Royaume-Uni : à Birmingham, la mosquée accueille le centre de vaccination contre le Covid-19 pour "dissiper la désinformation"
Au Royaume-Uni, pays le plus endeuillé d'Europe par le Covid-19, des centaines de centres de vaccination ont été mis en place à travers le pays dans les hôpitaux mais aussi dans des centres commerciaux, des stades et même des lieux de culte. À Birmingham, les habitants peuvent se faire vacciner dans la mosquée de la ville.
À l'entrée de la mosquée Al Abbas de Birmingham (Angleterre), au pied du minaret, sont affichés des panneaux du NHS, le service de santé publique. Sur le sol, des plaques en carton ont été scotchées les unes aux autres. C'est là que Jenny se presse en baissant sa manche, toute heureuse d'avoir reçu sa première injection du vaccin AstraZeneca contre le Covid-19. Elle n'est pas musulmane et n'était jamais entrée dans une mosquée auparavant. Venir se faire vacciner ici, aucun problème pour elle. "Pas du tout, assure-t-elle. C'est important d'être vaccinée, peu importe où ça se passe. C'était le plus près de chez moi, le plus simple, avec un grand parking."
"Il n'y a pas de problème. Tout s'est très bien passé, c'était très amical et très utile."
Jenny, habitante du quartierà franceinfo
Sa piqûre, c'est Fatima qui lui a administrée. Derrière le masque de cette professionnelle de santé, on devine un sourire radieux. Musulmane pratiquante et habitante du quartier, elle est heureuse de servir sa communauté au sens large, particulièrement ici, dans ce lieu de culte, fermé comme tous les autres depuis des mois pour cause de restrictions sanitaires. "Je viens ici depuis des années, mes enfants aussi, explique-t-elle. Pour moi, c'est aussi un moyen de revenir dans cette mosquée qui m'avait manqué. Je me sens privilégiée de revenir ici pour vacciner."
Un partenariat qui "fonctionne vraiment bien"
La mosquée ne sert qu'à accueillir le centre de vaccination. Il n'est plus question de religion dans cette salle dédiée. N'importe qui peut choisir de venir se faire vacciner ici, il est évidemment hors de question de faire le tri en fonction de la religion. D'ailleurs, ce sont des volontaires du St John ambulance qui assurent l'accueil, une association chrétienne à l'origine.
Murtaza Master a eu l'idée de ce centre de vaccination. En décembre dernier, ce pharmacien constate des réticences. Mal informés voire contaminés par les "fake news", des habitants du quartier, majoritairement musulmans, ne voulaient pas entendre parler du vaccin. Murtaza a alors contacté les services de santé et proposé cet endroit pour accueillir un centre. "C'est un partenariat et ça fonctionne vraiment bien", se félicite-t-il.
"Quand ça vient de gens du coin, qu'ils connaissent, ça marche beaucoup, beaucoup mieux, plutôt que si c'est quelqu'un de l'extérieur."
Murtaza Master, pharmacienà franceinfo
Parmi les riverains, des personnes âgées qui n'ont pas accès à internet, pour qui la réservation d'un créneau pour se faire vacciner est compliquée. Beaucoup de Somaliens, de Pakistanais, d'Afghans qui ne parlent pas bien anglais, qui ne comprennent pas ou sont gênés d'exposer ainsi leur ignorance à des inconnus. Sans compter l'influence de l'ami d'un ami toujours mieux informé que tout le monde ou des réseaux sociaux qui racontent que le vaccin n'est pas halal, qu'il empêche la fertilité.
Dans ces cas précis, c'est l'Imam Cheikh Nuru Mohammed qui joue un rôle précieux. "Le Coran nous dit : demandez à ceux qui savent si vous ne savez pas. Alors demandons à nos médecins. Ce sont des gens à qui l'on fait confiance depuis des années. Quand on a un problème, on va les voir. Un petit mal de tête et on se rue chez eux, on les appelle ! Alors quand les experts nous disent 'il n'y a rien d'interdit là-dedans', allez-y !"
Lui-même vacciné, l'imam masqué reconnaît bien volontiers qu'il n'a pas accès au centre de vaccination comme il veut, même si c'est sa mosquée. Cette salle est gérée par le personnel de santé et ça lui va très bien comme ça. Lui assure la promotion, via ses sermons en visio-conférence et les personnes qu'ils croisent dans le quartier. Ceux qui disent que le coronavirus n'existe pas, il leur parle des dizaines de cérémonies funéraires dont il s'est occupé depuis un an. Et ça marche : plusieurs centaines de personnes se font vacciner ici chaque jour, comme cette dame convaincue, malgré un entourage gangrené par les rumeurs. "J'ai des gens dans ma famille qui ne croient pas, d'abord au coronavirus et maintenant en la vaccination. Ils racontent qu'on va en profiter pour m'injecter une puce, que ça va changer mon ADN. Mais pour être honnête, je ne discute pas avec eux. Ils vont se sentir offensés ou ils vont se disputer avec moi, alors non."
Dépasser le cadre habituel
Fier de ce succès, Murtaza s'est mis dans un coin et regarde les piqûres s'enchaîner. Il explique que ce centre va servir de modèle à plusieurs autres dans le pays, une autre mosquée ou un temple sikh par exemple. "Regardez, ils travaillent ensemble, ils sourient, ils prennent un café et discutent. Ils sont devenus de vrais amis alors que certains n'avaient jamais mis les pieds dans une mosquée auparavant", se réjouit-il.
"On nous a autorisés à ouvrir ce centre, c'est en soi un message fort."
Cheikh Nuru Mohammed, Imam de la mosquéeà franceinfo
L'Imam Cheikh Nuru Mohammed invite la France à suivre cet exemple. "Il faut dépasser le cadre habituel", dit-il. Ce vaccin est bien plus important. "Le succès que nous avons atteint ici dans ce pays, et je peux au moins parler de ma propre communauté, c'est parce que nous sommes impliqués, parce que ces gens ont toujours été proches de nous, affirme-t-il. Ça aide beaucoup à dissiper une partie de cette désinformation ou l'hésitation de certaines personnes. C'est important si les autorités en France peuvent regarder comment s'y prendre pour s'assurer que la plupart des gens aient ce vaccin, ce serait fantastique."
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