Variole du singe : on vous explique pourquoi la vaccination n'est pas la solution la plus évidente face à cette maladie
S'il existe des vaccins efficaces contre la maladie, il n'est pour l'instant pas question d'y recourir massivement, le nombre de formes graves restant relativement faible.
Une évolution qui interpelle les autorités sanitaires. Les cas d'infection à la variole du singe risquent de s'accélérer sur le Vieux Continent, a prévenu le directeur de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) en Europe vendredi 20 mai. "A ce jour, au moins huit pays – le Portugal, l'Espagne, l'Allemagne, la Belgique, la France, l'Italie, le Royaume-Uni et la Suède – ont signalé des cas", a relevé Hans Kluge dans un communiqué*, tout en précisant que la plupart des infections étaient légères.
Face à l'accélération des contaminations, faut-il prévoir une campagne de vaccination pour prévenir une évolution vers une épidémie ? "Si des vaccins contre la variole sont disponibles dans le pays, la vaccination des contacts étroits à haut risque doit être envisagée après une évaluation du rapport bénéfice/risque", a déclaré le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) dans un communiqué.
Franceinfo répond à cinq questions qui se posent sur une éventuelle vaccination contre la variole du singe.
Comment la maladie se transmet-elle ?
La variole du singe, ou l'orthopoxvirose simienne, est une zoonose virale, qui se transmet de l'animal à l'humain, et réciproquement. Des hommes peuvent être contaminés par des rongeurs infectés ou des primates, à travers un contact direct avec du sang, des liquides biologiques, des lésions cutanées ou des muqueuses de ces animaux. La consommation de viande pas assez cuite d'animaux infectés peut en outre entraîner un risque d'infection.
Comme le précise le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, "la transmission entre humains se fait principalement par de grosses gouttelettes respiratoires. Un contact face à face prolongé est nécessaire". Le virus peut aussi se transmettre par des lésions cutanées ou des "objets récemment contaminés par des liquides biologiques ou des matières provenant des lésions", poursuit l'OMS. Ce qui fait dire à l'Agence britannique de sécurité sanitaire que le virus ne se transmet "pas facilement".
Hans Kluge, le directeur de l'Organisation mondiale de la santé en Europe, note qu'une majorité des personnes contaminées sont des hommes ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes. L'agence sanitaire de l'ONU souhaite donc faire la lumière sur la transmission du virus par voie sexuelle parmi les hommes gays et bisexuels.
Existe-t-il des vaccins efficaces ?
La variole du singe ne peut être soignée par un traitement. Les symptômes de cette infection virale disparaissent en général deux à trois semaines après leur apparition, d'après l'Organisation mondiale de la santé.
En matière de vaccin, "il a été démontré à travers plusieurs études que la vaccination contre la variole [humaine] est efficace à 85% pour prévenir la variole du singe", souligne l'OMS*. Il s'agit d'une "très bonne efficacité", rappelle le virologue Yannick Simonin, spécialiste des virus émergents, auprès de franceinfo.
Néanmoins, l'OMS rappelle que la première génération de vaccins contre la variole "n'est plus accessible au grand public" aujourd'hui. En effet, la variole a été éradiquée à l'échelle mondiale en 1980, après le lancement en 1967 par l'OMS du "Programme intensifié d'éradication de la variole". Une vaste campagne vaccinale étalée sur une décennie, qui a permis à "tous les peuples du monde" d'être "libérés de la variole".
Quel est l'état des stocks de vaccin ?
Face à l'augmentation de ces cas de variole du singe, les autorités de plusieurs pays commencent à évoquer de premières vaccinations contre le virus. En Espagne, le ministère de la Santé a ainsi préparé la commande de milliers de doses, selon El Pais (en espagnol), et le Canada n'exclut pas d'avoir recours à son stock de vaccins face à ces contaminations.
D'après La Croix, la Haute Autorité de santé (HAS) devrait se prononcer lundi 23 mai sur l'opportunité de premières vaccinations contre la variole du singe. Mais quel est l'état des stocks ? Selon le Haut Conseil de la Santé publique, en 2012, il restait un peu plus de 82 millions de doses de vaccins de première génération.
En revanche, après l'éradication de la maladie, "les Etats ont été invités à détruire leurs stocks de virus [nécessaires à la fabrication des vaccins] et les stocks de virus restants ont été confiés à deux laboratoires de sécurité", aux Etats-Unis et en Russie, selon un document du ministère de la Santé datant de 2006.
Quid de l'immunité collective ?
En France, en 1979, une première loi a mis sur pause l'obligation de primo-vaccination contre la variole pour les jeunes enfants, rappelle Vie-publique.fr. Cette suspension a conduit à la fin de l'obligation vaccinale cinq ans plus tard. Selon le Haut Conseil de la santé publique, "l'état immunitaire de la population générale vis-à-vis de la variole a été modifié de façon drastique avec l'arrêt progressif des vaccinations anti-varioliques".
"On pense que l'arrêt de la vaccination de la variole a permis au virus [de la variole du singe] d'émerger, notamment chez les personnes relativement jeunes qui n'ont jamais reçu le vaccin", estime India Leclercq, chercheuse à l'Institut Pasteur, interrogée sur France Inter. "En France, les personnes qui ont bénéficié de ces vaccins sont plutôt celles qui ont aujourd'hui plus de 50 ans. A l'échelle totale de la population, nous n'avons qu'une protection très relative", ajoute Yves Buisson, membre de l'Académie de médecine, sur BFMTV.
Peut-on comparer la situation au Covid-19 ?
Dans son communiqué, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies précise que la souche virale détectée en Europe, issue de l'Afrique de l'Ouest, présente un taux de létalité moyen de 3,6%. Et l'ECDC de préciser : "Le taux de mortalité est plus élevé pour les enfants et les jeunes adultes et les personnes immunodéprimées sont particulièrement à risque de développer une forme sévère."
Interrogé par franceinfo, le virologue Antoine Gessain, responsable de l'unité d'épidémiologie de l'Institut Pasteur, estime que "la vaccination ne me paraît pas être, à ce jour, justifié".
"Une vaccination a pour but d'éviter les contaminations ou les formes graves d'une maladie. Cela n'est pas le cas pour l'instant."
Antoine Gessain, virologue à l'Institut Pasteurà franceinfo
"Un des rares problèmes que cette épidémie pourrait éventuellement engendrer serait que ce virus vienne à toucher des personnes immunodéprimées en grand nombre", souligne le spécialiste des zoonoses.
Antoine Gessain rejette toute similitude avec les débuts de la pandémie de Covid-19. "Le mode de transmission est complètement différent, tout comme la gravité de la maladie. De plus, ce virus, qui est un virus à ADN, est très stable", insiste le virologue, qui appelle à "la prévention", "avec l'isolement des personnes contaminées et la diminution des contacts potentiellement infectants".
Si la situation devient épidémique en Europe, "on ne rentrera pas dans le schéma de vaccination massive" comme celui contre le Covid-19, "mais on peut imaginer une vaccination des cas contacts", poursuit Yannick Simonin.
* Tous les liens suivis d'un astérisque renvoient vers des articles en anglais.
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