Vaccins contre le Covid-19 : on vous résume la polémique entre l'Allemagne et la France
Outre-Rhin, la France est accusée d'avoir voulu limiter les commandes européennes du vaccin développé par le laboratoire allemand BioNTech pour privilégier le groupe Sanofi.
L'impatience gagne l'Allemagne, confrontée à des tensions sur les approvisionnements en vaccins contre le Covid-19. A moins de dix mois des élections, l'affaire prend un tour éminemment politique. "Les Français ont tenu à ce que les quantités de doses allemandes ne soient pas trop importantes par rapport à celle de Sanofi, bien que ce vaccin soit loin d'être prêt", a notamment dénoncé le député Karl Lauterbach, expert en santé au sein du Parti social-démocrate (SPD). Cet élu de l'opposition estime que l'Europe aurait dû commander davantage de vaccins développés par le laboratoire allemand BioNTech et son partenaire américain Pfizer, quitte à froisser la susceptibilité d'autres Etats membres.
Je pense que des considérations extérieures à la réalité du terrain ont effectivement joué un rôle [dans les commandes de vaccins].
Karl Lauterbachsur la chaîne ARD
"La France a empêché la livraison de vaccins allemands", a ainsi résumé le quotidien Bild (en allemand), qui fait campagne contre le gouvernement en l'accusant d'avoir "trop compté sur l'Union européenne" pour s'approvisionner en vaccins. L'eurodéputé EELV Yannick Jadot a repris de concert ces accusations sur Radio Classique : "Le bruit qui court à Bruxelles [est] que la France a joué Sanofi au maximum." C'est ce qui "a contraint d'ailleurs l'Europe probablement – c'est ce que dit la presse allemande – à privilégier Sanofi contre les autres vaccins", a repris l'élu écologiste.
Ces commentaires, en réalité, font suite à un article du Spiegel (en anglais), qui affirmait fin décembre que le laboratoire allemand BioNTech avait proposé à l'UE de porter sa commande de 200 millions de doses (et 100 en option) à 500 millions. L'hebdomadaire assure que cette offre a été rejetée par la Commission européenne, en raison de l'opposition de plusieurs Etats membres. "Acheter davantage auprès d'une compagnie allemande n'était pas dans les plans", résume une source interrogée par Der Spiegel, alors que le contrat signé avec le français Sanofi porte, lui, sur 300 millions de doses.
Des accusations "inacceptables"
A ce jour, ces propos n'ont pas été confirmés par d'autres sources ou par des documents. Bruxelles, pour sa part, a démenti cette version. Quelques jours après la signature du contrat avec BioNTech, le 11 novembre, la Commission européenne avait d'ailleurs annoncé la signature d'un contrat portant sur 400 millions de doses (225 et une option de 180) avec une autre société allemande, Curevac. Celle-ci avait bénéficié pendant l'été d'un accord de prêt de 75 millions d'euros avec la Banque européenne d'investissement.
Cette affaire prend désormais un tour diplomatique, puisque le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes français, Clément Beaune, a évoqué mardi sur Twitter des accusations "inacceptables et fausses". Les "laboratoires allemands ne sont pas moins bien traités", a-t-il fait valoir, en rappelant les deux commandes de Bruxelles à des entreprises allemandes, sur des volumes supérieurs à ceux commandés au laboratoire Sanofi. La France "n'a pas cherché à privilégier un laboratoire français", a-t-il encore répété sur BFM Business.
La France n'a pas ralenti d'achats de vaccins, n'a pas exclu des candidats vaccins, n'a pas cherché à minimiser les doses et n'a pas privilégié un laboratoire sur un autre.
Clément Beaunesur BFM Business
Cette hypothèse est également accueillie avec distance en Allemagne. "La France souffre beaucoup plus économiquement que l'Allemagne de la pandémie", écrit notamment (en allemand) le chercheur Lucas Guttenberg, de l'Institut Jacques-Delors de Berlin. "Qu'elle se tire une balle dans le genou simplement pour un symbole politique et industriel n'est pas crédible", estime-t-il.
Des critiques sur la gestion européenne
Interpellé à ce sujet, le ministre de la Santé conservateur, Jens Spahn, a défendu le "chemin européen" pris jusqu'ici par son pays, tout comme la chancelière Angela Merkel. Laisser seuls les Etats membres aurait été synonyme de "compétition ruineuse", souligne pour sa part le Süddeutsche Zeitung (en allemand). Et si l'Allemagne aurait "probablement remporté cette course grâce à ses ressources financières", une compétition intra-européenne aurait abouti à "un désastre", poursuit le quotidien, surtout "pendant les mois de la présidence du Conseil de l'UE".
Dans les faits, pourtant, Berlin ne ménage pas ses efforts et mène des initiatives unilatérales. Bien conscient qu'il allait manquer de vaccins, le gouvernement fédéral allemand n'a donc pas attendu l'Europe pour commander seul 30 millions de doses à BioNTech, en plus des 55,8 millions de doses auxquelles il a droit après répartition de la commande de la Commission européenne. Par ailleurs, le groupe allemand prévoit désormais de lancer en février une nouvelle ligne de production à Marburg, dans le Land de Hesse, qui pourrait produire 250 millions de doses au cours du premier semestre. Ce site allemand viendra renforcer l'usine belge de Puurs, où sont produits les lots à destination de l'UE.
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