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Burn-out : "Les mutations au travail n'ont pas été encadrées au niveau politique"

Jean-Claude Delgènes, président du cabinet Technologia, milite pour que le burn-out soit reconnu comme une maladie professionnelle. Entretien.

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Les risques psychosociaux, comme harcèlement ou le burn-out, représenteraient un tiers des conflits entre salariés et employeurs portés devant la justice. (DIANE LABOMBARDE / GETTY IMAGES)

Le burn-out inquiète au sommet de l'Etat. Depuis la fin mars, une mission du ministère du Travail planche sur ce syndrome pour "clarifier" ce qu'il recouvre et mieux le prévenir. Ce groupe d'experts n'a pas pour mission, en revanche, de "traiter des questions de reconnaissance et de réparation". En clair, le gouvernement n'entend pas reconnaître le burn-out comme une maladie professionnelle.

Une hérésie, selon le cabinet Technologia, spécialisé dans la prévention des risques psychosociaux au travail. Son président, Jean-Claude Delgènes, nous explique pourquoi, à l'occasion de la Journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail, lundi 28 avril.

Francetv info : Faute de consensus scientifique, aucune étude chiffrée ne mesure le phénomène du burn-out. Pensez-vous qu'il est en extension ? 

Jean-Claude Delgènes : Depuis cinq ans, on observe une augmentation très forte des contentieux professionnels liés aux risques psychosociaux, comme le harcèlement ou le burn-out. Ces problèmes représentent désormais un tiers des conflits portés devant la justice (prud'hommes, tribunal des affaires sociales...).

Comment expliquez-vous cette augmentation ? 

La pression en matière de résultats est beaucoup plus forte et ce que l'on appelle la "direction par objectifs" est devenu la norme dans les entreprises. Avec l'accélération du rythme de la société et les progrès technologiques, la frontière entre le temps professionnel et le temps personnel est devenue très poreuse. Les phases de reconstitution physiologique et psychologique se raréfient pour les actifs. Grâce aux smartphones, ils continuent même à travailler en marchant ou dans les transports.

Cette configuration favorise, selon vous, le burn-out ? 

Oui, car certains vont trop loin dans la sollicitation de leur organisme. Les mutations au travail n'ont pas été encadrées au niveau politique. On a laissé l'individu se débattre seul avec les nouvelles contraintes professionnelles, sans fixer de règles. Ce n'est pas normal. 

Comment encadrer ces mutations au travail ? 

En agissant d'abord a posteriori. Reconnaître le burn-out comme une maladie professionnelle permettrait de recenser les personnes touchées par ce syndrome et de mener des études statistiques. On ne peut pas prévenir ce qu'on ne connaît pas.

Du reste, la prévention ne suffit pas. Les conséquences financières des arrêts de travail, voire des invalidités, prononcés après un burn-out doivent être assumées par les entreprises et non par le régime général de la Sécurité sociale. Si cette contrainte n'est pas mise en place, rien n'évoluera. 

Comment cela se traduirait, concrètement ? 

Nous militons pour la création de deux nouveaux "tableaux" au registre des maladies professionnelles reconnues par la Sécurité sociale. Un tableau pour le stress post-traumatique, lié au choc consécutif à un burn-out, et un tableau pour la dépression d'épuisement professionnel. Le burn-out ne faisant pas consensus sur le plan médical, il ne peut pas être inscrit en tant que tel.

Comment sont prises en charge, aujourd'hui, les victimes d'un burn-out ? 

Si leur incapacité à retourner travailler persiste, elles peuvent être placées en invalidité de 2e catégorie pour dépression, avec une pension de 1 000 euros par mois. Si elles veulent faire reconnaître leur burn-out comme maladie professionnelle, elles doivent monter un dossier pour prouver que leur pathologie est en lien direct avec leur travail. Mais les critères étant trop drastiques, la majorité des demandes sont refoulées. En 2010, 74 personnes ont vu leurs problèmes psychiques reconnus comme maladie professionnelle. En 2011, 94 personnes. C'est très peu.   

Comment comptez-vous mobiliser le gouvernement sur cette question ? 

Nous sommes en négociation avec Matignon et différents ministères. Nous avons également lancé une pétition en ligne, qui a déjà recueilli près de 6 000 signatures. Nous espérons arriver à 10 000 signatures cet été pour attirer l'attention de l'opinion publique sur un véritable déni social. 

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