Enfance maltraitée : "A la moindre suspicion, il faut appeler le 119"
A Reims, un homme de 34 ans a été poursuivi pour "non-dénonciation de mauvais traitements" suite à la mort, en 2016, chez ses voisins d’un petit garçon de 3 ans, décédé sous les coups de son beau-père. Il a finalement été relaxé mardi 22 octobre par le tribunal correctionnel.
Alerter en cas de suspicions de maltraitances d’enfants en faisant appel aux bons interlocuteurs peut sauver des vies. Selon un sondage de l’association l’Enfant Bleu, qui vient en aide aux enfants victimes de maltraitance et d’adultes qui ont été maltraités dans leur enfance, 80% des victimes n’en ont jamais parlé. Et 60% des personnes qui ont soupçonné des maltraitances d’enfants dans leur entourage n’ont pas agi, parfois par manque d’informations. Laura Morin, directrice nationale de l’Enfant Bleu nous explique les bons réflexes à avoir.
Quels sont les signes qui doivent faire craindre un cas de maltraitance d’enfant ?
Laura Morin : Il y a plusieurs sortes de maltraitances. Les violences physiques, les violences sexuelles, les violences morales et les négligences graves. Les voisins, comme dans le cas qui a été jugé à Reims, sont le plus souvent en mesure de s’apercevoir de violences physiques et morales. Un enfant qui pleure énormément ou de manière très particulière, cela doit alerter. En entendant les pleurs d’un enfant terrorisé ou à qui on fait subir des choses difficiles, des cris ou des bruits anomaux, on a généralement l’intuition que la situation n’est pas normale. Et si ce sont des scènes qui se répètent, il faut se mobiliser tout de suite pour éviter les drames. Pas des mois après.
Un voisin est-il légitime pour intervenir ?
Oui, tout à fait ! Une personne qui appartient au cercle éloigné de l’enfant peut lui venir en aide et être un adulte protecteur. Pour un sondage, nous avons demandé à des personnes qui avaient constaté ou soupçonné des violences sans agir pourquoi ils n’avaient rien fait. 18% d’entre eux estimaient que cela ne les regardait pas. Cette idée, malheureusement, persiste. Des professionnels (infirmières, institutrices...) peuvent aussi détecter des changements radicaux de comportement chez les enfants, ce qui est éventuellement un signe de maltraitances sexuelles ou morales. Après, passer à l’action et alerter peut faire peur, c’est compréhensible.
Comment agir ?
Pas en se rendant chez les parents. C'est le reflexe de beaucoup de personnes car elles ne sont pas informées, mais c'est une mauvaise idée. On ne sait pas toujours qui est derrière la situation problématique et il ne faut pas se mettre en danger. Et puis, cela peut entraîner des représailles pour l’enfant. Le parent peut lui dire des choses comme "tu vois, à cause de toi, on nous entend jusque que chez les voisins !". Si on entend des cris, des coups, et qu’on agit "sur le coup", il faut appeler la police (17) pour une intervention immédiate. Si, en revanche, on se décide dans une situation de récurrence, entre deux crises, le bon réflexe est d’appeler le 119 ou une association comme la nôtre.
Quelles sont les suites quand on appelle le 119 ou une association de protection de l’enfance ?
Un écoutant fait le point avec la personne qui appelle et lui donne la marche à suivre. Dans l’idéal, nous incitons les gens à faire eux-mêmes un signalement au procureur ou une information préoccupante aux services sociaux, en fonction de cas. Parce que ce sont eux qui sont témoins et dépositaires de ce qui se passe. Même si nous pouvons les accompagner dans la rédaction des documents. Si la situation l’exige parce que les appelants ont peur pour leur intégrité physique, nous pouvons le faire nous-mêmes. Ensuite, il y a une enquête : la justice ou les sévices sociaux font des vérifications.
Certaines personnes n’osent pas alerter car elles ont peur de se tromper et de faire imploser une famille pour rien…
C’est la raison majeure de non-action. Il faut cependant parler au moindre soupçon de maltraitance. Les gens s’imaginent souvent que s'ils alertent, l’enfant va être retiré à sa famille et placé. Mais si après enquête il s’avère qu’il n’y a pas de problème, il ne se passera rien ! Et si il y a effectivement un problème, le placement de l’enfant n’est pas la seule solution.
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