Antibiotiques : les quinolones sont-ils trop prescrits ?
A 68 ans, Annick Piron souffre de nombreuses atteintes aux tendons. Elle ne peut se déplacer sans déambulateur et porte des chaussures orthopédiques. Il y a quelques années, elle a suivi deux fois des cures d’antibiotiques à base de quinolones pour une bronchite puis une infection urinaire. Quelques mois après la seconde prise, elle a commencé à ressentir d’étranges douleurs dans les jambes et les pieds.
"Mon médecin traitant m’a dit que ce n’était rien mais 4 mois après, en pleine nuit, je suis allée aux toilettes et là, ma jambe gauche n’arrivait plus à descendre. J’ai insisté un peu et là, le tendon a lâché", explique Annick.
En septembre 2010, un chirurgien l’opère pour ce problème de tendon, mais quelques jours plus tard, Annick ne peut plus utiliser ses béquilles : l’autre jambe commence à la faire souffrir. Elle retourne alors voir le chirurgien qui fait le lien entre ses douleurs et la prise de quinolones. Depuis, Annick Piron a subi huit interventions chirurgicales. Malgré cela, elle continue à subir des douleurs au niveau des jambes, des épaules et des poignets.
Me Bernard-Marie Dupont connaît bien le cas d’Annick. Cet avocat du barreau d’Arras défend plusieurs patients souffrant des effets secondaires des quinolone, estimant que des centaines de personnes seraient concernées en France. "Je vois des personnes qui ont un parcours de souffrance très long, qui sont dans une errance thérapeutique. Leur première demande est d’être reconnues dans leur souffrance", explique Me Dupont.
Les effets secondaires des quinolones sur les tendons restent rares, mais le problème reste qu’en France, ces antibiotiques sont encore trop prescrits et pas toujours à bon escient.
"Il y a des recommandations de l’Agence nationale du médicamentent qui, par exemple, pour les infections urinaires préconisent d’utiliser ce médicament en quatrième intention or il est presque systématiquement utilisé en première intention, donc il y a une contradiction avec les recommandations officielles", estime Pr Clément-Claude Abbou, urologue à l’hôpital Américain de Paris (92).
Selon ce spécialiste, la surprescription de quinolones favorise également l’apparition de résistance aux antibiotiques.
Au cours des derniers mois, les agences américaine et canadienne de sécurité du médicament ont réévalué le rapport bénéfices/risques des quinolones. Elles recommandent de réserver ces molécules aux cas d’infections les plus graves. Selon les chiffres de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), plus de 8,9 millions de boîtes de quinolones ont été vendues en 2016 en France.
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