Grippe aviaire : cinq questions sur l'épidémie qui touche la France pour la quatrième fois depuis 2015
Cette nouvelle épizootie a débuté à la fin du mois de novembre, alors que le ministère de l'Agriculture avait déjà tiré la sonnette d'alarme et pris des mesures de confinement de volailles qui n'ont pas enrayé la propagation du virus.
En une semaine, 400 000 volailles supplémentaires ont été tuées. Fin janvier, le ministère de l'Agriculture annonçait que 2,5 millions de bêtes avaient été abattues pour enrayer l'épizootie saisonnière de grippe aviaire, depuis les premiers cas détectés fin novembre dans un élevage de poules pondeuses situé à Warhem (Nord). Deux mois après, on compte désormais près de trois millions de volailles sacrifiées, a annoncé le ministère, mardi 1er février. Franceinfo revient en cinq questions sur cette nouvelle épidémie, la quatrième en France depuis 2015.
1Combien de foyers sont comptabilisés ?
Le premier cas de cette épidémie d'influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) sur le territoire français a été découvert dans un élevage de poules pondeuses situé à Warhem (Nord) le 26 novembre dernier. L'épidémie n'a, depuis, cessé de s'étendre, d'abord dans le Nord, où cinq cas ont été recensés le 9 décembre, puis dans le reste du territoire. Le 19 décembre, un premier cas était par exemple confirmé dans un élevage de canards des Landes.
En fin d'année, le ministère avait annoncé qu'"environ 600 000 à 650 000" volailles avaient été abattues. Mi-janvier, il recensait plus de 150 élevages touchés dans tout le pays : 94 élevages dans les Landes, 28 dans les Pyrénées-Atlantiques, 16 dans le Gers, huit dans le Nord, deux en Vendée et dans les Hautes-Pyrénées et un dans le Lot-et-Garonne. Au 31 janvier, l'épidémie s'est encore davantage propagée, avec 328 foyers (dont 218 dans les Landes), selon le ministère de l'Agriculture. Lors du dernier épisode epizootique, entre l'automne 2020 et le printemps 2021, 492 foyers avaient été recensés.
2Comment s'explique cette nouvelle épidémie ?
L'IAHP possède un caractère saisonnier. Transportée par des oiseaux migrateurs venant d'Asie, elle commence généralement à se développer en octobre en Europe et se poursuit jusqu'au mois d'avril. "Le territoire français est concerné par ces migrations (...) Le pic d'arrivées migratoires en France a souvent lieu en novembre", prévenait en novembre 2020 l'Office national de biodiversité (OFB) auprès de la plateforme d'épidémiosurveillance en santé animale (ESA). Une vigilance est donc nécessaire jusqu'au départ de ces volatiles "en migration prénuptiale vers le Nord-Est, en fin d'hiver, début du printemps", ajoutait l'OFB.
Ce virus, qui résiste au froid de l'hiver, peut se répandre au contact direct des sécrétions ou via l'eau et les aliments. Toutefois, il n'est pas dangereux pour l'être humain. "La consommation de viande, foie gras et œufs – et plus généralement de tout produit alimentaire à base de volaille – ne présente aucun risque pour l'homme", rappelle le ministère de l'Agriculture.
3Quelles sont les mesures prises pour l'enrayer ?
Dès le 5 novembre, trois semaines avant le premier cas dans le département du Nord, et face à la propagation dans les pays limitrophes, le ministère de l'Agriculture avait fixé à "élevé" le risque de grippe aviaire. Un seuil qui obligeait tous les agriculteurs à confiner leurs volailles de manière stricte, c'est-à-dire une "mise à l'abri adaptée des volailles des élevages commerciaux et la claustration ou mise sous filet des basses-cours", explique le ministère. Un choix critiqué par deux syndicats, la Confédération paysanne et le Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef), car il menace les exploitations en plein air et n'a "pas su nous éviter une quatrième crise en six ans", rapportaient-ils, mi-janvier, dans un communiqué commun. Leur recours déposé devant le Conseil d'Etat pour suspendre les arrêtés sur la grippe aviaire avait été rejeté le 24 décembre.
