"Ségur de la santé", crise de l'hôpital, hydroxychloroquine, deuxième vague... Le "8h30 franceinfo" de Philippe Juvin et Thomas Mesnier
Philippe Juvin, professeur de médecine, chef du service des urgences de l’hôpital Georges-Pompidou à Paris et maire LR de La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine), ainsi que Thomas Mesnier, médecin urgentiste et député LREM de Charente, étaient les invités du "8h30 franceinfo", lundi 25 mai.
Avant le début de la concertation sur l'hôpital, surnommée "Ségur de la santé", lundi 25 mai, deux médecins également engagés en politique étaient les invités du "8h30 franceinfo": Philippe Juvin, professeur de médecine, chef du service des urgences de l’hôpital Georges-Pompidou à Paris et maire LR de La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine), et Thomas Mesnier, médecin urgentiste et député LREM de la première circonscription de Charente. Ils sont revenus sur la crise que traverse l'hôpital et à laquelle va tenter de répondre le gouvernement lors des négociations qui s'ouvrent pour sept semaines. Ils ont aussi abordé l'évolution de l'épidémie de coronavirus et les traitements en cours d'élaboration.
Une politique de santé à long-terme
Philippe Juvin craint "un énième plan" avec la grande consultation qui commence lundi. Celle-ci a pour but d'améliorer la situation des hôpitaux et des Ehpad en revalorisant notamment les salaires, les carrières, et les moyens."Si le Ségur de la santé est un nouveau grand débat, c'est-à-dire de l'incantation, de grandes messes, on aura encore déçu", a déclaré le professeur de médecine. "Il faut avoir en tête que notre priorité est de soigner les patients. J'attends du 'Ségur de la santé' une prise de conscience à condition que, derrière, nous ayons des actes à court terme et à long terme. Si c'est un plan pour dire ce que sera la santé dans cinq ou dix ans, on tape à côté", a-t-il ajouté.
Une gestion de la crise du coronavirus grâce à une "médicalisation" des décisions
Le fait de redonner le pouvoir à une autorité médicale "est un des éléments" qui fait que cela a tenu le coup malgré le manque de moyens, selon Philippe Juvin. "J'ai vu une vague qui nous a submergés et que nous avons maîtrisée parce qu'on a complètement bouleversé nos organisations. On a médicalisé les décisions, ce qui ne se fait jamais. Cela fait 15 ans que je suis chef de service et je n'avais jamais eu de discussion médicale avec les gens qui dirigent l'hôpital. Nous avions des discussions budgétaires, de postes, mais jamais de médecine. Là, j'ai pu parler de médecine parce qu'à côté du directeur on a mis un directeur médical qui a pris de l'importance et qui a contribué à la modification évidente du mode de fonctionnement. C'est cela qui nous a manqué pendant tout ce temps et on vient de le découvrir", a expliqué le chef du service des urgences de l’hôpital Georges-Pompidou.
"Ne pas toucher aux 35 heures" à l'hôpital
Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a promis dimanche que le gouvernement allait "augmenter les rémunérations" à l'hôpital et créer un "cadre beaucoup plus souple" au temps de travail, en réponse à la demande de reconnaissance des personnels. "Les soignants sont fatigués, usés, on ne peut pas leur dire de venir plus souvent à l'hôpital. Il ne faut pas toucher aux 35 heures", a prévenu Philippe Juvin. Pour le professeur de médecine, "on ne va pas terminer cette crise en disant aux soignants qu'il faut travailler plus. Les 35 heures ont été un carcan et on le subit."
Pour Thomas Mesnier, médecin urgentiste, député LREM de Charente, "il faut poser le sujet sur la table, cela va être au programme du 'Ségur'. Les 35 heures ont profondément désorganisé l'hôpital public quand elles ont été mises en œuvre. Il faut se poser la question du temps de travail."Sans souhaiter la suppression des 35 heures dans l'hôpital public, le député pense qu'"il faut donner de la souplesse, discuter avec les agents, s'assurer qu'elles sont bien de mise dans tous les hôpitaux. Il faut permettre aux soignants qui le souhaitent de travailler davantage en mettant des garde-fous."
Cantonner l'hydroxychloroquine aux essais cliniques
Les deux médecins ont réagi à la demande d'Olivier Véran de réviser les règles de prescription de l'hydroxychloroquine après la publication d'une étude pointant son inefficacité. "À part dans des essais cliniques, ce n'est pas raisonnable de donner de l'hydroxychloroquine aujourd'hui", a estimé Philippe Juvin. Des études sont encore en cours, "il appartient d'aller au bout", a expliqué Thomas Mesnier, médecin urgentiste. "Mais, il est temps d'arrêter d'en prescrire aussi bien que d'en parler les différents médias. J'espère que les irresponsables politiques qui ont parlé de la prescription hydroxychloroquine avant les études viendront dire qu'ils se sont complètement trompés", a ajouté le député LREM de Charente.
"Les oppositions sont normales en science", a expliqué Philippe Juvin. "Ce qui n'est pas normal c'est de confondre le temps de la science et le temps médiatique. Le temps de la science a besoin de confrontation, de disputes intellectuelles, de gens qui sont pour et qui sont contre pour qu'on arrive à conclure."
La deuxième vague "n'est pas celle qu'on attendait"
Après deux semaines de déconfinement, la deuxième vague du coronavirus est en train d'arriver. Mais "ce sont les patients qui ont souffert du confinement et qui ne se sont pas traités à cause du confinement et qui sont massivement à l'hôpital", a précisé Philippe Juvin, chef du service des urgences de l’hôpital Georges-Pompidou à Paris. Ce sont des diabétiques, de malades du cancer, des personnes souffrant de maladies chroniques "et qui ont eu peur d'aller à l'hôpital ou de consulter leur médecin. Il y a aussi les patients âgés qui ont été les grandes victimes de cette épidémie". Pour Thomas Mesnier, une deuxième vague réelle du coronavirus est difficile à prévoir pour le moment. "C'est surtout à la fin de cette semaine, après presque trois semaines de déconfinement, qu'on en saura plus sur l'état sanitaire", a indiqué le médecin urgentiste.
En France, "simplement 5% de la population a rencontré le virus, a déclaré Philippe Juvin, donc je n'imaginais pas comment on pouvait échapper à cette deuxième vague. Mais dans les pays qui ont déconfiné avant nous il n'y a pas eu de deuxième vague. Donc, je ne sais pas si la deuxième vague va arriver." Mais, d'une certaine manière, "on a une deuxième vague qui est une vague non Covid et il y aura des victimes, des morts, non Covid à cause de l'épidémie parce que nous avons été désorganisés", a-t-il ajouté. "Cela doit être une leçon", à prendre en compte lors des mois de concertation sur l'hôpital.
>>>> Retrouvez l'intégralité du "8h30 franceinfo" de Philippe Juvin et Thomas Mesnier :
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