"On a l'impression que la mort rôde pas très loin" : face au coronavirus, une infirmière du service réanimation de Strasbourg confie son angoisse
Le CHU de Strasbourg est saturé de malades du coronavirus. L'une des infirmières du service réanimation partage ses inquiétudes pour les patients et pour les soignants.
Face à l'épidémie de coronavirus, le personnel soignant est entré dans une période de marathon professionnel. Dans le Grand-Est, où l'épidémie est particulièrement forte, les services sont saturés. Le CHU de Strasbourg a lancé le plan blanc.
franceinfo a recueilli le témoignage d'une jeune infirmière de réanimation, à quelques heures de sa garde, avec comme l'impression de retourner au front. "Cest de la médecine de guerre qu'on fait, ça va arriver partout." Dans son service, les 30 lits sont tous occupés par des malades du Covid-19. Lucie, cette infirmière de 22 ans, les veille toutes les nuits. "On est dans l'épicentre, on est complètement débordés et on ne voit pas le bout. On n'a pas encore vu de patients sortir de réanimation, donc au final on a des places qui sont toutes prises, et il y a d'autres gens qui arrivent, et je ne sais pas où les mettre."
On voit de plus en plus de jeunes atteints. Et on se dit, 'merde, on n'a même pas de place pour les plus jeunes !'
Lucie, infirmière en réanimation à Strasbourgà franceinfo
Un contact risqué pour les soignants et pourtant, même sur le champ de bataille, le matériel manque cruellement. "Au bout de deux semaines on se rend compte qu'on n'a plus de matos, et on nous dit 'ben écoutez, dès que vous déconnectez les patients de l'assistance respiratoire, c'est plus la peine de mettre ça, ni ça'. On se retrouve à être habillés presque de façon normale pour déconnecter les patients, donc avec des risques de projections forts."
Des masques distribués de façon drastique
Il y a bien des masques, ajoute Lucie, mais distribués à flux tendu. "Chaque personne en a deux par service. Pour mon service de nuit, j'en ai deux. Normalement, ça suffit. Mais cela m'est déjà arrivé d'en casser un, par exemple les lanières qui sautent en l'enlevant. Et dans ce cas, on passe huit heures avec le même masque sur le nez, tout ça parce qu'on n'a pas assez de matériel. On n'est pas assez protégés."
Un sentiment parfois d'aller à l'échafaud, confie Lucie, même s'il faut que le moral tienne. "C'est lourd, on a l'impression que la mort rôde pas très loin."
On a l'impression d'être un peu seuls au monde, d'être les seuls à trimer. Les applaudissements des gens, c'est bien, il faut que ça continue
Lucie, infirmière en réanimation à Strasbourgà franceinfo
Un soutien nécessaire alors que depuis quinze jours Lucie est sur le pont, et que les jours de repos ne sont pas prévus au programme.
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