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Vrai ou faux Covid-19 et Nouvel An : est-ce une bonne idée de passer le réveillon entre personnes testées positives ?

Article rédigé par Benoît Zagdoun, Pauline Lecouvé
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un réveillon entre amis, le 23 décembre 2021. (Photo d'illustration) (MAXPPP)

Médecins, épidémiologistes et infectiologues déconseillent aux personnes positives de se regrouper pour la soirée de la Saint-Sylvestre. Même s'ils sont limités, les risques de réinfection et de co-infection existent, ainsi que l'éventualité de contaminer des personnes négatives lors du trajet jusqu'au lieu de la fête.

L'épidémie de Covid-19 perturbe une fois de plus les fêtes de fin d'année. "Plus d'un million de Français sont positifs actuellement au coronavirus" et "10% de la population française est cas contact", a déclaré le ministre de la Santé, Olivier Véran, devant la commission des Lois de l'Assemblée, mercredi 29 décembre.

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Comme d'autres ont dû le faire à Noël, de nombreux Français sont donc contraints de s'isoler, plutôt que de se rendre dans leur famille ou de se retrouver entre amis pour fêter le Nouvel An. Pour ne pas rester seuls, certains ont eu l'idée d'organiser des réveillons entre personnes testées positives au Covid-19. Mais est-ce une bonne ou une mauvaise idée ?

Des risques de contaminations lors du trajet entre deux domiciles

"Si on l'est porteur du Covid-19 et qu'on est en bonne forme pour passer le réveillon, pourquoi pas ?" répond Karine Blanckaert, médecin hygiéniste de santé publique au CHU de Nantes (Loire-Atlantique). L'experte appelle tout de même à la prudence. Le plus important, lorsque l'on est positif au Covid-19, souligne-t-elle, est "de ne pas être avec des gens dont le statut est inconnu ou dont le statut est négatif, parce qu'il faut tout faire pour ne pas les exposer au virus". Selon elle, il n'existe pas de risque élevé, pour les personnes positives au Covid-19, à se retrouver entre elles, tant qu'elles ne voient personne d'autre.

Karine Blanckaert fait le parallèle avec le milieu médical : "A l'hôpital, on fait ce qu'on appelle des unités Covid. On regroupe tous les malades du Covid dans un même secteur, parce que ça évite de contaminer d'autres personnes dans d'autres unités. C'est classique dans les épidémies." En revanche, si des personnes positives au Covid-19 décident de se regrouper, pas question de prendre les transports en commun ou de se rendre dans un magasin pour acheter une bouteille, afin de ne pas exposer d'autres personnes au virus.

"Il vaut mieux se faire livrer et ne pas aller faire ses courses, pour ne pas exposer les autres à l'extérieur."

Karine Blanckaert, médecin hygiéniste

à franceinfo

La médecin hygiéniste rappelle d'ailleurs l'importance de ne pas abandonner les gestes barrières : se laver les mains, porter un masque, aérer les pièces....

Une mise en garde que partage Mahmoud Zureik, professeur d'épidémiologie et de santé publique à l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines et directeur d'Epi-Phare, joint par franceinfo. Selon lui, se retrouver entre personnes positives pour le réveillon "n'est pas raisonnable"Se rendre pour le réveillon chez une autre personne positive au Covid-19, c'est rompre de fait l'isolement. "C'est prendre le risque de contaminer d'autres personnes dans les transports, dans les magasins, en allant chercher une bouteille au supermarché", souligne-t-il. 

Des risques rares de réinfection et de co-infection

Karine Blanckaert met toutefois en garde contre d'éventuels risques de réinfection pour des personnes qui ont contracté le Covid-19 et qui s'exposent à nouveau au virus, ce qui peut, dans de rares cas, entraîner des formes graves, relève la médecin. Attention également, note-t-elle, aux co-infections. Il est, en effet, possible de contracter une autre maladie, virale ou bactérienne, lorsqu'on est déjà infecté par le Covid-19. Une méta-analyse américaine (en anglais), réalisée par des chercheurs de l'université du Wisconsin, publiée en mai et portant sur plus d'une centaine d'études, a montré que 19% des patients infectés par le Covid-19 l'étaient également par une co-infection. Ces travaux pointent également les risques de surinfection, c'est-à-dire de co-infection par deux souches virales distinctes à deux moments distincts au cours de la maladie : 24% des patients étudiés présentaient une surinfection. Or, les auteurs concluent que la présence d'une co-infection ou d'une surinfection augmente les risques pour le patient, dont le risque de mortalité.

Mahmoud Zureik soulève également deux autres inquiétudes, encore au stade d'hypothèses. Selon le professeur d'épidémiologie, il y a, dans de tels rassemblements, une possibilité d'être contaminé par un autre variant que celui dont la personne infectée est déjà porteuse.

"Si une personne en face de vous est infectée par le variant Omicron et que vous, vous êtes porteur du variant Delta, il est possible qu'elle vous contamine."

Mahmoud Zureik

à franceinfo, professeur d'épidémiologie

Un cas de co-infection à deux variants du Covid-19 en même temps a ainsi été documenté en Belgique chez une patiente de 90 ans, en juillet. 

Autre inquiétude du spécialiste : il est possible que le fait de se retrouver entre personnes positives au Covid-19 puisse augmenter la charge virale de personnes présentes déjà infectées, ce qui les exposerait à "un risque de développer des formes plus symptomatiques et plus graves". Par conséquent, "une personne positive devrait s'isoler pour ne pas contaminer les autres, tranche l'épidémiologiste. Faire la fête, avec de l'alcool, faire des efforts physiques peut aggraver ou précipiter des symptômes qui étaient au départ légers." 

"Il faut s'inscrire dans la durée"

Pour Olivier Bouchaud, infectiologue à l'hôpital Avicenne de Bobigny (Seine-Saint-Denis), sollicité par franceinfo, "d'un point de vue épidémiologique, la question est facile à trancher". Pour des personnes jeunes, sans facteurs de risque, "ce n'est pas trop dramatique", mais pour les personnes fragiles autour d'elles, c'est augmenter le risque qu'elles contractent le Covid-19 et développent des formes graves nécessitant une hospitalisation, voire un passage en service de réanimation.

"Faire le réveillon entre personnes qui se savent positives, ce n'est quand même pas la meilleure idée."

Olivier Bouchaud, infectiologue

à franceinfo

Il est plus raisonnable, selon lui, de passer le réveillon entre personnes avec un auto-test négatif. Si cela n'élimine pas entièrement le risque que l'un des convives soit positif, il s'agit selon lui "d'un bon moyen pour limiter les risques"

Le médecin reconnaît que sur le moyen ou long terme, "on ne peut pas être dans une position jusqu'au-boutiste". Si d'un point de vue purement épidémiologique, il faudrait bloquer tous les liens entre les gens, selon lui "il faut tenir compte de l'importance des liens familiaux ou amicaux" et "notamment pendant cette période importante des fêtes de fin d'année". En effet, pour l'infectiologue, "il faut s'inscrire dans la durée, parce qu'on n'en a pas fini avec ce virus qu'on va traîner pendant des années."

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