Covid-19 : comment les usines françaises se joignent à l'effort européen pour produire des vaccins
L'usine Delpharm, située en Eure-et-Loir, se lance aujourd'hui dans la production du vaccin de Pfizer-BioNTech. Plusieurs sites français vont prochainement participer aux efforts européens, essentiellement pour de la mise en flacons et du conditionnement.
La France n'a pas encore trouvé sa formule de vaccin contre le Covid-19, après les déboires rencontrés par le groupe Sanofi. Mais le pays de Pasteur participe tout de même aux efforts visant à produire en Europe les différents vaccins autorisés sur le marché. A Saint-Rémy-sur-Avre (Eure-et-Loir), mercredi 7 avril, le groupe Delpharm va commencer à remplir des flacons de Comirnaty, le vaccin développé par Pfizer et BioNTech.
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Son directeur général délégué, Stéphane Lepeu, a détaillé au magazine Challenges (article abonnés) la mission des 300 salariés du site : remplissage, contrôle, conditionnement et congélation. Cela passe notamment par l'achat de "55 congélateurs et cinq tonnes de glace carbonique" pour assurer "l'expédition à -70 °C de chaque lot".
Six usines bientôt mobilisées en France
Même mobilisation à Chenôve (Côte-d'Or), où l'usine CordenPharma fabrique déjà l'un des composants du vaccin de Moderna – dits "précurseurs de lipides". Ces molécules sont indispensables pour "encapsuler" les brins d'ARN et leur permettre d'entrer dans les cellules, où ils pourront guider la synthèse de l'antigène, la fameuse protéine S. Le site français expédie ensuite son produit dans un site basé au Colorado (Etats-Unis), où la réalisation des capsules lipidiques est achevée. "Ensuite, elles sont envoyées à notre client Moderna", explique Yves Michon, président du groupe CordenPharma Chenôve, à France 3 Bourgogne Franche-Comté.
Ces deux exemples illustrent la mobilisation continentale pour accélérer la production des vaccins, et doper enfin les campagnes vaccinales. Selon le commissaire européen Thierry Breton, qui pilote la "task force vaccins" de l'UE, 53 usines réparties sur le continent sont aujourd'hui mobilisées. D'ici deux mois, la France devrait compter au total six sites industriels pour la production de vaccins, notamment pour des opérations de remplissage des flacons, d'emballage ou d'aseptisation. Ce maillage est le fruit de multiples collaborations au sein du secteur pharmaceutique. Elles dessinent aujourd'hui un puzzle de la coopération internationale, au gré des accords de sous-traitance.
Six mois pour transformer une ligne de production
Outre Delpharm, le Suédois Recipharm va lui aussi produire des vaccins pour Moderna, à compter de mi-avril, dans son usine française de Monts (Indre-et-Loire). Le façonnier Fareva devrait lancer "fin mai, début juin" la production du vaccin de l'Allemand CureVac, qui devrait prochainement obtenir son autorisation de mise sur le marché, dans ses usines de Pau (Pyrénées-Atlantiques) et de Val-de-Reuil (Eure). Le Français Sanofi, lui, va produire des doses pour Janssen (Johnson & Johnson) à Marcy-l'Etoile (Rhône), à une date encore floue, mais Bercy évoque le début de l'été. "Jusque-là il fallait deux ans pour transformer une ligne de production d’un vaccin à un autre", s'est félicité Thierry Breton, interrogé par Le Parisien. "Là [à Marcy], on le fait en cinq ou six mois".
Le détail de la production dans chaque usine est protégé par des accords de confidentialité, mais au moins 250 millions de doses sortiront des lignes de production françaises en 2021, selon le ministère délégué à l'Industrie, soit 10% des commandes européennes.
Le vaccin d'AstraZeneca, lui, ne compte aucune étape de fabrication en France. Et début mars, le gouvernement semblait réservé sur la possibilité de produire le vaccin russe Spoutnik V dans l'Hexagone. Un porte-parole du ministère de l'Economie interrogé par Reuters estimait que "toutes les capacités de production françaises [étaient] saturées par d'autres vaccins, dans l'immédiat".
La France dans un rôle de sous-traitant
Malgré cette mobilisation, les "principes actifs" des vaccins, c'est-à-dire les molécules au cœur de leur fonctionnement, ne sont donc pas fabriqués en France. Les ARN messagers des vaccins de Pfizer/BioNTech et de Moderna sont respectivement produits dans un site allemand de BioNTech (à Mayence). La "formulation", c'est-à-dire l'ajout d'autres substances permettant de renforcer la stabilité et l'efficacité du principe actif, est réalisée chez un partenaire suisse, Lonza, pour le vaccin de Moderna. Pfizer recourt à l'une de ses propres usines en Belgique, avec le soutien depuis mars d'un nouveau site BioNTech en Allemagne.
La France n'a aucun site de fabrication de substance active de l'ARN messager de capacité industrielle. Avec l'accélération de l'histoire sur cette technologie, et si nous voulons reprendre des couleurs, nous devons disposer de sites.
Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée à l'Industrieen visio-conférence
Alors, à quand un retour de la France au premier plan ? Le géant français Sanofi pourrait produire à terme son propre vaccin, mais vraisemblablement pas avant le second semestre, si les essais cliniques s'avèrent concluants. "Le fait d'avoir un léger retard nous aide aussi à regarder sur quel type de variants il faut qu'on intensifie notre recherche, pour pouvoir arriver en deuxième ligne avec des réponses, y compris sur les variants", a assuré mi-mars le président France du groupe pharmaceutique, Olivier Bogillot. Bien entendu, une fabrication française ne signifierait pas que les Français en profiteraient directement. Les doses produites seraient ensuite allouées au prorata des populations des Etats membres de l'UE, comme le prévoient les contrats passés par la Commission européenne.
Depuis plusieurs mois, le gouvernement tente de soutenir les projets industriels nés pendant l'épidémie. Au total, 460 millions d'euros ont été investis dans des projets industriels engagés contre le Covid-19, dans le cadre des deux appels à manifestation d'intérêt (AMI), lancés le 18 juin 2020 et en février, dont 50,9 millions d'euros dans six entreprises mobilisées sur les vaccins (ABL, Flash Therapeutic, Seppic, Fareva, Recipharm et Delpharm). Un effort conséquent pour tenter de contrer la lente désindustrialisation de la France dans le secteur, a justifié Agnès Pannier-Runacher mardi. Depuis 2009, le pays est passé "de la première place européenne de producteur pharmaceutique à la quatrième place."
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