: Vrai ou faux Peut-on vraiment affirmer que les vaccins contre le Covid-19 risquent d'entraîner l'apparition de nouveaux variants plus dangereux ?
La multiplication des variants est provoquée par la circulation abondante du coronavirus et non par la vaccination. Parce qu'ils permettent d'enrayer l'épidémie, les vaccins freinent également l'apparition de nouvelles formes du virus.
La campagne de vaccination contre le Covid-19 a franchi un nouveau palier en France. Plus de 30 millions de personnes ont désormais reçu au moins une dose de vaccin. Et depuis mardi 15 juin, les mineurs âgés de 12 à 17 ans peuvent également être vaccinés. A l'approche de l'été, après une troisième vague, l'épidémie reflue et les restrictions sanitaires en place depuis des mois sont levées les unes après les autres. Le port du masque ne sera bientôt plus obligatoire en extérieur et le couvre-feu va être levé.
Pour autant, le gouvernement reste vigilant face à l'évolution des variants du Sars-CoV-2 et notamment la progression du très contagieux variant Delta, identifié en Inde. Plusieurs foyers épidémiques ont été découverts récemment : dans les Landes d'abord, puis à Strasbourg et à Evry-Courcouronnes, en banlieue parisienne.
La multiplication des variants, dont huit versions se détachent du lot, suscite d'ailleurs des inquiétudes. Un internaute a ainsi demandé à la cellule Vrai ou Fake de franceinfo, via ce formulaire de contact, de vérifier l'affirmation suivante : "La vaccination de masse produirait l'apparition de plus en plus nombreuse de variants de plus en plus létaux. Ce serait une vraie bombe sanitaire." Cette théorie est reprise depuis des mois par de nombreux opposants aux vaccins et détracteurs de la gestion de la crise sanitaire. Mais qu'en est-il vraiment ?
Non, la vaccination ne conduit pas à l'apparition de variants plus létaux
Des variants voient-ils le jour à cause des vaccins ? "Ça, c'est un fantasme", rétorque Daniel Floret, vice-président du Comité technique des vaccinations. "Ce n'est pas la vaccination qui cause l'apparition des variants. Ce qui provoque l'apparition des variants, c'est la circulation intense du virus", corrige le vaccinologue auprès de franceinfo.
Deux phénomènes sont à l'origine de la prolifération des variants. Le premier, ce sont les mutations. Lorsque le virus infecte les cellules de l'organisme, il s'y réplique, c'est-à-dire qu'il s'y multiplie. Il y donne naissance à des copies de son génome, mais en recopiant son code génétique dans un nouvel hôte, il commet parfois des erreurs. Ces mutations sont d'autant plus nombreuses que le virus circule abondamment au sein de la population. "Tout ce qui est capable de réduire la circulation intense d'un virus est susceptible de réduire l'apparition des variants. Et non l'inverse", tranche Daniel Floret. La vaccination n'a donc en aucune manière conduit à l'apparition des variants identifiés à ce jour.
Le second phénomène à l'origine de la multiplication des variants est la sélection naturelle en jeu entre toutes ces variations du virus. "Parmi ces variants qui apparaissent, certains se propagent rapidement, parce qu'ils ont un avantage par rapport aux autres. C'est ce qu'on a vécu avec le variant Alpha apparu en Angleterre", décrit Samuel Alizon, spécialiste de la modélisation des maladies infectieuses, à franceinfo.
Parce qu'il est plus transmissible, le variant Alpha est devenu la forme majoritaire du virus en France : il est aujourd'hui présent dans 86% des prélèvements réalisés dans le pays, contre 14% le 27 janvier. Ce phénomène semble avoir été similaire au Royaume-Uni, où le variant Delta, jugé 40% plus transmissible que le variant Alpha, représente désormais la majorité des contaminations. En France, ce variant est actuellement présent dans "2 à 4% des tests" analysés, selon le ministre de la Santé, Olivier Véran.
