"J'aimerais tourner une page de ce Covid" : rescapé du coronavirus, Romuald va reprendre le chemin du travail
Le retour au travail s'annonce plus difficile pour ceux qui ont été malades du Covid-19 ces derniers mois. Après cinq mois de convalescence, Romuald va reprendre à mi-temps, et raconte à franceinfo sa vie d'après.
Lorsque Romuald Mauguin se présente, il détaille son CV : directeur d'un petit supermarché à Levier, à une heure au sud de Besançon, maire de Mouthier-Haute-Pierre (Doubs)... et "rescapé du Covid-19". Après avoir contracté le coronavirus, l'homme, âgé de 49 ans, a été hospitalisé durant un mois au CHU de Besançon, plongé dans le coma pendant 17 jours. Il en est sorti le 28 avril dernier, mais cinq mois plus tard, la maladie n'est pas complètement derrière lui.
L'appréhension d'être à nouveau touché
Romuald est marqué, et son retour au travail prévu cette semaine ne sera pas facile. "Dans un milieu où il y a du monde, j'ai cette appréhension, explique-t-il, même si d'un côté, on me dit 'tu es immunisé, tu ne risques plus rien', on n'en est pas vraiment sûr. Aujourd'hui, je me dis que si je devais être touché à nouveau par le Covid-19, je ne sais pas si je réussirai à m'en sortir." Romuald se protège et incite les gens à se protéger : "Je me laverai peut-être les mains encore plus qu'auparavant, et peut-être que lorsqu'un client s'approchera de moi, j'aurai envie de reculer... Il y a des chances que ça arrive."
Le coronavirus a changé Romuald. Ce n'est plus le même homme : il a perdu 10 kilos de masse musculaire, qu'il a mis du temps à reprendre, mais il a aussi changé psychologiquement. Il n'a plus le même rapport au travail : pour lui, l'essentiel est ailleurs.
On m'a donné une deuxième chance de vivre alors j'en profite. J'ai revu mes priorités.
Romuald Mauguin, rescapé du Covid-19à franceinfo
"Pendant toute la période où j'étais dans le coma, ma famille appelait tous les jours pour avoir des nouvelles, raconte-t-il, et le médecin posait le téléphone à mon oreille, et mon épouse me parlait avec mes enfants". Ému, Romuald sanglote en se souvenant de son retour chez lui : "Quand j'arrive dans mon village, sur la place, l'ambulancier ouvre la porte latérale, j'aperçois mes administrés qui sont venus m'accueillir, qui m'applaudissent... Vous retrouvez votre femme, vos enfants, vos parents, vos beaux-parents... Les amis, la famille... C'est dans ces moments-là qu'on se dit que la vie, c'est aussi de partager du bon temps avec ces gens-là."
Préparer le retour de "Monsieur Mauguin"
Avant la maladie, Romuald Mauguin passait ses matinées à la mairie de Mouthier-Haute-Pierre, puis 12h par jour au supermarché, avec des collègues qui, eux, ont hâte de le revoir. "J'espère bien le revoir bientôt ! C'est long quand même !", s'exclame Nadine, son adjointe de direction. Elle raconte le stress qu'ils ont pu avoir au supermarché pendant toute l'hospitalisation de leur directeur, les gestes barrières, scrupuleusement respectés ensuite, l'intolérance quand un client entre non-masqué, et la préparation du retour de "Monsieur Mauguin" au magasin. Toujours plus de masques, toujours plus de gel, toujours plus de distanciation.
Cela rassure Romuald : "Moi, j'ai envie d'y retourner, j'aimerais tourner une page de ce Covid, même si j'ai des moments où j'ai des pertes de mémoire, j'emploie certains mots des fois dans des phrases qui n'ont rien à faire là."
C'est la fatigue qui fait qu'aujourd'hui, ce serait difficile de reprendre dans les conditions d'avant la maladie.
Romuald Mauguin, rescapé du Covid-19à franceinfo
Depuis trois mois, il n'arrive pas à récupérer son bras gauche. "J'ai des douleurs au niveau du biceps, c'est peut-être la position quand j'étais dans le coma, juge-t-il. Et puis j'ai cette cuisse droite qui est très douloureuse. Les moindres efforts qu'on peut faire, derrière je suis essoufflé."
Le syndrome de stress post-traumatique
Romuald va reprendre à mi-temps, dans un premier temps. Il aura mis cinq mois à retrouver le chemin du travail. Sont-ils nombreux dans ce cas-là ? Difficile de le savoir, seuls les "retours à domicile" étant comptabilisés par Santé Publique France. Selon l'institut, 85 000 personnes sont sorties de l'hôpital depuis le début de l'épidémie, et nombreuses sont celles qui conservent encore aujourd'hui, comme Romuald, des séquelles.
Le Professeur Xavier Monnet, réanimateur à l'hopital Bicêtre (Val-de-Marne), a monté une cellule de suivi de chacun de ses 300 patients Covid-19. Trois mois après leur sortie de l'hopital, ils sont convoqués pour faire des examens : 30 à 40% d'entre eux ont des séquelles psychologiques. Selon lui, ça a un nom : "C'est le fameux syndrome de stress post-traumatique, comme vous savez, les gens qui ont subi un attentat. Mais là, on observe des troubles semblables même chez des gens qui sont restés moins longtemps à l'hôpital." Selon lui, pour expliquer cela, "il y a le contexte de stress lié au Covid-19 dans la société. Il y a probablement beaucoup de patients qui vont vouloir reprendre le travail en se disant que tout va bien, mais non, on sait que chez ces malades, des séquelles comme celles-là sont possibles."
L'anxiété, la dépression, les troubles de la mémoire sont probablement réversibles mais il faut se faire prendre en charge.
Professeur Xavier Monnet, réanimateur à l'hopital Bicêtreà franceinfo
Le coronavirus est une nouvelle maladie qu'on ne connaît pas bien, il n'y a donc pas de politique de prise en charge bien définie en France. Certains prescrivent de la rééducation par le sport, de la rééducation olfactive, de la kinésithérapie. Le Professeur Xavier Monnet plaide pour un suivi psychologique systématique.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.