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"J'essaie de rester calme" : confrontés aux restrictions liées au coronavirus, des habitants de grandes villes chinoises racontent leur quotidien

Le nombre de victimes du nouveau coronavirus 2019-nCoV s'élevait à plus de 500 mercredi, d'après un dernier bilan officiel. De Pékin à Hangzhou, les autorités multiplient les mesures de contrôle et de confinement. 

Article rédigé par Valentine Pasquesoone
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8min
Un inspecteur sanitaire désinfecte une rue commerçante à Pékin (Chine), le 5 février 2020.  (KOKI KATAOKA / YOMIURI / AFP)

"Je suis en quarantaine, j'ai le temps de vous parler !" Valentine Hu, étudiante en école de commerce à Marseille (Bouches-du-Rhône), devait, lundi 3 février, débuter son stage de fin d'études à Shanghai (Chine). Mais l'épidémie de coronavirus 2019-nCov, une pneumonie virale, a brusquement changé ses plans. La Française, venue rendre visite à ses grands-parents chinois peu avant son stage, doit désormais rester à leur domicile de Wencheng (Chine), près de Wenzhou, dans la région du Zhejiang (est du pays). Et ce, au moins jusqu'au 8 février. 

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Car depuis dimanche, Wenzhou, ses districts et ses neuf millions d'habitants, font l'objet de mesures de confinement, face à une épidémie dont le bilan continue de s'alourdir. Alors qu'il dépasse désormais les 500 morts en Chine continentale, les autorités renforcent les mises en quarantaine et mesures de contrôle à travers le pays. Wenzhou, Hangzhou, Pékin et Shanghai... Franceinfo a interrogé plusieurs habitants de ces villes chinoises au ralenti, voire désormais coupées du monde. 

Une seule sortie tous les deux jours

Valentine Hu a appris la nouvelle de cette quarantaine imposée via la télévision, des SMS de son opérateur et un groupe du réseau social WeChat auquel appartient son grand-père. "Ici, tout le monde applique la décision prise. Nous faisons au mieux pour éviter que le virus ne se propage", explique-t-elle. A WenCheng et dans les autres districts de Wenzhou, territoire au sud de Shanghai particulièrement touché par le coronavirus, l'heure est donc au confinement. Seule une personne de chaque famille a le droit de sortir une fois tous les deux jours, et ce uniquement pour aller au supermarché, constate Valentine Hu. "Personne ne regarde si un membre de la famille est bien sorti une fois tous les deux jours, on fait confiance ici", poursuit l'étudiante de 25 ans. 

Des contrôles ont toutefois lieu à l'entrée des supermarchés, rares lieux encore ouverts dans cette zone confinée. Le port d'un masque est obligatoire, et la prise de température systématique à l'entrée de ces commerces. "Après, tout le monde fait ses courses normalement", décrit Valentine Hu. Le village ne souffre, à ce stade, d'aucune pénurie de nourriture. 

Hormis ces sorties exceptionnelles, Wenzhou et ses environs sont à l'arrêt. "Les rues sont vides. (...) Des policiers et fonctionnaires font des rondes dans le village pour voir pourquoi des personnes sont dehors. Ils essaient d'inciter les gens à rester chez eux." Contraints au confinement, la Française, sa sœur et leurs grands-parents s'occupent comme ils peuvent, entre télévision, cuisine et travail pour les études. 

Le village est forcément beaucoup plus calme, on ne voit personne mais ce n'est pas terrifiant non plus. Bien sûr, c'est inquiétant, mais j'essaie de rester calme.

Valentine Hu, actuellement à Wencheng

à franceinfo

La situation est plus difficile pour Philippe Dezarn, un retraité franco-américain de 63 ans résidant à Fuyang, près de Hangzhou. Cette autre grande ville de la région de Zhejiang, où plus de 200 cas de coronavirus ont été recensés, subit à son tour de strictes mesures de confinement. "S'il vous plaît, ne sortez pas, ne sortez pas !", entendait-on mercredi dans les rues grâce à des haut-parleurs, d'après l'AFP. Là-bas aussi, une seule sortie est autorisée tous les deux jours pour chaque famille – dans une ville comptant pas moins de trois millions d'habitants. 

Alors qu'il prévoyait de rentrer aux Etats-Unis depuis Shanghai, Philippe Dezarn a dû faire demi-tour, son vol étant annulé. De retour à Fuyang, le retraité et sa femme affirment avoir été contraints à la quarantaine, en raison de leur voyage dans une autre province. "On nous a annoncé que nous ne pourrions pas quitter notre appartement pendant 14 jours. Juste sortir les poubelles une fois par jour, à 15 heures", assure le Franco-Américain. 

