Pancarte antisémite brandie à Metz : "Ce sont des éléments de langage qui tournent sur le web depuis quelques semaines"
Rudy Reichstadt, fondateur du site conspiracywatch.info, estime que cette pancarte est "de manière éclatante antisémite pour qui sait la décoder".
Une participante de la manifestation à Metz contre le pass sanitaire, samedi 7 août, a brandi une pancarte "manifestement antisémite", selon la préfecture de Moselle. Le parquet a ouvert une enquête contre cette enseignante de 34 ans, ex-candidate du Front national aux législatives de 2012. Elle a été placée lundi 9 août en garde à vue. "Ce sont des éléments de langage qui tournent sur le web depuis quelques semaines", explique sur franceinfo Rudy Reichstadt, fondateur du site conspiracywatch.info, observatoire du conspirationnisme et des théories du complot. Vous l'entendez régulièrement dans l'émission Complorama.
franceinfo : Que pensez-vous de la pancarte de cette manifestante ?
Rudy Reichstadt : Ce sont des éléments de langage qui tournent sur le web depuis quelques semaines. Depuis le mois de juin, à la suite d'une interview sur CNews du général qui avait signé l'appel des généraux en avril [dans l'hebdomadaire Valeurs Actuelles], et qui avait été interpellé au sujet d'un texte qu'il avait écrit des mois plus tôt sur un site complotiste, dans lequel il évoquait la "meute médiatique dont on sait qui la contrôle". Cette expression revenait à plusieurs reprises sous sa plume. Il était transparent qu'il voulait évoquer les juifs. Donc c'est vraiment un élément de langage antisémite qui circule depuis des semaines, c'est assez clair pour qui sait décoder ce message-là. Sur cette pancarte brandie samedi 7 août à Metz, il y avait cette notion de "traître" et ce thème d'accusation de traîtrise. C'est quelque chose qui appartient à l'histoire de l'antisémitisme.
Est-ce une nouvelle manière de ramener un discours qui existe depuis longtemps ?
"La question n'est pas de savoir si cette pancarte est antisémite ou pas. Elle est de manière éclatante antisémite pour qui sait la décoder."
Rudy Reichstadt, fondateur du site conspiracywatch.infoà franceinfo
Est-ce que tout le monde parmi les manifestants arrive à la décoder ? Ce n'est pas certain, mais évidemment elle interpelle avec cette manière d'égrener des noms de juifs réels ou supposés.
A-t-on déjà vu ce genre de pancarte dans des mouvements récents ?
On a vu ça dans des manifestations anti-pass sanitaire depuis plusieurs semaines. Ce n'est pas la première fois, avec parfois des choses beaucoup plus explicites, comme des étoiles de David dessinées dessus. Pendant les "gilets jaunes", on avait vu ce genre de pancartes avec les noms de Rothschild, Jacques Attali, Patrick Drahi. Ces choses-là sont parfaitement banalisées dans cet imaginaire à la fois complotiste et antisémite, qui a pu s'exprimer pendant le mouvement des "gilets jaunes".
Comment expliquez-vous que les gens fassent ce lien ?
Il y a des gens qui ont essayé de le récupérer et qui ont un background politique. C'est le cas de cette jeune femme, dont on a appris assez rapidement qu'elle avait été la dernière candidate pour le Parti de la France, et qu'il y a plusieurs années elle militait au sein du Front national. Donc, quelqu'un qui vient de l'extrême droite et qui en a parfois les idées les plus radicales. Ce n'est pas quelque chose de surprenant.
"Evidemment les mouvements des "gilets jaunes" ou des anti-pass sanitaire ne se réduisent pas à ça mais cela en est une composante."
Rudy Reichstadt, fondateur du site conspiracywatch.infoà franceinfo
Le complotisme est très présent dans ces mouvements-là, parce qu'ils s'organisent sur le web, avec une manière d'hystériser ces questions-là. On a des gens qui dénoncent une "dictature" et qui sont persuadés de vivre dans un régime totalitaire. Pour un certain nombre d'entre eux, cela prend la forme de slogans antisémites.
Pourquoi avez-vous partagé cette photo sur Twitter ?
Il faut montrer, ne pas avoir peur de ces sujets-là, ne pas considérer qu'ils sont tabous. Les gens sont assez conscients de ces choses-là pour en être choqués. Il ne faut jamais oublier que ces discours-là sont quand même très minoritaires, et que les juifs ne sont pas seuls face à cela. C'est très bien qu'en 2021, on ait cette capacité de se dire que c'est quelque chose qu'on ne tolère pas.
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