Vaccin russe contre le Covid-19 : " Il nous faut des résultats préliminaires pour savoir si le vaccin Spoutnik a dépassé la ligne d'arrivée", juge un infectiologue
Pour Benjamin Davido, médecin à l'hôpital Poincaré de Garches, l'une des grandes inconnues concernant le Covid-19 est la durée de l'immunité engendrée par le virus. Elle semble plus courte que prévue et pourrait donc limiter l'efficacité d'un vaccin.
Après l'annonce par Vladimir Poutine, mardi 11 août, de la mise au point d'un vaccin contre le Covid-19 par la Russie, l'infectiologue Benjamin Davido,se montre prudent sur franceinfo, estimant qu'il faut maintenant "des résultats préliminaires pour savoir si le vaccin Spoutnik a dépassé la ligne d'arrivée". Le médecin de l'hôpital Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine) se réjouit cependant que "tous les pays mettent une énergie à endiguer l'épidémie".
franceinfo : Est-ce crédible d'avoir un vaccin développé aussi rapidement ?
Benjamin Davido : Il faut savoir que depuis le début de la crise du Covid-19, on n'a jamais été aussi vite en médecine et en sciences fondamentales, et que cette course du vaccin ne cesse de s'accélérer. C'est aussi une course géopolitique entre tous les grands : les États-Unis, la Chine, l'Europe et maintenant la Russie. Les protocoles de sécurité ont été pour l'instant parfaitement respectés.
On est déjà en phase 3 de vaccination, c'est-à-dire qu'on a pu tester le vaccin sur un groupe d'individus assez important, environ 1 000 personnes.
Benjamin Davido, infectiologueà franceinfo
Les premiers vaccins candidats sont relativement efficaces avec plus de 90% d'immunité et surtout, il n'y a pas de danger pour l'instant de cette nouvelle technique de vaccination. Cette nouvelle technique basée sur ce qu'on appelle des ARN messagers, le code génétique d'un virus qu'on va inoculer à l'individu pour synthétiser le vaccin, est une première, ce qui fait qu'on va plus vite que les vaccins qu'on a l'habitude de faire, comme la grippe et les autres vaccins saisonniers. Si on pouvait avoir un vaccin en 2021, ça serait une excellente nouvelle.
Est-il possible que le vaccin développé par la Russie offre une "immunité durable", comme l'affirme Vladimir Poutine ?
Pour l'instant, les certitudes, on ne les a pas, malheureusement. Ce qu'on sait de données récentes d'une bonne revue qui s'appelle le New England Journal of Medecine, c'est que chez les individus qui avaient peu ou pas de symptômes et qui avaient eu la Covid, l'immunité semble beaucoup moins prolongée que ce qu'on pensait et qu'en moyenne, elle est de 90 jours. Ce qui pose question sur la vaccination et notamment sur la nécessité ou non de faire des rappels. Donc, pour l'instant, comme c'est une maladie nouvelle, on n'a aucune idée si cette immunité va rester dans le temps, on l'espère. Et surtout, on en sait encore moins sur celle du vaccin puisqu'on en est aux balbutiements et donc on ne peut pas faire de conclusions à posteriori tant que l'épidémie n'est pas derrière nous. Ce qu'il nous faut, ce sont des résultats préliminaires pour savoir si le vaccin Spoutnik a dépassé la ligne d'arrivée. Mais on ne peut que se réjouir de savoir que tous les pays mettent une énergie à endiguer cette maladie.
Quelles mesures doivent être prises lors du conseil de défense consacré à la situation sanitaire en France ?
La première mesure, déjà, c'est d'informer très largement sur le fait que l'épidémie n'est pas derrière nous et de sensibiliser les plus jeunes. Aujourd'hui, on a un vrai problème : on a du mal, finalement, à percer cette coque, à donner l'information au plus proche de ces jeunes qui utilisent beaucoup les réseaux sociaux Instagram, Facebook, Twitter, Tik Tok. L'information n'arrive pas forcément à eux et on est restés très longtemps figés, on a cristallisé le débat sur la Covid avec ses formes graves de réanimation hospitalière. Aujourd'hui, le virus commence à frémir à l'hôpital, mais au-delà de ça, il circule en ville.
Il y a une nouvelle problématique, il faut atteindre ces jeunes qui, hier, n'étaient pas du tout la clé de voûte de cette épidémie, puisqu'on l'a résumé aux patients âgés à l'hôpital.
Benjamin Davidoà franceinfo
Et puis bien sûr, il faut vulgariser, démocratiser, inciter à faire des dépistages et à porter le masque lorsqu'on ne peut pas respecter la dispensation sociale.
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