Moselle : quatre questions sur les restrictions de passage à la frontière décidées par l’Allemagne
Berlin exige "un test PCR ou antigénique" de moins de 48 heures à l'entrée sur son territoire depuis la Moselle. La mesure vaut notamment pour les quelque 16 000 frontaliers mosellans qui vont travailler chaque jour en Allemagne.
Taux d'incidence élevé, large présence des variants... En Moselle, tous les voyants sont en rouge. Et l'Allemagne voisine, qui s'inquiète d'un essor de la pandémie de Covid-19, en a tiré les conséquences. Elle a décidé, dimanche 28 février, de classer en zone à haut risque ce département français frontalier. Concrètement, ceux qui entrent sur le territoire allemand devront présenter "un test PCR ou antigénique" négatif de moins de 48 heures et devront remplir une "déclaration électronique à chaque entrée sur le territoire allemand". Retour en quatre questions sur une décision dont l'impact est lourd pour les 16 000 travailleurs français qui franchissent quotidiennement la frontière pour travailler en Sarre ou en Rhénanie-Palatinat.
Quelle est la situation épidémique en Moselle ?
Le département fait partie des vingt départements placés le 25 février en surveillance renforcée par le gouvernement français. Il affichait samedi 27 février, selon le site Covidtracker, un taux d'incidence de 297 (nombre de cas sur sept jours pour 100 000 habitants). Il dépasse ainsi le seuil d'alerte maximale fixé à 250 par les autorités françaises. Mais c'est surtout la large présence des variants du virus sur le sol mosellan qui inquiète les autorités allemandes. Jeudi 25 février, le Premier ministre, Jean Castex, a affirmé que la Moselle comptait "60% de variants sud-africains". Un taux particulièrement alarmant, puisque que ce variant est réputé très contagieux.
Quelles sont les mesures prises par Berlin ?
"Le département français de Moselle sera considéré à partir du 2 mars à minuit comme zone affectée par les variants" du virus du Covid-19, a indiqué, dimanche 28 février, le ministère allemand de la Santé. C'est la catégorie la plus élevée dans l'échelle de risque allemande pour le coronavirus, qui en compte trois. En conséquence, à partir de mardi 2 mars, les personnes entrant sur le territoire allemand "devront présenter un test PCR ou antigénique" négatif, a ajouté le ministère. Après discussions avec les autorités allemandes, le secrétaire d'Etat français Clément Beaune a, plus tard, ajouté qu'un "test antigénique de moins de 48 heures" serait suffisant pour passer la frontière. Par ailleurs, il sera également demandé aux Français qui se rendent en Allemagne depuis la Moselle de remplir une "déclaration électronique à chaque entrée sur le territoire allemand, selon des modalités à préciser". La préfecture de la Moselle ajoute toutefois que "cette déclaration peut aussi, en cas de nécessité, être réalisée sur papier libre".
Néanmoins, il n'y aura pas de quasi-fermeture des frontières comme cela avait été imposée à la République tchèque et l'Autriche. L'Allemagne, en effet, n'a pas l'intention d'introduire à sa frontière avec la Moselle des contrôles de douane permanents, contrairement à ce qu'elle avait fait au printemps 2020 au début de la pandémie à la frontière française.
"La frontière ne sera pas fermée", a confirmé dimanche à l'AFP un porte-parole du ministère de l'Intérieur. Notamment car les régions allemandes limitrophes de la Moselle, la Sarre et la Rhénanie-Palatinat, ne l'ont pas demandé, mais aussi parce que les autorités régionales de part et d'autre de la frontière "coopèrent étroitement" sur cette question.
Pourquoi la situation inquiète-t-elle les travailleurs transfrontaliers ?
La Moselle compte 16 000 frontaliers qui travaillent dans les Länder de Sarre et de Rhénanie Palatinat chaque jour. Si on leur impose de se faire tester quotidiennement, cela impliquerait la réalisation d'environ 80 000 tests anti-Covid par semaine. "Ce serait ingérable", a estimé dimanche matin le député LREM de Moselle-Est, Christophe Arend, à France Bleu Lorraine.
Interrogé par franceinfo dimanche 28 février, le président de la région Grand Est, Jean Rottner, a immédiatement réclamé des tests antigéniques (dont les résultats sont donnés dans la demi-heure) plutôt que des PCR (dont les résultats sont le plus souvent connus le lendemain). Ce qui, depuis, a été accordé par Berlin. "Je milite également pour l'utilisation de tests salivaires qui ne sont malheureusement pas validés, à l'heure qu'il est, par nos amis allemands. Mais les tests salivaires seraient d'une efficacité et d'une souplesse d'utilisation beaucoup plus rapides", fait-il valoir. Avant d'argumenter : "Se faire écouvillonner toutes les 24 ou 48 heures [la technique utilisée avec les tests PCR et antigéniques], avouez-le, ce n'est vraiment pas agréable". Un désagrément que devront pourtant subir les travailleurs frontaliers.
Comment la France et l'Europe réagissent-elles à ce tour de vis ?
Le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes, Clément Beaune, a demandé dimanche 28 février à Berlin d'éviter des contrôles "stricts" synonymes de quasi-fermeture de la frontière. La France a également obtenu satisfaction sur les tests antigéniques. "Nous essayons d'atténuer ces mesures le plus possible", avait déclaré dimanche sur franceinfo Clément Beaune.
Le secrétaire d'Etat a enfin demandé d'avoir des tests "qui ne soient pas obligatoires chaque jour, mais tous les deux ou trois jours, ce qui allège la difficulté et l'organisation" et "de ne pas avoir des contrôles aux frontières elles-mêmes qui ralentissent la circulation". "C'est, je crois, en très bonne voie, a-t-il estimé. Je crois qu'il y a la volonté, d'avoir un esprit franco-allemand coopératif d'éviter de revenir à ce qu'on a vécu douloureusement au printemps dernier avec une quasi-fermeture des frontières."
La Commission européenne s'est, elle, émue de voir la libre circulation à l'intérieur de l'UE ainsi remise en cause. De son côté, le chancelier autrichien Sebastian Kurz a dénoncé une différence de traitement : "Il y a en Allemagne, en fonction des directions géographiques, des différences de rigueur en matière de règles à la frontière", a-t-il ainsi regretté ce week-end dans une interview au quotidien allemand Merkur. "Il est tout à fait approprié en période de pandémie de tendre un filet de sécurité avec des tests, des masques etc. Mais ce n'est à mon avis pas le cas pour des mesures qui mettent en danger le marché intérieur [européen], qui impliquent que les gens ne puissent se rendre sur leur lieu de travail", a-t-il dit.
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