Sida : le Truvada n'est "pas un médicament miracle", mais "une arme supplémentaire" contre le VIH
La spécialiste du VIH Marina Karmochkine veut relativiser le rôle de la PrEP, un traitement préventif qui évite l'infection par le VIH. Elle rappelle le rôle essentiel du préservatif.
"La meilleure façon de se protéger du VIH aujourd'hui reste le préservatif, pour les hommes et pour les femmes, et quel que soit l'âge", rappelle sur franceinfo Marina Karmochkine, spécialiste du VIH à l'hôpital européen Georges-Pompidou, mardi 24 juillet. Cette médecin immunologiste s'exprime alors qu'une étude publiée mardi montre que la PrEP (un traitement précédent des rapports sexuels à risque) est efficace pour lutter contre les contaminations. Elle préfère nuancer cette bonne nouvelle : le Truvada n'est "pas un médicament miracle" contre le VIH, mais plutôt "une arme supplémentaire dans des stratégies de prévention", a-t-elle indiqué.
franceinfo : Le Truvada est-il un médicament miracle ?
Marina Karmochkine : Clairement, ce n'est pas un médicament miracle, il n'y a pas de miracle en matière de VIH. C'est une arme supplémentaire dans les stratégies de prévention. Aujourd'hui en matière de VIH, on parle volontiers de prévention combinée. Ça veut dire qu'on a plusieurs outils à notre disposition. Le premier outil de prévention, ça reste le dépistage. Lorsqu'on se sait séropositif et qu'on est traité, on ne transmet plus le VIH. Le deuxième outil, qui reste complètement sous-utilisé, c'est le préservatif. A l'occasion du congrès mondial sur le Sida [la 22ème édition du congrès s'est ouverte ce lundi à Amsterdam], il faut rappeler que la meilleure façon de se protéger du VIH aujourd'hui, ça reste le préservatif, pour les hommes et pour les femmes et quel que soit l'âge.
Cependant, ce médicament ou ses génériques ont, selon les résultats de l'étude révélés mardi, été efficaces à 100% sur un an à Paris...
Il est vrai que quelqu'un qui a des rapports à risque et qui est sous traitement par Truvada a un risque de contracter le VIH est extrêmement réduit, voire annulé. À condition de le prendre bien, parce qu'on a également montré que dans la durée, il y a pas mal de gens qui ne le prenaient pas bien, parce que c'est très contraignant, il y a une surveillance médicale, biologique. Il y a des gens, des hommes ou des femmes, qui arrêtent de le prendre, comme ils avaient abandonné le préservatif, ils se contaminent à ce moment-là. C'est une arme thérapeutique efficace mais qui s'inscrit vraiment dans cette prévention combinée. Les gens qui bénéficient des programmes de PrEP [prophylaxie préexposition, type de traitement dont relève le Truvada] en France, en particulier à l'assistance publique, ont des dépistages du VIH et de toutes les IST [infections sexuellement transmissibles] tous les trois mois. (…) L'objectif est quand même toujours d'essayer de reparler du préservatif parce qu'aujourd'hui, dans la communauté des hommes homosexuels, globalement, il n'y a plus de préservatif. C'est pour ça qu'on est au milieu du chemin : si on continue à ne plus utiliser de capotes, le nombre de nouvelles IST et de nouveaux cas d'infection par le VIH va réaugmenter, qu'il y ait de la PrEP ou qu'il n'y ait pas de la PrEP.
Y a-t-il des effets secondaires ?
Ce traitement, qui est assez puissant, nécessite une surveillance. On est séronégatif et on vient voir un médecin tous les trois mois, on fait des analyses de sang et des dépistages de différentes infections sexuelles. Le traitement peut avoir quelques effets secondaires, comme une fatigue des reins et une déminéralisation osseuse. Ce n'est pas anodin. Mais c'est intéressant de savoir qu'on a une arme supplémentaire. (...) Le médicament est remboursé en France, il est pris en charge par la collectivité, il coûte environ 180 euros par mois et il est prouvé que c'est un coût efficace. C’est-à-dire que si vraiment on diminue le nombre de personnes séropositives, pour la société c'est moins cher de payer la PrEP que de payer des traitements contre le VIH toute la vie.
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