Coronavirus : face à une "progression incontestable" de l'épidémie, "tout se joue dans les deux à trois semaines qui viennent"
Avec 1 130 nouveaux cas de contamination au coronavirus entre jeudi et vendredi en France, il y a "une progression incontestable de la maladie" estime Jérôme Marty. Le médecin généraliste appelle à mener "un combat à la fois individuel et collectif".
"Tout se joue dans les deux à trois semaines qui viennent", a déclaré samedi 25 juillet sur franceinfo Jérôme Marty, médecin généraliste et président du syndicat de l'Union française pour une médecine libre. Il estime qu'il y a actuellement "une progression incontestable de la maladie" et appelle au sérieux de tous pour mener "un combat à la fois individuel et collectif" contre le virus. Pour Jérôme Marty, il faut également "contrôler toutes les frontières du pays" et pour cela "développer rapidement les tests salivaires".
franceinfo : Est-ce que vous êtes inquiet de la situation actuelle ?
Jérôme Marty : Légitimement, on ne peut que l'être puisqu'on voit que depuis plusieurs semaines, le nombre de personnes contaminées augmente et il augmente plus vite que la progression des tests. Ce qui prouve que ce n'est pas dû qu'au fait que l'on teste plus.
Il y a une progression incontestable de la maladie. Fort heureusement, il n'y a pas plus d'hospitalisations ni plus de cas en réanimation mais ça, c'est dû à deux faits simples : d'une part les gens qui sont à risque se protègent, en particulier les personnes âgées. Et puis, dans les lieux clos ou les transports en commun, les masques sont portés, on évite donc les cas graves. Mais plus on va avoir de gens contaminés, plus on va avoir un risque qu'à un moment ou un autre, les hospitalisations reprennent.
Est-ce que le nombre de cas qui augmente veut dire inexorablement deuxième vague ?
Ça ne veut pas dire inexorablement deuxième vague. Elle est possible et donc, comme elle est possible, elle doit être évitable. Je crois que c'est ce qu'il faut se dire. Mais ça demande un combat à la fois individuel et collectif.
Porter le masque, par exemple, pour protéger son entourage. Si chacun le met, on protège tout le monde. Je crois qu'on est dans une lutte, il faut le comprendre.
Jérôme Martyà franceinfo
Tout se joue dans les deux à trois semaines qui viennent. C'est extrêmement important. Imaginez que l'on ait des cas graves et une résurgence des hospitalisations pendant le mois d'août. Ce serait certainement le moment le plus difficile pour gérer cette épidémie.
Pour certains spécialistes, il suffit d'un événement super-contaminant mal maîtrisé pour que l'épidémie redémarre. Qu'est-ce que c'est ?
C'est ce qui peut se passer en lieu clos où il y a une aérosolisation de ce virus. Pour le comprendre très facilement, il faut s'imaginer la fumée d'une cigarette. On a tous connu ces zones où il y avait énormément de fumeurs, où les fenêtres étaient fermées et où on finissait par avoir un nuage de fumée. On parlait de tripots à l'époque. Et ce nuage de fumée, ça représente en quelque sorte le nuage du virus. Quand vous lâchez cette fumée à l'extérieur, elle s'évacue tout de suite. En intérieur, vous pouvez avoir un nuage viral qui peut contaminer quantité de personnes dans une même pièce. Parallèlement à cela, il y a aussi des porteurs du virus qui sont en capacité de contaminer énormément de personnes par rapport à d'autres, des super-excréteurs du virus. On craint cela aussi.
Cela veut dire qu'il vaut mieux 5 000 personnes réunies à l'extérieur pour une Fête de la musique que 30 personnes réunies à l'intérieur pour un anniversaire ?
Ça veut dire qu'on peut avoir 5 000 personnes, mais il faut respecter la distanciation physique.
Ce que l'on craint c'est le genre de moments comme ceux que l'on a pu vivre à Nice avec le concert de The Avener, où vous avez 5 000 personnes regroupées sur un tout petit périmètre.
Jérôme Martyà franceinfo
Il y a plusieurs façons de propager l'épidémie. D'une part, il y a les contacts proches et prolongés, à moins d'un mètre. Il y a l'aérosolisation qui est dangereuse en intérieur, les projections de gouttelettes et puis le fait de toucher une surface contaminée et de se toucher les muqueuses. Tout ça fait qu'il faut respecter les gestes barrières et que ces gestes barrières sont différents suivant si l'on est à l'extérieur ou à l'intérieur.
Est ce qu'il y a d'autres mesures, selon vous, qu'il faudrait prendre?
Non. La principale mesure à prendre, c'est le sérieux. C'est de comprendre que c'est un combat individuel qui a des retombées collectives, on ne peut pas se permettre de se relâcher à un moment où, ce que j'appelle la nappe virale, est en train de grimper. Et on ne veut pas avoir à vivre ce qu'on a déjà vécu au mois d'avril. Au fond, on se retrouve un peu dans les conditions de début mars si ce n'est qu'on teste plus et que, fort heureusement, nous n'avons pas d'augmentation des hospitalisations.
Le Premier ministre Jean Castex a annoncé hier de nouvelles mesures. Les tests sont désormais obligatoires dans les aéroports pour les voyageurs en provenance de 16 pays. Est ce qu'il fallait généraliser cette mesure pour l'ensemble des pays?
Oui et je pense que c'est ce qui va être fait à terme, j'espère assez rapidement. Il y a 16 pays, c'est vrai, où le virus circule beaucoup plus. Des pays qui sont classés en rouge. Mais nous parlons bien d'une pandémie. Le virus est partout dans le monde et ce que l'on veut éviter, c'est d'avoir des cas d'importation dans notre pays, c'est à dire qu'il y ait des gens qui entrent malades, qui ne soient pas détectés alors qu'ils sont capables de déclencher des contaminations.
Je pense que légitimement, il faut demander des tests à tous les gens qui rentrent sur notre pays. Et s'ils n'ont pas de tests, les tester nous-même.
Jérôme Martyà franceinfo
Il faut contrôler toutes les frontières du pays et pour cela, il va certainement falloir développer rapidement les tests salivaires, qui sont des tests beaucoup plus faciles d'usage et beaucoup plus rapides dans leurs résultats.
Est ce qu'il faut fermer purement et simplement la frontière espagnole?
Il faut tester tous les gens qui passent la frontière espagnole. Fermer les frontières, c'est difficile, en particulier en Catalogne. Il y a une Catalogne française, une Catalogne espagnole, il y a des gens qui travaillent des deux côtés. Il vaut mieux tester tout le monde, tous les gens qui passent les frontières.
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