Un risque d'"échappement immunitaire"
Il subsiste un danger : celui d'une résistance des variants face aux vaccins contre le Covid-19. "C'est un vrai risque", souligne le vaccinologue Daniel Floret. "Un certain nombre de variants, notamment les variants sud-africain [Beta] et brésilien [Gamma], ont un certain échappement à la réponse immunitaire liée à la vaccination", c'est-à-dire que la protection conférée par le vaccin ne fonctionne que partiellement sur eux. Ainsi, d'après la Haute Autorité de santé (PDF), le vaccin d'AstraZeneca n'entraînerait pas une "réponse protectrice suffisante" contre le variant Beta. Et l'efficacité globale des vaccins serait certes "conservée" mais "diminuée" vis-à-vis du variant Gamma, selon le Conseil scientifique.
Mais Samuel Alizon tient à rassurer : "Pour l'instant, l'immunité semble robuste : les personnes vaccinées avec la formule initiale des vaccins à ARN [de Pfizer-BioNTech et de Moderna] sont protégées à 70-100% contre tous les variants existants", explique le directeur de recherche au CNRS. Publiée le 14 juin, une étude* des autorités sanitaires britanniques affirme aussi que deux doses des vaccins de Pfizer-BioNTech mais aussi d'AstraZeneca empêchent à plus de 90% les hospitalisations après avoir contracté le variant Delta.
Ce phénomène d'échappement n'est d'ailleurs pas le propre de la vaccination. Au Brésil, des chercheurs britanniques, danois et brésiliens ont observé que le variant Gamma pouvait échapper en partie à l'immunité acquise après une infection par la souche originelle du Sars-CoV-2. Des résultats rendus publics en mai dans la revue Science*. Ce phénomène est naturel. "Toute pression immunologique fait que des virus mutants qui existent ont un avantage sélectif (...) et peuvent échapper à la réponse immunitaire liée au vaccin ou à la réponse post-infectieuse, donc aux défenses qu'on possède", éclaire Jean-Claude Manuguerra, chef de la Cellule d'intervention biologique d'urgence de l'Institut Pasteur.
"Dès qu'on tente de contrôler les maladies infectieuses, on exerce une pression de sélection et s'il existe des variants qui arrivent à se propager malgré nos méthodes de contrôle, ils vont être favorisés."
Samuel Alizon, spécialiste de la modélisation des maladies infectieusesà franceinfo
Même s'il ne "peut pas éliminer la possibilité d'avoir un variant très transmissible qui se répande et qui puisse résister aux vaccins", Daniel Floret se veut rassurant : "On pourra toujours fabriquer des vaccins contre ce variant (...) L'avantage des vaccins à ARN messager, c'est qu'il est facile d'en préparer très rapidement de nouveaux", souligne le vaccinologue. Un scénario qui fait écho à celui du vaccin contre le virus de la grippe saisonnière, dont la formule vaccinale change chaque année.
La vaccination reste le meilleur rempart contre les variants
Si la vaccination permet de ralentir la circulation du virus et l'apparition de nouveaux variants potentiellement plus virulents, il faut encore que les doses parviennent le plus rapidement possible à tous les Etats. "Ce qui provoque l'apparition des variants, c'est d'abord et avant tout la circulation importante du virus", répète Daniel Floret. Alors, pour mettre un coup d'arrêt à la pandémie, "il faut qu'il y ait un niveau élevé d'immunité dans la population mondiale. Et là, on en est très loin.
Le chercheur le martèle : "La vaccination de masse n'est en aucun cas contre-productive. (...) Si vous regardez l'évolution de l'épidémie et de la mortalité dans les pays qui ont bien vacciné, comme Israël ou le Royaume-Uni (...), la chute de la mortalité est absolument considérable", souligne le vice-président du Comité technique des vaccinations. "Mais cela ne dispense pas du tout pour l'instant du maintien des mesures barrières, parce qu'on n'est pas protégé dès qu'on est vacciné et parce que la protection n'est pas de 100%", avertit le vaccinologue.
* Ces liens renvoient vers des articles en anglais.
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