Statines : des bénéfices supérieurs aux risques, selon une vaste expertise
Les statines sont des médicaments qui existent depuis une trentaine d'années. Elles sont prescrites pour faire baisser le taux de "mauvais cholestérol", et ainsi prévenir les risques cardiovasculaires, notamment en cas d'antécédent cardiaque. Elles sont de plus en plus largement prescrites à titre préventif, dès lors que le taux de cholestérol d'un patient dépasse certains seuils, variables selon les situations ou les pays.
Une controverse existe quant à l’efficacité et à l’intérêt de ces statines à divers stades de la prévention, ainsi que sur les potentiels effets secondaires induits par le traitement.
Une nouvelle étude vient apporter du poids aux arguments des défenseurs du traitement par statines. Publiée ce 9 septembre dans la revue médicale The Lancet, elle a consisté en analyse méthodique de 30 travaux de recherches antérieurs, portant sur le suivi de près de 140.000 personnes.
Selon ses auteurs, les données démontrent qu’une réduction de 2 mmol/L du taux de cholestérol LDL [1] obtenue grâce à un traitement par statine "donné pendant 5 ans à 10.000 patients" permettrait de prévenir des évènements cardiovasculaires majeurs (comme des infarctus ou des AVC provoqués par des caillots) "chez 1.000 personnes ayant déjà des antécédents cardiaques" (soit 10%) et "chez 500 personnes présentant seulement des facteurs de risques" (soit 5%).
Quant aux effets indésirables, les plus courants sont les douleurs musculaires. Sur 10.000 patients traités pendant 5 ans, on observerait 5 cas de myopathie (une maladie qui touche les muscles) dont un cas pouvant évoluer vers la rhabdomyolyse (aboutissant à une destruction de tissus musculaires). Cinq à 10 cas d'AVC hémorragiques ont également été associés aux statines chez 10.000 patients traités pendant 5 ans, ainsi que 50 à 100 nouveaux cas de diabète, pour la plupart apparus peu après le début du traitement et chez des patients présentant des facteurs de risques pour cette maladie.
Mais selon les auteurs de cette étude, plusieurs essais randomisés (dans lesquels les malades sont répartis dans deux groupes recevant soit le traitement soit le placebo par tirage au sort) auraient montré que "pratiquement tous" les effets indésirables attribués aux statines ne seraient, en réalité, pas causés par ces médicaments.
"Nos résultats montrent que le nombre de gens qui évitent des infarctus et des accidents vasculaires cérébraux est beaucoup plus important que le nombre de gens qui ont des effets secondaires [réellement attribuables au traitement]", indique le Pr Rory Collins, de l'Université d'Oxford, qui a coordonné cette analyse.
Une controverse nocive, selon les chercheurs
La controverse sur la nocivité ou l'inefficacité des statines à titre préventif, s'est développée rapidement dans plusieurs pays ces dernières années. C'est notamment le cas au Royaume-Uni où 200.000 patients ont arrêté d'en prendre, ce qui pourrait, selon les chercheurs, "entraîner entre 2.000 et 6.000 incidents cardiovasculaires au cours de la prochaine décennie". Au Danemark, "chaque publication d'informations négatives sur les statines s'est traduite par un risque accru de 10% d'arrêt de la prise de ce médicament".
"Des allégations trompeuses concernant la sécurité et l'efficacité des traitements par statines ont un coût important pour la santé publique", soulignent les auteurs de l'étude, une position également défendue dans un commentaire par le rédacteur en chef du Lancet, Richard Horton.
En France, où plus de 5 millions de personnes prennent des statines, soit un marché évalué à 2 milliards d'euros, plusieurs médecins ont lancé des offensives contre ces médicaments. En 2013, le Pr Philippe Even estimait dans un ouvrage médiatisé que les statines étaient prescrites inutilement "dans au moins 9 cas sur 10". L’affirmation avait immédiatement été contestée par de nombreux cardiologues et par l'Académie de médecine.
Des informations "dignes de foi"
Plusieurs experts indépendants ont déjà salué l'étude. "Les statines ont été injustement diabolisées", relève le Dr Tim Chico, un spécialiste de l'Université de Sheffield, qui souligne que la "confusion" autour des risques des statines a conduit "de nombreuses personnes à se faire une opinion sans avoir été correctement informées".
"Des informations claires, précises et dignes de foi sont vitales pour permettre aux gens de faire leurs choix de traitement", note de son côté le Pr John Tooke, ancien président de l'Académie britannique des sciences médicales.
Parmi les 28 co-auteurs de l’étude, cinq ne déclarent aucun lien d’intérêt avec l’industrie pharmaceutique – y compris dans le financement, même partiel, de leurs recherches.
Avec AFP
Étude : Interpretation of the evidence for the efficacy and safety of statin therapy. R. Collins et al. The Lancet, 9 sept. 2016. doi:10.1016/S0140-6736(16)31357-5
[1] Un des transporteurs du cholestérol, surnommé "mauvais cholestérol".
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