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Covid-19 : pourquoi l'OMS craint que la deuxième année de la pandémie soit "plus mortelle que la première"

Les variants du virus et une mauvaise répartition des vaccins au niveau mondial expliquent notamment le pessimisme de l'Organisation mondiale de la santé, soulignent des spécialistes interrogés par franceinfo.

Article rédigé par franceinfo - Marianne Chenou
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des officiers de l'armée désinfectent un centre de dépistage du Covid-19, à Taipei (Taïwan), le 15 mai 2021. (CENG SHOU YI / NURPHOTO / AFP)

"Au train où vont les choses", la deuxième année de la pandémie de Covid-19 sera "beaucoup plus mortelle que la première", a déploré le patron de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, vendredi 14 mai devant la presse. Un constat qui inquiète alors que l'Europe et les États-Unis voient la perspective d'une sortie de crise avec la vaccination. Franceinfo tente de comprendre pourquoi le bilan de l'année 2021 pourrait être bien plus lourd que celui de 2020.

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Parce que la pandémie ne faiblit pas à l'échelle mondiale

Avec encore plus de 700 000 cas identifiés quotidiennement ces derniers jours, selon les chiffres de l'université américaine Johns-Hopkins (contenu en anglais), la pandémie continue de se développer dans la plupart des pays du globe. Un indicateur de cette tendance est l'augmentation considérable du nombre de cas identifiés depuis le début de l'année 2021. Au 31 décembre 2020, 83,5 millions de cas avaient été recensés depuis le début de la pandémie, selon le site Our World in Data (contenu en anglais). Ce chiffre a presque doublé en moins de cinq mois et s'élève désormais à 162 millions au 15 mai. 

Le nombre de morts suit la même dynamique. Le virus a fait 1,8 million de victimes en 2020 et on en compte déjà 1,5 million depuis le début de l'année. "On sait que l’Inde et le Brésil sous-estiment les décès, tous les malades n’ont pas été pris en charge et donc été pris en compte", souligne Mircea Sofonea, épidémiologiste à l'université de Montpellier. Ce dernier évoque "une trajectoire qui va malheureusement permettre le dépassement du bilan de 2020".

Parce que les variants sont plus transmissibles

"Ce sont les nouveaux variants qui conduisent à cette augmentation assez impressionnante", explique Jonathan Roux, épidémiologiste à l'Ecole des hautes études en santé publique.

Ils ont été identifiés depuis quelques mois en Angleterre, en Afrique du Sud, au Brésil, mais aussi en Inde, où le B.1.617 engendre des records quotidiens de nouveaux cas diagnostiqués. "Ils ont été des moteurs de cette vague de contaminations, assure Mircea Sofonea. Le variant identifié au Royaume-Uni, par exemple, est plus contagieux et nécessite un contrôle plus important que la souche historique du virus."

Parce que le virus se répand dans de nouveaux pays

Alors que la situation était relativement sous contrôle dans plusieurs pays d'Asie du Sud-Est l'an dernier, l'explosion du variant B.1.617 a considérablement changé la situation. Singapour et Taïwan viennent de reprendre des mesures drastiques de lutte contre le Covid-19 : fermeture des restaurants et des lieux de divertissement, mais aussi limitation des rassemblements, en intérieur comme en extérieur.

Ces choix des autorités répondent à des augmentations inexpliquées des contaminations, alors que les deux pays bénéficiaient jusqu'alors de conditions de vie quasi normales grâce à la stratégie "zéro Covid" mise en place depuis l'an dernier. Taïwan a recensé vendredi 180 nouveaux cas, contre 29 la veille, selon l'AFP. L'Etat insulaire craint notamment une recrudescence des cas liés à l'émergence du variant identifié en Inde. 

D'autres pays redoutent l'arrivée du virus en raison de la relative faiblesse de leur système de santé : "Au Népal par exemple, il n’est pas dimensionné pour accueillir autant de patients. L’Occident était débordé l’an dernier, alors que le virus était moins virulent, il n'y avait pas de variants, rappelle Jonathan Roux. Ce sont des territoires qui n’ont pas été aussi fortement touchés que l’Occident lors de la première vague." Le spécialiste craint également l'arrivée du virus en Afrique, un continent qui sera probablement "l'un des derniers à accéder à la vaccination".

Parce que la vaccination n'est pas encore suffisante à l'échelle mondiale

Jonathan Roux se veut rassurant : "L'épidémie n'est pas en progression dans les zones en cours de vaccination." Mais si plus d'un tiers des Américains sont désormais entièrement vaccinés contre le Covid-19, et qu'ils peuvent commencer à retirer leurs masques, cette situation est loin d'être généralisée. "On est à un niveau de vaccination encore trop faible au niveau mondial", déplore Mircea Sofonea.

L'épidémiologiste de l'université de Montpellier souligne également l'impossibilité pour le vaccin d'endiguer une vague déjà présente : "Quand on a des pays comme le Brésil ou l’Inde qui font face à des flambées, ce n’est pas le vaccin qui va dans l’instant sauver la mise. Même un confinement arrive trop tard dans ce genre de situations." L'Inde a débuté vendredi une campagne avec le vaccin russe Spoutnik V, approuvé en urgence par les autorités, afin de freiner les contaminations.

Les épidémiologistes dénoncent également la répartition inégale de la vaccination : "On sait que celle-ci fonctionne. Mais à délaisser certaines parties du monde, le virus peut plus facilement se propager. Et s'il se propage, on prend le risque de l'apparition de variants", explique Jonathan Roux. Le programme Covax, qui vise à fournir des doses aux pays les plus démunis, n'a pas encore porté ses fruits.

"Je comprends pourquoi certains pays veulent vacciner leurs enfants et leurs adolescents, mais je vous demande de penser à y renoncer et de donner plutôt les vaccins à Covax", a d'ailleurs demandé vendredi le directeur général de l'OMS. Le système Covax a été privé d'un grand nombre de vaccins qu'il pensait pouvoir distribuer au deuxième trimestre 2021. L'Inde, où l'essentiel des doses pour le programme sont fabriquées, a interdit leur exportation pour lutter contre l'explosion de la pandémie sur son sol.

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