La recherche sur les maladies neurodégénératives est-elle en crise?
La recherche contre les maladies neurodégénératives est-elle en crise ? Samedi 6 janvier, le géant pharmaceutique Pfizer a annoncé mettre fin à ses recherches coûteuses et vaines sur les maladies d’Alzheimer et de Parkinson. "À la suite d'un examen exhaustif récent, nous avons pris la décision de mettre fin à nos efforts de recherche et de développement en neurosciences et de réaffecter les dépenses dans des secteurs où nous avons un leadership scientifique solide, afin d'avoir un impact plus grand." Le groupe "envisage de créer un fonds de capital risque" pour continuer à soutenir ces recherches.
Par ailleurs, nouvelle déception trois jours plus tard. Les résultats très attendus de trois essais cliniques sur une molécule du laboratoire danois Lundbeck étaient publiés dans le Journal of the American Medical Association (JAMA)… De précédentes études avaient laissé penser que l'idalopirdine pouvait minimiser les symptômes de la maladie. Les essais incluaient 2.525 participants âgés d'au moins 50 ans issus de 34 pays, suivis sur près de six mois. Les résultats de ces essais contre placebos "ont été décevants", cette nouvelle molécule n'a rien fait pour améliorer la cognition des participants ou contenir leur déclin cognitif et ce quelle que fut la dose, ont commenté les auteurs.
Impasse, ou mauvaise passe ?
De nombreux autres projets ont été abandonnés ces derniers mois. Fin 2016, le laboratoire américain Elli Lilly avait annoncé l'échec du solanezumab, un traitement de l'Alzheimer arrivé en Phase III d'essais. En février 2017, l'américain Merck renonçait à certains essais de son traitement expérimental verubecestat… Début janvier, le laboratoire suisse Axovant annonçait l'échec d'un essai de Phase II pour son intepirdine.
La recherche contre les maladies neurodégénératives est-elle dans l’impasse, ou traverse-t-elle simplement une mauvaise passe ?
Interrogé par l’AFP, Bruno Dubois, directeur du laboratoire de l'Inserm Cognition et Imagerie des maladies neurodégénératives, confirme qu'"il y a une grande attente et une grande réflexion, y compris chez les laboratoires" autour de la maladie d’Alzheimer. Alors que les traitements classiques visaient la maladie installée, "aujourd'hui on se demande s'il ne faudrait pas aller avant les symptômes", chez "des sujets qui n'ont pas de symptômes, mais les lésions". Et cela pose "plein de problèmes : comment on repère ces patients ? Combien de temps doit-on les traiter ?", s'interroge-t-il.
"L'innovation de rupture reste un Graal"
Le chercheur rappelle qu'avec une équipe, ils ont établi une nouvelle définition de la maladie, fondée sur des signes biologiques, "qui prend en compte le fait qu'on ne devient pas brutalement dément (...) mais qu'on a la maladie à l'oeuvre dans le cerveau, avant tout symptôme".
Selon Vincent Genet, directeur du pôle santé au cabinet Alcimed, une bonne partie de la solution passe probablement par la recherche académique et universitaire ainsi que par des biotechs très spécialisées, en attendant "des avancées qui permettront de passer dans le domaine de la recherche appliquée". Selon lui, l'investissement plus massif des grands groupes est à ce prix. Mais pour l'instant, "au niveau du système nerveux central, on est un peu là où en était l'oncologie il y a 20 ans", constate-t-il. "Ça fait partie des domaines dans lesquels l'innovation de rupture reste un Graal".
la rédaction d'Allodocteurs.fr, avec AFP
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