"On mettra probablement entre 18 et 24 mois pour revenir à la situation" de l'emploi d'avant la crise, estime le président d'Adecco
Christophe Catoir, invité de franceinfo, estime que le marché de l'emploi et de l'intérim vont continuer à baisser. "On peut s'attendre à la rentrée de septembre à un gonflement du chômage de manière très importante", explique-t-il.
"On mettra probablement entre 18 et 24 mois pour revenir à la situation" de l'emploi d'avant la crise du coronavirus, a déclaré ce jeudi 11 juin sur franceinfo Christophe Catoir, président France d'Adecco, entreprise spécialisée dans l'emploi intérimaire, après l'annonce par l'INSEE de chiffres historiques. Le premier trimestre 2020 a vu la destruction de 497 400 emplois dans le secteur privé, chute provoquée par un effondrement de 40% de l'intérim. Christophe Catoire estime que le marché de l'emploi et de l'intérim vont continuer à baisser. "On peut s'attendre à la rentrée de septembre à un gonflement du chômage de manière très importante", explique-t-il. Le président d'Adecco s'inquiète particulièrement pour le secteur de l'hotellerie-restauration, tandis que la construction connaît une reprise particulièrement rapide.
franceinfo : L'intérim a baissé de 40% au premier trimestre, d'après l'INSEE, c'est la baisse la plus importante depuis 1990. Est-ce qu'on doit - ?
Christophe Catoir : Oui, on doit s'inquiéter parce que c'est la plus forte baisse jamais répertoriée. Pour donner un ordre d'idée après la crise de 2008-2009, le premier trimestre d'après crise, l'intérim a fait moins 14%, et le deuxième trimestre après crise, il a à nouveau fait moins 14%. Donc on est très loin de ce que l'on a vécu sur le premier trimestre 2020. Là où je donnerai quand même un peu d'optimisme, c'est qu'au mois d'avril, la situation était pire qu'elle ne l'a été au premier trimestre. En 48 heures, on a perdu 500 000 emplois dans l'intérim sur les 800 000 que compte l'industrie de l'intérim en France. Et le mois d'avril, c'est moins 60%. Sur ces dernières semaines la situation revient à meilleure fortune, mais encore dans des proportions jamais vues puisque le marché navigue entre moins 35 et moins 40%. Le chômage va continuer d'augmenter. C'est malheureusement imparable. Les entrées à Pôle emploi étaient à plus de 840 000 sur le mois d'avril, et on est encore sous couvert de l'activité partielle. Donc, on sait que quand l'activité partielle s'arrêtera ou se réduira, il y a beaucoup de sociétés qui vont vivre des situations encore plus difficiles. On peut s'attendre à la rentrée de septembre à un gonflement du chômage de manière très importante. D'ailleurs le gouvernement ne s'en cache pas puisqu'il parle d'une baisse d'activité de 11% et de quasiment 800 000 demandeurs d'emploi de plus que la situation actuelle, qui est déjà assez dramatique.
Donc, l'objectif au gouvernement de ramener le chômage à 7% à la fin du quinquennat n'est pas réalisable ?
Malheureusement, la fortune n'est pas avec lui, les statistiques jusqu'à présent lui étaient favorables. Mais effectivement, vu la tendance de ces dernières semaines et de ces derniers mois, on peut considérer que cet objectif ne peut pas être réaliste dans une échéance aussi courte que deux années. Le retour à la normale d'avant crise étant un chômage à 8,1%, probablement qu'on mettra entre 18 et 24 mois pour revenir à cette situation.
Vous parliez d'optimisme, est-ce qu'il y a des secteurs qui repartent un peu ?
Il y a des secteurs qui ont résisté durant la crise, tout d'abord la pharmacie, le e-commerce, les activités de 'retail' [vente au détail], tout ce qui est agro-alimentaire. Et il y a des activités qui sont reparties. La construction, qui a probablement subi le plus lourd tribut au titre de l'intérim sur les mois d'avril et mai, est repartie de manière extrêmement forte sur ce mois de juin et ne revenant finalement qu'à très peu d'encablures de là où elle était avant la crise. C'est une activité qui est repartie de manière très forte et quelques accompagnements, notamment de la commande publique de la part des agglomérations, des collectivités locales pourraient aider à aller encore un cran plus vite. On peut se dire aussi que l'industrie repart petit à petit, l'automobile c'est encore difficile, mais on commence à voir revenir un peu d'activité. On a beaucoup parlé ces derniers jours des concessions qui revoyaient des clients. Par contre, malheureusement pour l'instant, l'hôtellerie-restauration reste à l'arrêt, de même que l'aéronautique, dont on sait que les grands plans de l'Etat seront indispensables, ne serait-ce que pour tenir une partie de l'emploi qui est celui que l'on a en France aujourd'hui.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.