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Pass sanitaire, protection, risques… Six questions sur la vaccination contre le Covid-19 des femmes enceintes

Parfois réticentes à se faire vacciner par crainte pour leur santé et celle de leur enfant, les femmes enceintes font face à un nouveau casse-tête avec l'extension du pass sanitaire.

Article rédigé par franceinfo
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Une femme enceinte à Bonn en Allemagne, le 17 janvier 2021. (UTE GRABOWSKY / PHOTOTHEK / GETTY IMAGES)

Faut-il se faire vacciner contre le Covid-19 lorsqu'on est enceinte ? En France, depuis avril dernier, les femmes enceintes peuvent être vaccinées à partir du deuxième trimestre de grossesse, mais certaines craignent des répercussions sur leur santé et celle de leur enfant. Depuis les annonces du gouvernement sur l'extension du pass sanitaire, elles font face à de nouvelles interrogations. Comment accéder à son établissement de santé si l'on n'est pas vaccinée ? Est-il risqué de recevoir une première injection au premier trimestre ? Franceinfo fait le point.

1Les femmes enceintes sont-elles plus à risque face au virus ?

L'OMS rappelle que les femmes enceintes présentent un risque plus élevé d'être touchées par certaines infections respiratoires, en raison des bouleversements que subissent leur corps et leur système immunitaire durant la grossesse. Selon l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), celles qui présentent en outre des comorbidités (surpoids, hypertension, diabète…) semblent présenter un risque plus élevé de développer une forme sévère du Covid-19, notamment au cours du 3e trimestre de la grossesse.

Une étude internationale publiée en avril dernier dans la revue scientifique JAMA Pediatrics*, et menée auprès de 2130 femmes enceintes, suggère que les femmes positives au Covid-19 durant la grossesse présentent des risques plus élevés de développer des complications propres à la grossesse, comme une pré-éclampsie (pathologie responsable d'un tiers des naissances de grands prématurés en France, selon l'Inserm). Le risque de mort pendant la grossesse ou en post-partum est également plus élevé, mais il reste bas, à 1,6%. Les femmes concernées par ce dernier risque se trouvaient dans des régions moins développées où les services de soins intensifs n'étaient pas forcément disponibles.

2Quand est-il conseillé de se faire vacciner ?

En France, la Haute Autorité de santé recommande la vaccination à partir du deuxième trimestre de grossesse, soit à partir de la 16e semaine d'aménorrhée (absence de règles). Les vaccins recommandés sont ceux à ARN messager de Pfizer-BioNTech et Moderna.

Un protocole suivi par Jacky Nizard, gynécologue à la Pitié Salpêtrière à Paris. "On évite le premier trimestre, comme pour tout autre médicament ou intervention d'ailleurs en général, et on encourage les patientes à se faire vacciner dès le projet de grossesse, comme ça c'est plus simple", illustre-t-il auprès de franceinfo. Dans le cas où une femme a déjà reçu sa première injection et tombe enceinte avant sa deuxième injection, le spécialiste suit le schéma vaccinal recommandé par le gouvernement, c'est-à-dire trois semaines de délai pour les vaccins à ARNm.

Le site du dictionnaire médical Vidal précise que si une femme enceinte a mal toléré la première dose de vaccin, quel qu'il soit, il est conseillé de différer la deuxième dose après la fin de la grossesse.

3Le vaccin protège-t-il suffisamment les femmes enceintes ?

Le vaccin protège les femmes enceintes de la même façon que les autres femmes, selon une étude publiée en mars dans la revue American Journal of Obstetrics and Gynecology*. Les chercheurs ont observé que les taux d'anticorps générés par le vaccin sont similaires chez les deux groupes de patientes. Le taux d'anticorps est en outre plus élevé après la vaccination qu'après le développement d'une immunité "naturelle" obtenue après une contamination au Covid-19. Les chercheurs notent aussi que les anticorps issus de la vaccination passent à travers le placenta, offrant potentiellement une protection au nouveau-né, précise l'Inserm.

Concernant la protection apportée par le vaccin de Pfizer, une étude de la revue JAMA* a comparé sur un an deux groupes de 7 530 femmes enceintes en Israël, l'un vacciné et l'autre non. Les chercheurs concluent que le vaccin réduit le risque d'infection et qu'aucun effet secondaire significatif n'a été observé.

Concernant les variants du coronavirus, peu de données sont disponibles à ce jour, mais leur plus grande contagiosité tend à encourager la vaccination. "Je constate que lors de l'apparition du variant Alpha on a eu plus de femmes enceintes malades. On attend de voir pour le Delta, mais c'est donc une très bonne chose si elles sont vaccinées", rajoute Jacky Nizard.

4Le vaccin peut-il provoquer des malformations ?

Selon des données analysées* en avril par les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) aux Etats-Unis, sur des enfants nés de femmes enceintes ayant reçu un vaccin à ARN messager au 3e trimestre de grossesse entre décembre 2020 et février 2021, 9% étaient prématurés et 2% présentaient une anomalie congénitale. Des résultats similaires à ceux obtenus chez les femmes non vaccinées. Une étude similaire publiée par The New England Journal of Medicine* sur 35 691 femmes enceintes aux Etats-Unis montre les mêmes résultats.

Le Vidal rappelle qu'indépendamment du médicament, le risque fœtal dépend de la période d'exposition au vaccin pendant la grossesse. Le risque de malformation est maximal entre le 13e et le 56e jour de grossesse, période de l'organogenèse. Toutefois, aucun effet délétère sur le développement de l'embryon ou du fœtus n'a été mentionné à ce jour pour les vaccins de Pfizer, Moderna et Janssen. Les études sur le vaccin d'AstraZeneca sont encore en cours, mais en France, le médicament est réservé aux personnes de plus de 55 ans.

5Est-il risqué de tomber enceinte après une injection ?

"Non, il n'y a pas de contre-indication, l'injection disparaît très vite dans le corps", assure le gynécologue Jacky Nizard. L'ARN messager "est très vite dégradé dans le cytoplasme [partie de la cellule autour du noyau]. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il faut conserver ce vaccin à basse voire très basse température" expliquait Claude Leclerc, directrice de l'unité de régulation immunitaire et vaccinologie à l'Institut Pasteur, au Parisien.

6Comment obtenir le pass sanitaire au premier trimestre ?

Pour le moment, les femmes enceintes doivent fournir un certificat d'immunité ou montrer un test PCR négatif si elles veulent pouvoir accéder aux lieux concernés par l'extension du pass sanitaire. Plusieurs femmes se sont inquiétées de devoir multiplier les tests pour pouvoir accéder à leurs centres de soin, notamment en cas de grossesse à risque et de rendez-vous fréquents.

Contacté à ce sujet par franceinfo, le ministère de la Santé n'a pas donné suite. Gabriel Attal a cependant promis lundi sur franceinfo des "clarifications (...) dans les prochains jours" sur la façon dont ces femmes pourront obtenir un pass. Le porte-parole du gouvernement a assuré qu'il n'était pas question "qu'une femme enceinte (...) doive faire des tests PCR tous les deux jours pour pouvoir accéder à un certain nombre d'activités quotidiennes".

Dans le cas où des femmes voudraient se faire vacciner au premier trimestre, malgré les recommandations, Jacky Nizard se veut rassurant. "Beaucoup de femmes ont été vaccinées sans savoir qu'elles étaient enceintes, il s'agit d'un rapport bénéfices-risques. S'il y a une quatrième grosse vague, il faudra bien vacciner les femmes dès le début de leur grossesse."

* Les liens suivis d'un astérisque conduisent vers des contenus en anglais

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