Cinq questions sur la pénurie de corticoïdes
L'Agence nationale de sécurité du médicament estime "qu'on n'est pas dans une situation de pénurie". Mais elle reconnaît qu'il existe "des tensions au niveau local". Deux médicaments sont parfois difficiles à trouver : la prednisone et la prednisolone.
Les patients s'inquiètent. Depuis plusieurs semaines, deux corticoïdes, la prednisone et la prednisolone, utilisés pour des maladies comportant une composante inflammatoire ou allergique, viennent à manquer. Jeudi 23 mai, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a assuré que la France n'était pas "dans une situation de pénurie", mais a reconnu des "tensions au niveau local". Retour sur cette affaire en cinq questions.
Quels sont les médicaments difficiles à trouver ?
Il s'agit de deux corticoïdes : la prednisone (comprimés de Cortancyl du laboratoire Sanofi et ses génériques) et la prednisolone (comprimés de Solupred, également de Sanofi, et ses génériques).
Ces corticoïdes sont des anti-inflammatoires stéroïdiens appartenant à la famille des corticoïdes de synthèse. Ils sont utilisés dans le traitement de nombreuses affections comportant une composante inflammatoire ou allergique (sclérose en plaques, rhumatisme articulaire, mais aussi crises d'asthme, sinusite, otite...). Ils sont aussi utilisés dans le traitement de certains cancers et pour prévenir le rejet des greffes d'organes, car ils diminuent les réactions immunitaires.
Pourquoi cette difficulté d'approvisionnement ?
Ce problème d’approvisionnement est dû à des retards de production, selon les laboratoires qui fabriquent les médicaments. Mais le professeur Francis Berenbaum, rhumatologue à l’hôpital Saint-Antoine, lui, soupçonne des problèmes de rentabilité, qui pousseraient les laboratoires à retirer du marché leurs médicaments : "Le prix du médicament étant tellement bas, la rentabilité pour les laboratoire pharmaceutique n'est peut-être pas tellement élevée. Du coup, certains laboratoires retirent du marché les médicaments", explique-t-il à France 3.
Le problème est-il reconnu par les autorités ?
Oui. Dès le 9 mai, l’ANSM avait mis en garde les professionnels de santé face aux fortes tensions d’approvisionnement de ces deux médicaments. Tout en tentant de trouver des solutions, elle avait recommandé aux médecins de limiter l'utilisation de ces médicaments aux situations où elles sont "médicalement indispensables et sans alternatives".
Ce qui n'a pas suffi à calmer les inquiétudes des médecins, qui jugent la situation aberrante alors que la cortisone fait partie des traitements de base. Le 23 mai, rapporte Le Parisien, le professeur Francis Berenbaum, chef du service de rhumatologie de l’hôpital Saint-Antoine à Paris, a mis en ligne une pétition adressée à la ministre de la Santé, Agnès Buzyn. Il demande à la ministre de "redonner de la cortisone avant que des centaines de milliers de patients en souffrent" et évoque "la non-assistance à personnes en danger". France 2 s'est également fait l'écho, dans ce reportage, de l'anxiété de patients.
Quelle solution est envisagée ?
"Dans le cadre des tensions d'approvisionnements constatées ces dernières semaines", l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) avait réuni les industriels le 9 mai "pour trouver des solutions". Ces derniers "se sont engagés à procéder, dans les meilleurs délais, à des importations de spécialités équivalentes" en provenance d'autres Etats européens "afin d'éviter toute rupture de stock et prévenir d'éventuelles nouvelles tensions d'approvisionnement", explique l'agence sanitaire.
"Le détail des importations sera connu prochainement (type de médicaments, quantités, dosages)", a précisé l'ANSM le 23 mai. Enfin, un tableau de la disponibilité des différents médicaments, consultable sur le site de l'ANSM, doit être régulièrement mis à jour.
Quelle est la gravité de ces "tensions" ?
L'ANSM, de son côté, estime que la crise est limitée. "On n'est pas dans une situation de pénurie", assure à l'AFP sa directrice générale adjointe, Christelle Ratignier-Carbonneil. Avant d'ajouter : "Les approvisionnements permettent de couvrir les besoins des patients au niveau national, [mais] il y a des tensions au niveau local, au niveau des pharmacies hospitalières ou de ville."
La situation devrait revenir à la normale d'ici la fin du mois de juin, selon l'ANSM. Vue des officines, la situation semble en effet s’améliorer, affirme AlloDocteurs tout en précisant que "les livraisons reprennent, mais pas de façon très lisible et rationnelle". "J’exerce à Nevers, et j’ai reçu ce matin de la prednisolone, indique Alain Delgutte, président du Conseil central de l’Ordre national des pharmaciens à ce site médical. Mais un de mes confrères, à Bordeaux, m’a dit ce matin qu’il n’en avait pas, et qu’il avait de la prednisone." Et il poursuit : "La disponibilité est meilleure. Mais il y a toujours des tensions. On peut recevoir plusieurs boîtes et puis plus rien. On se téléphone entre confrères pour savoir qui a quoi. C’est le 'système D'. Et surtout nous n’avons aucune visibilité sur l’avenir."
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