Une bénévole de la communauté est venue aujourd'hui coller du ruban adhésif autour de notre porte. Elle m'a dit qu'on ne pouvait absolument pas l'ouvrir.

Philippe Dezarn, habitant de Fuyang

à franceinfo

Plusieurs amis du couple devront donc faire leurs courses et les apporter à leur domicile, ou les laisser aux bénévoles de la résidence, et ce jusqu'au 17 février. Dehors, la ville de Fuyang est, comme Wencheng, à l'arrêt. "Lundi, quand j'ai marché 800 mètres pour aller chercher des espèces, tous les magasins étaient fermés. Les rues étaient abandonnées et il y avait environ 10% de la circulation habituelle", estime-t-il. Au total dans cette région du Zhejiang, quelque 18 millions de personnes sont témoins de telles scènes de confinement. Plusieurs régions industrielles du nord-est du pays, près de la Sibérie, le sont aussi d'après l'AFP. 

Pékin et Shanghai, des métropoles à l'arrêt

C'est un paysage de "ville abandonnée" que décrit également Che Pan, depuis son domicile de Pékin, qu'il n'a pas quitté depuis le 30 janvier. Sur place, il est vivement conseillé aux habitants de rester chez soi. "Il n'y a pas de voiture, personne sur les routes... Quand je suis allée à Sanlitun, une zone très commercante, il n'y avait personne", rapporte le journaliste indépendant de 36 ans. Dans la capitale chinoise, la population n'est pas confinée, mais dans des quartiers entiers le temps semble s'être arrêté. Des lieux publics historiques, des lieux de loisirs ont été fermés au public, précisent Les Echos"Les vacances du Nouvel An chinois ont été prolongées jusqu'au 10 février. Guomao [un quartier d'affaires de la capitale] est vide", relate Che Pan. 

Il y a un impact important pour la restauration. Plus personne ne mange dehors. Et de ce que j'ai vu, peu de magasins sont ouverts.

Che Pan, habitant de Pékin

à franceinfo

Une ville au ralenti, où des mesures sont néanmoins prises malgré l'absence de confinement. De retour, le 30 janvier, du Japon (où il avait acheté des masques en prévision des difficultés pour en trouver à Pékin), Che Pan a subi un premier contrôle de sa température dans l'avion, puis un deuxième une fois arrivé. "J'ai ensuite dû remplir un formulaire me demandant ma température, et si j'avais été en contact avec quelqu'un de Wuhan." 

Dans sa résidence pékinoise, l'entrée est désormais interdite aux personnes n'étant ni locataires, ni propriétaires. Certains locataires ayant voyagé dans d'autres provinces n'ont pu regagner leur appartement, assure Che Pan. "Et quand je suis allé apporter des masques à ma mère, il y avait un contrôle des températures obligatoire à l'entrée de sa résidence", poursuit le journaliste. 

A plus de 1 000 km de là, Arnaud, entrepreneur français de 35 ans, voit aussi sa ville, Shanghai, "en pause" à l'heure de l'épidémie de coronavirus. "Tous les bureaux et lieux publics sont fermés. Quelques restaurants et magasins sont encore ouverts, mais ils sont vides. Tous le monde est retranché chez soi, c'est complètement fou", observe ce père de deux enfants. 

Il n'y a quasiment personne dans les rues. Les rares personnes que l'on voit sont habillées comme dans des films de science-fiction, avec des masques ou le bas d'une bouteille d'eau pour se protéger.

Arnaud, expatrié français à Shanghai

à franceinfo

En dix jours, Arnaud n'est sorti que deux fois pour se rendre au supermarché. Il travaille donc à domicile, et passe un peu de temps, chaque jour, avec ses filles dans le jardin de la résidence. L'école de l'aînée, âgée de 4 ans, est fermée au moins jusqu'au 2 mars. 

"Nous avons un peu l'impression d'être après l'apocalypse, c'est très étrange", résume le trentenaire français. "Je ne tombe pas dans la psychose, j'attends que cela passe. Nous pouvons toujours acheter à manger, ce n'est pas la fin du monde." "Le plus embêtant, poursuit-il, c'est l'éducation des enfants. Ma fille ne va plus à l'école depuis le 23 janvier."

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