: Témoignage "Aujourd'hui, mon corps est cassé" : les malades du Covid long face au précipice de la fin de la prise en charge
"Mon corps, c'était une machine de guerre. Je pouvais lui demander n'importe quoi et il le faisait. Aujourd'hui, il est cassé." Matthieu Lestage a été infecté par le Covid en octobre 2020. Après un passage aux urgences, pour une suspicion d’embolie pulmonaire, son corps le lâche : impossible de marcher. Alors pendant des mois, Matthieu réapprend, se force, s’obstine à aller toujours un peu plus loin quand il sort de chez lui. "Ça fait mal au cœur", confie cet ancien militaire de 45 ans.
Aujourd'hui, trois ans après, il va un peu mieux, mais n'a toujours pas retrouvé ses capacités physiques de l'époque. "Je n'arrive toujours pas à courir, j'ai un problème de gestion à l'effort. Je suis passé de zéro mètre à 3 kilomètres de marche en presque trois ans, raconte Matthieu Lestage. J'ai toujours un fauteuil roulant pour ne pas interrompre des sorties prématurément."
"Je me dis que je vais mieux, il y a de l'amélioration, mais en fait ça ne fait pas la vie."
Matthieu Lestage, ancien militaire atteint de Covid longà franceinfo
Physiquement diminué, moralement épuisé, cet ancien militaire de 45 ans est en arrêt de travail pour quelques semaines encore, mais il arrive en fin de droits. Comprendre : les indemnités versées par l'Assurance-maladie vont s'arrêter. Et il n'est pas le seul dans ce cas-là. Selon Santé Publique France, plus de deux millions de personnes en France souffrent de symptômes persistants des mois voire des années après l'infection au Covid-19.
Une difficile reconnaissance de la maladie
Des conséquences encore difficiles à faire reconnaître. L'association ApresJ20 tente d'interpeller le gouvernement pour une meilleure prise en charge des malades. "On a une situation catastrophique, avec un fort recul des prises en charge", constate la présidente de l'association, Pauline Oustric.
"Il y a encore beaucoup de médecins qui ne savent pas ce qu'est le Covid long, qui ne croient pas leurs patients."
Pauline Oustric, présidente de l'association ApresJ20à franceinfo
"Ce recul de la prise en charge est d'autant plus important qu'aujourd'hui, on ne parle presque plus de Covid, on ne parle pas du tout de Covid long et le Covid est reconsidéré comme une petite 'grippette', regrette encore la présidente de l'association. On appelle vraiment à une reconnaissance en maladie professionnelle qui soit homogénéisée et une facilité de la reconnaissance." D'après elle, certains médecins ne prennent pas au sérieux les malades du Covid long. "C'est une maladie qui est invalidante et handicapante. Donc, au même titre que les autres, elle doit être prise en charge", insiste-t-elle.
Des décrets d'application qui tardent à venir
Ce recensement, cette reconnaissance et cette prise en charge sont bien prévus par la loi, celle portant sur le Covid long, datant du 24 janvier 2022. Stéphanie Rist, médecin et députée Renaissance du Loiret, assure mardi 29 août sur franceinfo que la plateforme de recensement et de prise en charge des malades du Covid long arrivera "avant la fin de l'année". La députée précise qu'actuellement la prise en charge des patients souffrant ou ayant souffert de symptômes post-Covid, plusieurs semaines ou mois après avoir été contaminés, peut déjà se faire par le médecin traitant. Mais "c'est difficile à diagnostiquer, objecte Stéphanie Rist. La fatigue peut être liée à plein d'autres raisons, comme les douleurs articulaires".
À ce jour, les décrets d’application n’ont donc toujours pas été publiés. Le 6 avril 2023, le ministère de la Santé assurait "travailler activement à la déclinaison d'une politique de santé pour les Français souffrant d'un Covid long". Mais entre temps, il y a eu un remaniement. "Nous avons écrit au ministre lors de sa prise de fonction pour demander une entrevue et expliquer l’urgence de la situation", raconte ainsi Pauline Oustric, qui "attend encore des nouvelles dates". "La Haute autorité de Santé devrait aussi publier prochainement un guide de prise en charge, selon la députée Stéphanie Rist. Et puis la recherche continue, lance-t-elle. Les malades de Covid long ne doivent pas être les oubliés de la crise".
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