Quels liens entre exclusion sociale et troubles psychotiques ?
Après avoir analysé les statistiques médicales de 2.774 adultes souffrant de symptômes psychotiques, issus de dix-sept zones urbains (situées en France, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Italie, en Espagne et au Brésil), des chercheurs ont déterminé que la fréquence moyenne des psychoses dans ces zones était de 21,4 pour 100.000 personnes par an.
Mais cette moyenne dissimule des variations très importantes. Le taux annuel de troubles psychotiques n’est que de 6 pour 100.000 habitants dans une région rurale près de Saint-Jacques-de-Compostelle (Espagne), contre plus de 45 pour 100.000 dans des quartiers déshérités de Paris et du sud-est de Londres – soit près de huit fois plus [1].
Rôle de l'environnement dans le développement des maladies psychotiques
Quand bien même certaines données relatives à l'Espagne et à l'Italie pourraient être sous-estimées du fait du mode de collecte des données, ces résultats tendent à conforter l’idée selon laquelle la pauvreté et l'exclusion sociale peuvent fortement contribuer au développement de ces troubles.
Co-auteur de ces travaux publiés dans le JAMA Psychiatry, James Kirkbride, professeur de psychiatrie à l'University College de Londres, rappelle qu’"il est bien établi que des psychoses telles que la schizophrénie sont souvent héréditaires ; mais la génétique n'explique pas tout. […] Nos résultats laissent penser que des facteurs environnementaux peuvent aussi jouer un rôle important".
Le stress social, prédictif des psychoses
Les chercheurs ont relevé que les endroits ayant le plus faible taux de propriété du logement avaient la plus grande fréquence de troubles psychotiques. Selon eux, être propriétaire de son logement est un indicateur d'aisance et de stabilité socio-économique.
"Les personnes vivant dans des zones déshéritées pourraient souffrir davantage de stress social ce qui pourrait être prédictif de la fréquence des psychoses, comme l'ont suggéré de précédentes études", a pointé Hannah Jongsma, professeure de neurosciences à l'université britannique de Cambridge.
"Le fait également que les personnes soient propriétaires de leur habitation pourrait être un indicateur d'une plus grande cohésion sociale", a-t-elle poursuivi.
Les scientifiques ont identifié une incidence plus élevée de psychose chez les jeunes, comme l'avaient déjà montré de précédentes études. Mais ils ont aussi mis en évidence une poussée des troubles psychotiques chez les femmes et les hommes d'âge moyen ainsi qu'au sein de minorités ethniques.
Affiner les modèles prédictifs
Selon une étude distincte, menée dans la campagne anglaise, publiée fin novembre dans la même revue scientifique, la fréquence des psychoses est nettement plus faible dans des populations présentant une grande diversité ethnique.
Cela pourrait s'expliquer par davantage de contacts et de communication entre des personnes de différentes cultures et ethnies, pouvant ainsi avoir un effet protecteur contre les troubles psychotiques, ont avancé les chercheurs.
Les auteurs de l'étude présentée ce 7 décembre estiment que leurs conclusions pourraient être exploitées par des services de santé mentale pour identifier régions et quartiers risquant de connaître un taux élevé de psychoses.
Certains chercheurs ont d'ores et déjà élaboré des modèles prédictifs, qui sont utilisés par des agences de santé publique.
"Au cours des vingt dernières années, la médecine a fait d'importants progrès pour déterminer le rôle des gènes dans les maladies psychotiques et nous proposons maintenant de consacrer davantage de recherches pour comprendre comment les interactions des gènes et des facteurs environnementaux contribuent à des psychoses", a résumé le professeur Craig Morgan du King's College à Londres.
avec AFP
[1] La différence reste significative – et très marquée – en prenant en compte l’incertitude statistique attachée aux résultats.
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