Julien Denormandie, le ministre de l'Agriculture, a défendu cette mesure de protection le 4 janvier, assurant qu'elle était "nécessaire".
"Si nous n'avions pas pris ces mesures, la situation que je vous décris aujourd'hui serait beaucoup plus dramatique."
Julien Denormandie, ministre de l'Agriculturelors d'une conférence de presse le 4 janvier
Il soulignait que la France comptait "35% d'élevages touchés en moins" par rapport à l'année précédente. Mais sur le terrain, les résultats de ces restrictions se font attendre. "La biosécurité en élevage, c'est comme les gestes barrières avec le Covid, il y a des sas, des désinfections, de nouvelles habitudes. Mais on a beau prendre toutes les précautions nécessaires, ça finit par vous toucher", déplore auprès de l'AFP Jean-Pierre Dubroca, éleveur à Buanes (Landes).
Outre cette claustration, le gouvernement français a décidé le 20 janvier d'étendre les abattages préventifs dans une zone couvrant principalement le sud des Landes, mais aussi l'ouest du Gers et le nord des Pyrénées-Atlantiques, afin que le virus ne trouve plus de support sur lequel se multiplier.
4Pourquoi la vaccination pose-t-elle problème ?
Comme pour sortir de la crise du Covid-19, la vaccination des volailles est une des solutions souhaitée par la plupart des acteurs du secteur. Julien Denormandie a annoncé, début janvier, le démarrage, prochainement, d'une phase d'expérimentation de "deux vaccins, dont un issu d'un laboratoire de Nouvelle-Aquitaine". Marie-Pierre Pé, directrice du Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (Cigof), estime, dans Le Monde (article abonnés), "indispensable de faire avancer le dossier de la vaccination des animaux contre l'influenza aviaire (...) sans quoi les filières avicoles resteront menacées par ce virus." Mais l'avenir de cette solution passe par Bruxelles puisqu'à ce jour, "aucun vaccin adapté aux oiseaux de la famille des anatidés (palmipèdes) n'est autorisé par la Commission européenne", rappelle le ministère de l'Agriculture.
"Nous sommes le premier pays européen à mettre (ça) en place. Il faudra ensuite obtenir l'homologation au niveau européen et il faudra donc que j'arrive à convaincre les autres Etats membres de l'intérêt de la vaccination", a déclaré Julien Denormandie. "Je préfère une volaille vaccinée à une volaille confinée", affirme pour sa part au Monde Sylvie Colas, agricultrice à Lectoure (Gers) et porte-parole de la Confédération paysanne dans ce département.
"C'est notre bouée de sauvetage. Il faut aller vite dans les expérimentations et que ça suive au niveau européen."
Jean-Pierre Dubroca, éleveur dans les Landesà l'AFP
"L'Union européenne est présidée par la France [depuis le 1er janvier et pour six mois], donc on espère que notre ministre de l'Agriculture va porter cela au niveau de l'Europe pour que la vaccination soit acceptée", explique à franceinfo Hervé Dupouy, éleveur de canards et représentant de la FDSEA Landes section palmipèdes.
5La France est-elle le seul pays touché ?
Les voisins européens ne sont pas épargnés. Selon les chiffres publiés le 31 janvier par la plateforme française d'épidémiosurveillance en santé animale (ESA), 924 foyers d'influenza aviaire ont été enregistrés dans les élevages de 33 pays européens. L'Italie est le pays qui compte le plus grand nombre de foyers détectés (307), avec 18 millions de volailles abattues depuis octobre, notamment dans la plaine du Pô (nord du pays), qui abrite de très gros élevages de dindes et de poules.
Troisième pays européen touché après l'Italie et la France, la Hongrie, située sur le couloir des oiseaux migrateurs qui suit le Danube, compte 113 foyers de grippe aviaire. La plateforme ESA en recense également 80 en Pologne, 56 au Royaume-Uni, 55 en Allemagne, 15 en République tchèque ou encore 16 aux Pays-Bas.
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