: Vidéo Covid-19 : "On peut encore avoir des vagues liées à l'émergence de nouveaux variants", alerte l'infectiologue Anne-Claude Crémieux
Depuis septembre, la France est entrée dans la huitième vague épidémique de Covid. L'infectiologue revient sur la crise du Covid dans un livre, "Les citoyens ont le droit de savoir". Selon elle, il y a eu des erreurs politiques mais plus que les individus, c'est le système qu'il faut remettre en question.
"On est dans une phase de transition, où on peut encore avoir des vagues liées à l'émergence de nouveaux variants" du coronavirus, alerte lundi 24 octobre sur franceinfo Anne-Claude Crémieux, membre de l'Académie nationale de médecine et professeure de maladies infectieuses à l'hôpital Saint-Louis à Paris. Depuis septembre, la France est entrée dans la huitième vague de cette pandémie. 59 216 nouveaux cas de contamination ont été détectés le 18 octobre et 54 688 790 personnes étaient entièrement vaccinées le 20 octobre.
L'infectiologue explique qu'il faudrait "avoir un équilibre entre ce virus et l'immunité de la population". L'immunité de la population serait alors, selon Anne-Claude Crémieux, "suffisante pour éviter ou en tout cas minimiser de façon importante les formes sévères".
franceinfo : Nous sommes actuellement en France dans la huitième vague de l'épidémie de Covid-19 avec 50 000 cas par jour et 2 millions de malades depuis la rentrée. Avons-nous tort de ne quasiment plus en parler ?
Anne-Claude Crémieux : C'est certainement un peu précoce. On est encore dans une situation très instable, on ne peut pas dire qu'on est dans une situation normalisée. On a vécu sept vagues pandémiques, portées par des variants qui donnaient des réinfections dans des populations pas assez immunisées. On est dans une phase de transition, où on peut encore avoir des vagues liées à l'émergence de nouveaux variants. Ce qu'on aimerait avoir c'est un équilibre entre ce virus et l'immunité de la population. On serait alors vraiment au stade d'endémie, l'immunité de la population serait suffisante pour éviter ou en tout cas minimiser de façon importante les formes sévères
A-t-on eu tort, selon vous, de pointer du doigt les Français qui hésitaient à se faire vacciner avec les nouveaux vaccins, ceux avec ARN messager ?
Je pense qu'effectivement on a confondu hésitation et opposition. 40% de Français voulaient se faire vacciner en décembre 2020 et on est passé à pratiquement plus de 80% en juillet. Au début, les Français hésitent : c'est nouveau, c'est un vaccin. Puis, au fur et à mesure, on démontre que ce vaccin est bien toléré, qu'il a passé toutes les étapes de l'évaluation d'efficacité et d'innocuité, et les gens voient autour d'eux des personnes vaccinées qui se portent bien. Les Français voyant le danger du coronavirus, vont donc s'adapter et se faire vacciner.
L'an dernier, l'ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn a été mise en examen par la Cour de Justice de la République et la semaine dernière l'ancien Premier ministre Édouard Philippe a été placé sous le statut de témoin assisté dans leur gestion du Covid. Est-il normal, selon vous, que les politiques aient des comptes à rendre à la justice ?
Cette crise est extrêmement instructive parce qu'on a vu que les mêmes erreurs se sont produites, souvent avec une semaine de décalage, par l'ensemble des dirigeants occidentaux. Ils ont cherché à rassurer, ils ont minimisé le danger et ils ont pris les décisions avec retard. Ils se sont aussi trompés de stratégie : ils ont calqué sur cette crise nouvelle, une stratégie qu'ils avaient préparée, à savoir le plan pandémie grippale. C'est comme ça qu'on s'est trompé et qu'on n'a pas essayé d'arrêter le virus.
"Ce ne sont pas les individus qui sont en cause, mais les systèmes."
Anne-Claude Crémieux, infectiologueà franceinfo
Si on veut vraiment tirer les leçons de cette crise, ce n'est pas en accusant les individus, c'est en comprenant pourquoi à chaque fois on fait les mêmes erreurs.
Dans votre livre, Les citoyens ont le droit de savoir (éditions Fayard), vous estimez qu'il ne faut pas jeter la pierre à l'ancienne porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye qui expliquait en mars 2020 qu'il n'était pas nécessaire de porter le masque si on n'était pas malade.
Dans ce débat, deux dimensions se sont entremêlées. La première dimension est politique, c'est l'absence de stock. Cette erreur politique a été largement analysée par la commission d'enquête du Sénat. En 2009, on avait un milliard de masques chirurgicaux et 700 millions de masques FFP2 et on s'est retrouvé [en 2020] avec des stocks quasiment vides. Cela peut s'expliquer par les critiques qui ont été émises après la crise H1N1. La France, qui était la plus armée des pays pour faire face à une crise en stocks de masques, s'est désarmée. Ce qu'on pourrait reprocher là au gouvernement, c'est cette tendance habituelle à ne pas vraiment admettre ses erreurs, à ne pas dire que les stocks étaient insuffisants et probablement aussi la peur d'inquiéter la population en disant qu'il n'y avait pas de masques. Il y avait aussi une dimension scientifique. Les experts de l'OMS ont nié pendant plusieurs mois, voire une année, le fait que des aérosols pouvaient transporter les particules infectieuses à distance. Cette présence des aérosols est la principale raison pour laquelle c'est important de mettre un masque en milieu clos.
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