Recherches sur le coronavirus : il faut éviter "les annonces prématurées de résultats" met en garde l'Académie de médecine
La plupart du temps "exploratoires et pas définitifs", les résultats des études scientifiques sur le virus sont très disparates. Pour le Pr Gilles Bouvenot, il faut éviter de médiatiser des hypothèses comme des résultats avérés.
Alors que de nombreuses études et recherches sont lancées un peu partout dans le monde et en ordre dispersé pour tenter de trouver un médicament ou un vaccin contre le coronavirus. Sur franceinfo mercredi 12 mai, le professeur Gilles Bouvenot membre de l'Académie de médecine, lance une mise en garde : "Il faut éviter de médiatiser excessivement, comme des choses avérées, ce qui n'est qu'une hypothèse".
"Même si on doit se réjouir que les pistes de recherches soient très nombreuses et pour la plupart d'entre elles très pertinentes. Cependant, il en résulte une grande dispersion de ces études", prévient-il. Pour le Pr Gilles Bouvenot, il faut éviter des "annonces prématurées, de résultats la plupart du temps exploratoires et pas définitifs et que l'on ne doit pas prendre pour argent comptant".
franceinfo : Vous vous inquiétez du contexte dans lequel les recherches pour trouver un remède ou un vaccin contre le Covid-19 sont menées. Il y a selon vous trop de pression sur les scientifiques ?
Pr Gilles Bouvenot : Nous sommes préoccupés, même si on doit se réjouir que les pistes de recherches soient très nombreuses et pour la plupart d'entre elles très pertinentes. Cependant il en résulte une grande dispersion de ces études. Ce sont des études de petite taille, avec peu ou insuffisamment de patients inclus or les études de petite taille sont rarement conclusives par manque de puissance. Nous avons vraiment l'impression que non pas qu'il y a un grand désordre, mais manifestement un manque de coordination au moins à l'échelon national. On doit accorder à tout chercheur la liberté de chercher mais il serait bon que ceux qui cherchent dans le même domaine puissent se rassembler, se réunir et on pas se contenter de communiquer entre eux les résultats ou les informations qu'ils peuvent avoir. Notre deuxième préoccupation, c'est celle des annonces prématurées, de résultats la plupart du temps exploratoires et pas définitifs, confirmés et que l'on ne doit pas prendre pour argent comptant. Il ne faut pas croire que ces pistes, ces études exploratoires ont démontré quoi que ce soit.
Quels sont les risques de ce type de communication ?
Oui, il y a des risques, car communiquer dans le contexte anxiogène, c'est créer souvent de faux espoirs et pas seulement, c'est aussi créer peut-être des comportements délétères et dangereux de la part de nos concitoyens. Apprendre qu'il est possible de sauver des vies avec l'utilisation de tel médicament ou de telles méthodes peut susciter de la part de la population une appétence à aller faire la queue devant les pharmacies pour se procurer ces médicaments sans prendre plus de précautions. En ce qui concerne l'hydroxychloroquine il y a eu un phénomène de compassion pour les patients, or nous ne savons pas si médicament fonctionne.
Donc en ayant plus de coordination, plus sérénité, les chercheurs sont plus efficaces ?
Plus de coordination, c'est sûr, mais il ne m'appartient pas de dire de la part de qui. Il faut qu'il y ait des instances de coordination. Il faut éviter de médiatiser excessivement, comme des choses avérées ce qui n'est qu'une hypothèse. Il faut garder la tête froide malgré l'urgence. Il faut travailler plus vite que d'habitude mais ne pas bâcler l'évaluation. Si c'est le cas on risque de ne jamais savoir si ce médicament, peut être efficace, l'est réellement. Et c'est une perte de chance pour les patients.
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