculaires.
"La différence est qu'avec Omicron, nous ne voyons plus les atteintes pulmonaires graves que provoquaient les précédents variants. A la place, ce sont plutôt des malades qui décompensent des comorbidités préexistantes."
Jean-Michel Constantin, chef du service de réanimation de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Parisà franceinfo
"Le cas typique, c’est celui d’un patient diabétique, dont le diabète explose", illustre le docteur Jean-Michel Constantin. "Dans ce cas, le malade ne va pas directement mourir du Covid-19. Mais c’est bien le virus qui est responsable."
Quelles sont les parts de vaccinés et de non-vaccinés ?
La surreprésentation des non-vaccinés et des personnes qui n’avaient reçu qu’une première dose parmi les morts de la cinquième vague est particulièrement élevée. Entre le 1er novembre et le 6 février, 45% des morts positifs au Covid-19 à l’hôpital appartiennaient à une de ces deux catégories. Cela alors qu’elles ne composent que 14% de l’ensemble de la population adulte française.
La répartition des décès à l'hôpital selon le type de schéma vaccinal parmi les 60 ans et plus (qui représentent plus de 90% des morts de la cinquième vague) montre que parmi les vaccinés, ce sont surtout des malades n'ayant pas reçu de dose de rappel qui sont décédés.
Quels territoires sont les plus touchés ?
Sans surprise, les régions qui comptent le plus grand nombre de victimes rapporté à la population sont également celles qui affichent les plus faibles taux de vaccination. La région Provence-Alpes-Côte d’Azur est la plus durement frappée : les Bouches-du-Rhône, le Var et le Vaucluse sont les trois départements de France métropolitaine où il y a eu le plus de morts par habitants. Ils comptent entre 47 et 50 décès pour 100 000 habitants. Pour les Bouches-du-Rhône, cela représente un peu plus de 1 000 décès au total.
Pour l'épidémiologiste marseillais Jean Gaudart, le rapport de cause à effet avec le faible taux de vaccination des Bouches-du-Rhône fait peu de doute. "Il est probable que cette sous-vaccination, particulièrement importante parmi les plus défavorisés, n'a pas permis d'endiguer le début de la cinquième vague", analyse ce chercheur de l'Université d'Aix-Marseille.
Du côté de l'hôpital européen de la cité phocéenne, l'infectiologue Stanislas Rebaudet partage cette analyse, en y ajoutant des facteurs comportementaux : "Notre territoire est également très urbain, avec beaucoup de brassage. Les gestes barrières sont aussi assez mal respectés par la population ici", avance-t-il.
Les médecins marseillais insistent enfin sur la virulence du variant Delta, qui a sévi plus longtemps dans les Bouches-du-Rhône. "Actuellement, la moitié des patients en réanimation à Marseille sont encore des malades de Delta", constate Bernard La Scola, professeur à l'IHU-Méditerranée Infection de Marseille.
Quel âge avaient les Français morts lors de cette cinquième vague ?
C’est une constante depuis le début de l’épidémie de Covid-19 : la mortalité est bien plus importante chez les personnes âgées que chez les jeunes. Un constat toujours vrai pour cette cinquième vague, puisque près de 60% des morts sont des personnes de plus de 80 ans, tranche d'âge qui représente moins de 6% de la population française.
Cette part des plus de 80 ans parmi les morts de l'épidémie avait baissé lors de la quatrième vague, celle de l’été 2021. Ils étaient alors davantage vaccinés contre le Covid-19 que la moyenne des Français. Mais la tendance s’est aujourd'hui inversée : avec 87% de personnes ayant reçu un premier cycle de vaccination complet, les plus de 80 ans sont la tranche d'âge la moins vaccinée parmi les adultes.
Les moins de 50 ans restent quant à eux relativement épargnés, avec moins de 350 décès depuis le début du mois de novembre, soit à peine 2% des morts porteurs du Covid-19 sur cette période. Un chiffre interpelle cependant : en France métropolitaine, treize enfants de moins de 10 ans sont morts après avoir été testés positifs au Covid-19 depuis le début de la cinquième vague, alors qu’ils n’étaient que onze sur l’ensemble des vagues précédentes.
Contactée par franceinfo, Christèle Gras-Le Guen, présidente de la Société française de pédiatrie, se veut rassurante : "Cette vague a contaminé bien plus d’enfants que les précédentes, donc on a pu avoir des enfants qui sont décédés d’autre chose après avoir été testé positifs. Il y a également des enfants atteints de maladies chroniques, chez qui la fièvre due au Covid a pu déclencher une crise de la maladie, et causer in fine le décès."
"Les parcours d'enfants semblables aux adultes, avec un décès lié seulement au Covid-19, sont extrêmement rares, voire presque inexistants."
Christèle Gras-Le Guenà franceinfo
Quelle part des décès ont eu lieu dans les Ehpad ?
Les personnes âgées résidant dans les Ehpad sont moins frappés par cette cinquième vague. La différence est nette par rapport au début de l'épidémie : alors que plus de 35% des décès lors de la première vague avaient eu lieu dans ces établissements, cette part n'est plus que de 6% depuis le 1er novembre.
"La vaccination joue un rôle primordial dans cette baisse", affirme à franceinfo Annabelle Vêques, directrice de la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées. Les résidents d’Ehpad sont en effet vaccinés à plus de 93% selon Santé Publique France, et 70% ont reçu une dose de rappel. Annabelle Vêques rappelle aussi que le manque de masque au début de l’épidémie a été particulièrement préjudiciable dans les Ehpad.
La mortalité de la cinquième vague est-elle comparable à celle de la grippe ?
Cette comparaison a été faite par certains épidémiologistes au mois de janvier. Interrogé par Le Parisien le 17 février, le professeur Jean-François Delfraissy a également reconnu que "l'aspect chronique [du Covid-19] pourrait ressembler au virus grippal". Mais le président du Conseil scientifique a tempéré ses propos : "Ce n'est pas parce que la maladie s'installe de manière endémique qu'elle n'est pas grave".
Pour sa part, le démographe Jean-Marie Robine s'inscrit en faux face à cette comparaison. Il explique que les épisodes de grippe utilisés pour faire ce parallèle avec le Covid sont des épisodes exceptionnels, qui n'ont rien d'anodin. "Ces excès de mortalité de 10 000 à 15 000 personnes par an dûs à la grippe sont graves et tout à fait nouveaux : ils sont réapparus en 2015 avec le variant H3N2 et ont entraîné un nombre de morts jamais vu depuis la grippe de Hong-Kong en 1968". L'espérance de vie en France avait d'ailleurs diminué de trois mois en 2015 selon l'Insee, une première depuis les années 1960.
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