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Vaccin contre le Covid-19 : quatre questions sur le "Pfizergate" lié à des accusations d'irrégularités visant des essais cliniques du groupe

Un article du "British Medical Journal" publié mardi assure qu'une société sous-traitante de Pfizer a commis des manquements lors des tests de son vaccin anti-Covid chez les adultes. Mais ces accusations ne concernent que 2% des essais cliniques menés et ne remettent pas en cause l'efficacité du vaccin.

Article rédigé par franceinfo - Pauline Lecouvé
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Une dose du vaccin de Pfizer-BioNTech contre le Covid-19, en juillet 2021. (Photo d'illustration) (VOISIN / PHANIE / AFP)

Des révélations qui soulèvent des questions. Un article publié mardi 2 novembre dans le British Medical Journal (BMJ), une revue scientifique britannique, a déclenché une pluie de critiques sur le groupe pharmaceutique Pfizer. La source principale de l'article : une ex-employée de Ventavia, sous-traitant de Pfizer, qui accuse le laboratoire de négligences dans le suivi du protocole scientifique. Des accusations qui ont ravivé les critiques portées par les anti-vaccins via le hasthag #Pfizergate sur les réseaux sociaux.

Mais si les accusations publiées dans le BMJ sont graves, certains éléments invitent à les aborder avec prudence. Franceinfo décrypte ces informations en quatre questions.

1Quelles sont les révélations faites dans le "British Medical Journal" ?

L'article publié dans le British Medical Journal, l'une des revues scientifiques de médecine les plus lues dans le monde, révèle des négligences multiples à l'automne 2020, sur les sites du groupe texan Ventavia, spécialiste des essais cliniques et sous-traitant de Pfizer. Selon Brook Jackson, qui se présente dans cet article comme une lanceuse d'alerte, l'empressement à conduire les tests cliniques sur le vaccin anti-Covid a conduit à de multiples négligences qui mettent en cause l'intégrité des données récoltées et ont compromis la sécurité des patients.

Elle affirme avoir relevé des manquements concernant la surveillance des sujets vaccinés et le suivi des événements indésirables, ainsi que des écarts de protocole non rapportés. Elle explique aussi que des vaccins étaient conservés à des températures inappropriées et que des échantillons de laboratoire ont été mal étiquetés. Parmi ces derniers, elle accuse notamment Ventavia d'avoir, par ses inconséquences en matière d'étiquetage, compromis l'attribution en double aveugle du vaccin. Cette procédure, qui consiste à injecter le produit, placebo ou vaccin, sans que ni le médecin ni le malade ne sachent ce qui est injecté, est essentielle pour évaluer l'efficacité d'un traitement par rapport à un placebo. 

Des accusations qui inquiètent Thibault Fiolet, épidémiologiste à l'Inserm. "L'aveugle est un élément important des essais cliniques, souligne-t-il auprès de Franceinfo. Car il permet de limiter les biais de classement ou de mesure liés à la subjectivité du médecin ou du patient."

Brook Jackson affirme avoir prévenu Ventavia des négligences observées sur ses sites à de multiples reprises. Selon elle, rien n'a été fait ensuite. Elle aurait alors prévenu la Food and Drug Administration (FDA), l'administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments, avant d'être licenciée le même jour.

Selon une autre employée de la société Ventavia, citée dans l'article du British Medical Journal, Pfizer aurait été mis au courant des négligences multiples sur les sites gérés par Ventavia peu de temps après le licenciement de Brook Jackson. Un audit aurait alors été conduit par Pfizer à la suite de ces informations. La sous-traitance de trois autres essais cliniques concernant le vaccin anti-Covid a cependant été confiée à Ventavia : la vaccination des enfants et des jeunes adultes, celle des femmes enceintes ainsi que les tests sur une troisième dose.

2Qui est à l'origine de ces accusations ?

