Greffes de rein : nouvel appel pour le remboursement d'un médicament anti-rejet
Jean-Pierre, 70 ans, a été greffé à trois reprises. Depuis 30 ans, il enchaîne les traitements à base d'immunosuppresseurs pour éviter le rejet du rein. Mais, il a dû mal à supporter les effets secondaires. "Au fil du temps, les effets secondaires de certains médicaments du fait de leur puissance mais aussi de la durée font que j’ai été amené à être obligé de les abandonner. Le dernier épisode : ça a été douze mois de dérangements intestinaux majeurs. J’avais perdu énormément de poids et de force."
Mais, une nouvelle molécule anti-rejet pourrait changer la donne. Contrairement au traitement classique, le belatacept est dispensé par voie intraveineuse à l’hôpital. Moins contraignant pour les malades, il serait aussi plus efficace.
L'association de patients Renaloo et la Société francophone de transplantation (SFT) précisent avoir décidé d'alerter la ministre de la Santé, Marisol Touraine, déjà sollicitée en 2013, à la suite de la publication d'une nouvelle étude sur le belatacept, parue fin janvier 2016 dans la revue médicale New England Journal of Medicine.
"Le belatacept fait partie des trop rares médicaments qui permettent aux patients transplantés rénaux de vivre sans rejeter leur rein greffé, d'échapper à la dialyse, à ses contraintes et à ses surcoûts", déclarent-ils le 5 février dans un communiqué. Le ministère de la Santé a indiqué néanmoins que "ce produit est d’ores et déjà disponible dans certains établissements de santé" où il est remboursé.
Les médicaments coûteux, comme le belatacept (le Nulojix® du laboratoire BMS- Bristol-Myers Squibb) peuvent faire l'objet d'un financement spécifique, en plus du forfait greffe. Ce dernier financement n'est accordé qu'avec l'aval de la Haute Autorité de santé (HAS) si elle estime que le médicament correspond à une innovation, c'est-à-dire qu'il apporte quelque chose de nouveau par rapport à d'autres traitements existant. "Cela n’a pas été le cas de ce médicament jusqu'ici", rappelle le ministère.
Un médicament plus efficace
Mais "le laboratoire a fait part de nouvelles données scientifiques sur l’efficacité de ce traitement" et a "indiqué qu’il allait solliciter un réexamen de son dossier par la Haute Autorité de santé", indique-t-on dans l'entourage de Marisol Touraine. "La ministre souhaite que cette réévaluation se fasse rapidement", ajoute-t-on de même source.
L'étude montre que les patients sous belatacept, approuvé en 2011 par l'agence américaine FDA (Food and Drug Administration), avaient un taux de mortalité et de perte du rein du greffé (greffon) significativement plus bas (moins 43%) que ceux ayant reçu des traitements anti-rejet standard à base d'inhibiteurs de la calcineurine (ICN), comme la ciclosporine.
Pour Renaloo et la SFT, le médicament est de surcroît bien toléré et ne provoque pas autant d'effets secondaires cardiovasculaires que les autres médicaments antirejets. "Pour ceux qui pourraient en bénéficier, il est estimé qu’il permettrait de prolonger la survie des greffons rénaux d’environ deux ans", soit quinze ans au total contre treize actuellement.
En réduisant le nombre de patients devant être retransplantés et de ce fait le nombre de malades en attente de greffe, il pourrait également faire gagner, in fine, à la Sécurité sociale environ 70.000 euros par patient, souligne l'association de patients.
Dans leur lettre à Mme Touraine, Renaloo et la SFT font valoir que ce médicament est "d'ores et déjà pris en charge dans de très nombreux pays, parmi lesquels l’Allemagne, la Suède, la Norvège, la Suisse, l’Autriche, l’Irlande, la Finlande, le Danemark ou les Etats-Unis".
Etude de référence : "Belatacept and Long-Term Outcomes in Kidney Transplantation", N Engl J Med 2016; 374:333-343, January 28, 2016, DOI: 10.1056/NEJMoa1506027
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