Covid-19 : à quoi pourrait ressembler la quatrième vague épidémique que les scientifiques redoutent ?
La trajectoire de ce rebond épidémique pourrait varier selon la proportion de Français vaccinés, estiment des chercheurs de l'Institut Pasteur.
À la question "va-t-il y avoir une quatrième vague ?" le professeur Jean-François Delfraissy répond "oui", résigné. Le président du Conseil scientifique, habitué à commenter la trajectoire de l'épidémie depuis le printemps 2020 veut être clair, mercredi 30 juin, au micro de France Inter : les Français ont beau vouloir croire à la fin de l'épidémie, le Covid-19 pourrait revenir en force une fois l'été passé.
Pour preuve, les épidémiologistes gardent un œil sur le Royaume-Uni, la Russie ou encore Israël, confrontés à une résurgence épidémique. Pourtant, les campagnes vaccinales au Royaume-Uni et en Israël sont plus avancées qu'en France. Respectivement 65,48% et 64,14% de la population y est vaccinée, selon les données de Our World in Data du 27 juin (et seulement 14,81% en Russie).
Un rebond épidémique sous la menace du variant Delta
Si le taux d'incidence et le nombre de nouvelles contaminations dans l'Hexagone sont encourageants et même "extrêmement bas", selon Jean-François Delfraissy, ces chiffres sont "par certains côtés faussement rassurants", assure-t-il. Car l'été arrive et va inévitablement changer la donne. "On doit se souvenir de ce qui s'est passé durant l'été dernier. On était à des chiffres à peu près comparables, et on a vu la deuxième vague en septembre", rappelle-t-il. La belle saison pourrait encore une fois entraîner un relâchement des gestes barrières, une hausse de la circulation des personnes et s'achever à la rentrée par une diffusion du virus dans les établissements scolaires, pointent les scientifiques.
Un nouveau venu pourrait envenimer la situation : le variant Delta. Identifié en Inde, ce variant du virus Sars-CoV-2, serait 40 à 60% plus contaminant que le variant Alpha, détecté au Royaume-Uni fin 2020 et responsable de la troisième vague épidémique traversée par la France. Ce variant préoccupant gagne déjà du terrain en France : il représente à présent 20% des nouveaux diagnostics, soit le double de la semaine précédente, a précisé le ministre de la Santé mardi sur franceinfo. D'ici à la fin août, il pourrait concerner "80-90% des contaminations", a estimé mercredi Arnaud Fontanet, directeur de recherche à l'Institut Pasteur, sur BFMTV.
La force du rebond dépendra de la vaccination
Toutefois, un nouveau facteur va influer sur la trajectoire épidémique : la vaccination contre le Covid-19. Contrairement à 2020, celui qui vient commence alors qu'un peu plus de la moitié des Français a reçu au moins une injection de vaccin contre le Covid-19 et que près d'un tiers de la population est totalement vaccinée.
Cela ne suffit pas, préviennent les scientifiques. Un "possible rebond épidémique cet automne" reste probable selon une étude prépubliée (en anglais) de l'institut Pasteur, rendue publique lundi. Si les vaccins de Pfizer et d'AstraZeneca demeurent efficaces après deux doses contre les formes graves du Covid-19, le taux de personnes entièrement vaccinées reste insuffisant pour prévenir une reprise épidémique. Selon les auteurs de l'étude, les non-vaccinés ont douze fois plus de risque de transmettre de virus qu'une personne vaccinée. Plus ils seront nombreux, plus le regain épidémique sera donc important.
Nous avons étudié comment l'épidémiologie de SARS-CoV-2 pourrait évoluer dans une population partiellement vaccinée. Qui sera infecté? Qui transmettra? Qui sera hospitalisé? Et quelles implications pour le contrôle d'un possible rebond? https://t.co/kExKl8oD7d pic.twitter.com/NhA2T81q7E
— Simon Cauchemez (@SCauchemez) June 29, 2021
Dans le scénario de référence étudié par l'Institut Pasteur, construit autour d'un taux de reproduction égal à 4 (une personne contaminée en contamine quatre autres) d'une couverture vaccinale variable selon les tranches d'âge (30% chez les 12-17 ans, 70% chez les 18-59 ans et 90% chez plus de 60 ans), "un pic d'hospitalisations similaire au pic de l'automne 2020 pourrait être observé en l'absence de mesures de contrôle", précise le résumé de l'étude (en anglais). Au 28 juin, selon les chiffres de Santé publique France, 52,8% des 18-59 ans et 81,4% des plus de 60 ans avaient reçu au moins une dose de vaccin. Seuls 26,5% des 18-59 ans et 69,8% des plus de 60 ans avaient un schéma vaccinal complet. Le rythme des primo-injections étant à la peine ces dernières semaines, les scientifiques craignent que ce scénario ne se produise.
Une vague plus "nuancée" dans les hôpitaux
Pour autant, la vaccination de millions de Français changera sensiblement la donne. "Je crois qu'on aura une quatrième vague, mais qu'elle sera plus nuancée grâce à la vaccination", rassure Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique. L'impact de ce regain épidémique sur les services de soin devrait être différent de celui des précédentes vagues, car si le vaccin n'empêche pas la contamination, il offre une bonne protection contre les cas graves et modérés du Covid-19, pris en charge par le système hospitalier.
"Avec deux doses de vaccin protégeant à 95% contre les hospitalisations, il y a une manière très simple de ne pas mettre en tension les services hospitaliers", résume Arnaud Fontanet, membre du Conseil scientifique. Selon les estimations de l'Institut Pasteur, les personnes non vaccinées représentent 37% de la population et 75% des nouvelles infections. Quant aux non vaccinés de plus de 60 ans, ils représenteraient 3% de la population, mais 35% des hospitalisations. Leur vaccination pourrait donc considérablement jouer sur la pression hospitalière. "Parmi toutes les mesures étudiées, la vaccination des non vaccinés est l'approche la plus efficace pour contrôler l'épidémie", conclut l'étude de l'Institut Pasteur.
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