La source principale à l'origine de ces accusations est une ex-employée de Ventavia. Brook Jackson est l'ex-directrice régionale d'un site d'essai clinique de la société. Selon l'article du British Medical Journal, elle a été employée pendant deux semaines dans cette société de recherche clinique, avant d'en être licenciée. C'est elle qui a fourni au British Medical Journal des documents, des photos et des enregistrements faisant état d'irrégularités sur les sites sous-traités par Pfizer à Ventavia. Des documents qui ne figurent cependant pas dans l'article signé Paul D. Thacker.

Ce dernier est un journaliste américain spécialisé dans la science, la médecine et l'environnement. Il est toutefois accusé d'avoir contribué à la diffusion de fausses informations concernant les OGM, selon l'American Council on Science and Health (en anglais) et la 5G, rappelle Le Parisien. Dans son article publié dans le BMJ, Paul D. Thaker met en avant les accusations de Brook Jackson sans lui opposer de version contradictoire. Ni Ventavia, ni Pfizer, ni la FDA ne sont cités dans l'article afin de répondre aux accusations les visant.

3Quelle est la proportion des essais concernée ?

Des essais cliniques du vaccin anti-Covid développé par Pfizer ont été conduits dans 153 sites dans le monde, principalement aux Etats-Unis, mais également en Allemagne, en Turquie, en Afrique du Sud, au Brésil et en Argentine. Sur ces 153 sites, trois ont été sous-traités à la société texane Ventavia. Ces trois sites comprenaient un peu plus de 1 000 participants, soit 2,3% du total des 44 000 participants aux essais cliniques.

Selon Thibault Fiolet, la faible proportion de sites et de participants concernés ne remet pas en cause les résultats d'efficacité des tests du vaccin Pfizer. Il s'inquiète cependant de l'instrumentalisation de ces révélations par des théories conspirationnistes, comme cela a été le cas ces derniers jours avec le #Pfizergate qui circule sur les réseaux sociaux. "Ce type de pratique, si c'est avéré, est à condamner car cela jette le doute sur les pratiques des autres centres", souligne-t-il.

"Cependant, cela ne remet pas en cause l'efficacité des vaccins, qui a été démontrée en conditions réelles dans de multiples pays et par de multiples équipes de recherche indépendantes entre elles."

Thibault Fiolet, épidémiologiste

à franceinfo

En effet, même si l'efficacité vaccinale baisse au fil du temps en ce qui concerne les infections, l'efficacité de la vaccination fait consensus dans la communauté scientifique. Les effets secondaires sont également surveillés de très près et aucun effet indésirable notable n'a été notifié, hormis de rares cas de myocardites et de péricardites.

4Ces accusations peuvent-elles avoir des conséquences ?

A la suite à la publication de l'article de Paul D. Thacker dans le British Medical Journal, le #Pfizergate a été porté en tendance Twitter par des internautes opposés à la vaccination. Dans une vidéo postée également sur Twitter, Florian Philippot prédit un "scandale mondial" et interpelle le ministre de la Santé, Olivier Véran, pour lui demander une suspension immédiate de la vaccination partout en France, par principe de précaution.

Le service presse de Pfizer n'a pas souhaité commenter la publication de l'article du British Medical Journal mais précise néanmoins que "des recherches sont en train d'être menées en interne". De son côté, la société Ventavia a annoncé "enquêter sur les allégations de Brook Jackson, telles que rapportées dans l'article de P. Thacker paru dans le British Medical Journal", rapporte Libération (article abonnés). Contactée par l'AFP, la FDA s'est abstenue de commenter ce dossier mais a assuré de "sa pleine confiance dans les données qui ont conduit à soutenir l'autorisation du vaccin Pfizer/BioNTech". 

L'EMA (Agence européenne des médicaments), quant à elle, assure "prendre très au sérieux toutes les allégations mettant en cause la sécurité et l'intégrité des données", tout en précisant que "ces allégations ne remettent pas en cause les conclusions sur l'innocuité, l'efficacité et la qualité du vaccin lui-même", comme le rapporte Le Parisien (article abonnés).

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