Téléconsultations : ce qu'il faut savoir sur le déremboursement de certains arrêts de travail souhaité par le gouvernement
Pour bénéficier d'une indemnité journalière en cas d'arrêt maladie, les patients optant pour une consultation à distance ne pourront bientôt plus passer par le premier médecin venu.
Haro sur les visios ? A l'occasion de la présentation du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, lundi, le gouvernement a annoncé son intention d'encadrer davantage la délivrance des arrêts de travail lors de téléconsultations. Face au développement rapide de cette pratique, souvent sans recours au médecin traitant, "il faut que nous soyons extrêmement vigilants par rapport aux abus d'utilisation", a justifié le ministre de la Santé, François Braun, mardi 27 septembre, sur franceinfo. Voici les dessous de cette réforme, qui pourrait entrer en vigueur l'été prochain.
Quelles sont les nouvelles règles envisagées ?
Dans son projet de loi (PDF), l'exécutif propose de restreindre les conditions de prise en charge des arrêts de travail. A partir du 1er juin 2023, si un arrêt a été prescrit dans le cadre d'une téléconsultation, il ne pourra donner lieu au versement d'une indemnité journalière "que si l'incapacité physique a été constatée (…) par le médecin traitant (…) ou par un médecin ayant déjà reçu l'intéressé en consultation depuis moins d'un an".
Autrement dit, si vous faites appel à un médecin que vous n'avez jamais rencontré physiquement, vous pourrez toujours vous faire prescrire un arrêt maladie à distance, mais celui-ci ne sera pas indemnisé. La téléconsultation, elle, restera bien remboursée selon les critères actuels. Des exceptions seront "possibles", a toutefois laissé entendre François Braun, par exemple, pour des personnes âgées qui n'auraient pas de médecin traitant et qui se trouveraient dans un désert médical. Les arrêts prescrits lors d'une consultation physique resteront tous indemnisés, quel que soit le médecin choisi.
Pourquoi le gouvernement s'attaque-t-il aux téléconsultations ?
Dans le texte qui sera prochainement soumis au Parlement, l'exécutif dit vouloir s'attaquer à des "dérives" qui accompagnent l'essor des consultations à distance, "notamment en matière d'arrêts de travail non justifiés". Certains patients se livreraient ainsi à un "nomadisme" médical sur les plateformes de téléconsultations, multipliant les rendez-vous en ligne jusqu'à trouver un professionnel acceptant de leur prescrire un arrêt maladie.
Dans les faits, "dans huit cas sur dix", les arrêts de travail prescrits à distance concernent des patients qui n'ont pas fait appel à leur médecin traitant alors qu'ils en ont un. "Ça interroge", selon le ministre de la Santé. Son collègue en charge des Comptes publics, Gabriel Attal, lui, souligne que "deux fois plus de ces arrêts maladies [par rapport à ceux délivrés par un médecin traitant] ne donnent lieu ensuite à aucune prescription de médicament, de soin ou autre".
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— LCP (@LCP) September 26, 2022
Gabriel Attal y voit une forme de "fraude" et évoque une facture de "près de 100 millions d'euros l'an dernier" liée à ces arrêts "parfois un peu complaisants". Si la réforme est adoptée, l'économie budgétaire pourrait être supérieure à ce montant. L'exécutif s'attend à un doublement du nombre d'arrêts issus de téléconsultations en 2022, par rapport aux 110 000 recensés en 2021.
Comment cette annonce est-elle accueillie ?
Le projet du gouvernement répond à une attente exprimée par le secteur. En juillet, dans son rapport annuel (PDF), la Caisse nationale de l'assurance-maladie recommandait de "supprimer la prise en charge des arrêts de travail prescrits en téléconsultation (hors médecin traitant)". "Ce qu'il faut, c'est fixer de nouvelles règles du jeu (…) pour mettre fin à ce qu'on pourrait appeler un peu le Far West des téléconsultations", plaidait encore son directeur général, Thomas Fatôme, le 19 septembre, sur TF1.
L'initiative de l'exécutif a été saluée au sein du monde médical, notamment par l'Union française pour une médecine libre, l'un des syndicats représentatifs chez les généralistes et les spécialistes. "Ce qu'il faut, c'est revenir à une médecine de qualité, une médecine où le patient est connu de son médecin et où on a les possibilités de donner aux Français des médecins traitants partout", a réagi son président, Jérôme Marty, sur franceinfo. Il voit dans cette réforme "un magistral coup de pied" donné à certaines entreprises de "médecine low cost" qui surfent sur la vague des téléconsultations.
Selon le syndicat MG France, la réforme pourrait permettre de freiner cette "dérive" et remettre le médecin traitant au centre du jeu. "Les médecins traitants ne délivrent pas les arrêts de travail de la même façon, ils le font de manière plus réfléchie", défend sa vice-présidente, Florence Lapica, sur M6.
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