: Reportage "Ici on est reconnues à notre juste valeur" : le Québec, eldorado des infirmières françaises
Alors qu'on manque d'infirmières en France, plusieurs centaines d'entre elles partent chaque année travailler au Québec. Des équipes du ministère de la Santé québécois viennent tous les ans en France pour les recruter et les postulantes y trouvent leur compte au point que certaines décident de rester vivre sur place.
Tout commence au salon des infirmiers à Paris, terrain de chasse favori des équipes de Recrutement Santé Québec. Une délégation du ministère de la santé québécois vient jusqu'ici pour débaucher des infirmières françaises et ils n'ont pas eu de mal à convaincre Vanessa Desmarets. Elle était infirmière dans un grand hôpital parisien. "En France j'ai travaillé quatre ans et demi, je me suis retrouvée sur des horaires de nuit, alternés avec parfois des horaires de jour donc je me suis retrouvée avec des journées de 16 heures de travail, peu de temps pause, parfois pas de repas, j'hésitais entre arrêter la profession d'infirmière étant donné que je ne voyais pas d'autre choix de carrière pour moi que les soins critiques."
Intégrées professionnellement et socialement
Une fois la candidate ferrée, l'équipe de Recrutement Santé Québec s'occupe de tout : demande de visa, permis de travail, lieu du stage d'intégration, et ça va même bien au-delà. "Il n'a pas seulement l'intégration professionnelle, il y a l'intégration sociale aussi", souligne Luc Mathieu, président de l'Ordre des infirmiers au Québec. "Certaines personnes viennent avec leur conjoint, leurs enfants aussi, alors il faut s'occuper de ce volet-là aussi."
"Ce n'est pas le tout de les attirer, il faut les retenir, leur donner des conditions de travail. Par exemple si quelqu'un dit que c'est la gériatrie qui l'intéresse, qu'on la fasse travailler dans ce secteur-là et non pas un secteur pour lequel elle n'a pas d'intérêt."
Luc Mathieu, président de l'Ordre des infirmiers au Québecà franceinfo
Le Québec offre des conditions de travail assez avantageuses aux infirmières au point que Malou Leroy a repris goût au métier en arrivant sur place. "On a le temps pour faire notre travail, pour la relation d'aide avec le patient, pour les familles, c'est ce qui me manquait le plus en France". "On a cinq patients pour une infirmière, en France par exemple en Chirurgie j'avais 15 patients à ma charge. Ici on est beaucoup mieux payées, avec les médecins c'est totalement différent, on est reconnues à notre juste valeur". Un "bon métier", qui rapporte, selon le poste occupé, 30 à 50% de plus qu'en France.
Gardes obligatoires et paperasse
Mais il y a aussi un revers à la médaille car au Québec tout n'est pas rose non plus pour les infirmières. Le gros point noir réside dans le temps supplémentaire obligatoire à l'hôpital avec des gardes obligatoires et imprévisibles. Une contrainte que n'a pas supporté Claire de Coninck. "Tu sais quand tu rentres au travail mais tu ne sais pas exactement quand tu en sors. S’il manque du personnel sur le shift suivant tu ne peux pas rentrer chez toi. C'est un peu parfois un sentiment de prise d'otage."
"Ici c'est la culture nord-américaine dans laquelle on recourt plus rapidement à l'aspect judiciaire quand il y a un enjeu, donc niveau paperasse ça fait des dossiers qui n'en finissent plus".
Claire de Coninck, infirmièrefranceinfo
Au Québec, la progression au sein d'un l'hôpital se fait par ailleurs à l'ancienneté. Si vous partez exercer ailleurs vous redémarrez donc au bas de l'échelle.
Malgré ces inconvénients, les infirmières françaises sont de plus en plus nombreuses à partir au Québec depuis que leur diplôme y est reconnu. 500 infirmières françaises sont parties cette année et en quatre ans le nombre de permis de travail délivrés a été multiplié par cinq. On compte au total 2 400 infirmières francaises et si le Québec se donne tant de mal à venir les chercher, c'est qu'elles ont aussi beaucoup de qualités explique Viviane Fournier, professeur en sciences de la santé à l'Université du Québec en Abitibi-Temiscamingue
"On est toujours impressionnés par leur corpus de connaissances, elles sont très appréciées dans les équipes de soin, elles ont beaucoup de leaderships et ont accès souvent à des postes de conseillères, d'infirmière-chef, parce qu'elles ont cette confiance et cette solidité professionnelle".
Viviane Fournier, professeur en sciences de la santé à l'Université du Québecà franceinfo
Au Québec, les infirmières ont beaucoup de possibilités d'évolution. Malou Leroy a monté son entreprise, Claire de Coninck aussi, avant de travailler dans une clinique en oncologie et Desborah Desmare va bénéficier d'une bourse d'un an pour se former en neurologie, un rêve qu'elle n'aurait pas pu réaliser en France.
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