: Reportage "Il y a un danger pour le maillage officinal" : les pharmaciens manifestent devant le ministère de la Santé
La manifestation a jonglé entre les averses et les éclaircies. La mobilisation est importante : 70 à 90% des pharmacies sont fermées jeudi 30 mai. Certaines officines ont dû être réquisitionnées par les autorités de santé.
Les pharmaciens réclament d'abord au gouvernement l'élaboration d'un plan de lutte contre les pénuries de médicaments. L'an dernier, plus de 5 000 ruptures ou tensions d'approvisionnement ont été constatées. Un chiffre en augmentation, regrette Sonia Jouve, représentante du syndicat USPO : "Les pharmaciens n'en peuvent plus de passer des heures et des heures chaque semaine à trouver des médicaments à leurs patients."
"En moyenne, on y consacre une dizaine d'heures par semaine dans chaque officine, c'est énorme."
Sonia Jouve, représentante du syndicat USPOà franceinfo
"Il y a quand même certains grossistes qui ont des boîtes le matin ou le soir sur lesquelles tout le monde se rue, raconte Sophie Juve. On appelle nos confrères, qui peuvent en avoir. Et on a aussi la possibilité d'appeler les laboratoires directement pour savoir si c'est une rupture longue. Donc ça fait beaucoup de travail."
Difficultés financières
Ils ont beaucoup travaillé pendant le Covid et ils ont gagné de l'argent en conséquence. Mais aujourd'hui, nombre des 20 000 pharmacies de France sont en difficulté financière : une pharmacie ferme presque tous les jours. Pourquoi ? C'est le contrecoup de l'inflation depuis deux ans et aussi de la politique du prix du médicament, selon Philippine Omont, pharmacienne dans l'Oise. "Ces prix-là baissent chaque année. La marge des médicaments diminue, donc notre marge aussi. Il faut savoir aussi qu'il y a une revalorisation des salaires qui a été faite depuis le Covid, ce qui est très bien pour les salariés, mais qui met à mal les caisses de pharmacie. Il y a un moment où l'argent, il faut bien qu'il vienne de quelque part."
Avec cette manifestation, les pharmaciens espèrent faire pression sur l'Assurance-maladie, avec qui ils négocient depuis plusieurs mois la hausse de leurs honoraires, c'est à dire du montant qu'ils touchent sur chaque ordonnance de médicaments traités dispensés.
La crainte de déserts pharmaceutiques
Les pharmaciens craignent que le gouvernement facilite la vente de médicaments sur internet. Et puis, ils craignent aussi l'arrivée des grands groupes financiers dans le secteur, explique Béatrice Clairaz, pharmacienne dans les Hauts de Seine : "On voit bien ce que ça a donné avec les laboratoires de biologie. On voit aussi ce que ça a donné dans les Ehpad, avec des fonds privés. C'est une logique de rentabilité, plus du tout sur une logique de santé publique. Donc il y a un danger pour le maillage officinal. Il y a un danger pour la santé des patients."
Des officines en danger alors qu'il existe en effet encore un important maillage territorial en France, que le pharmacien reste souvent le seul professionnel de santé de proximité. Les pharmaciens ne veulent pas que la France devienne un pays de déserts pharmaceutiques, comme il est devenu déjà un pays de déserts médicaux.
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