"Trois petits cochons" et quatre choses à savoir sur l'implant cérébral testé par Neuralink, la start-up d'Elon Musk
L'entreprise américaine teste une puce connectée à portée médicale sur des truies. A terme, cette technologie pourrait aider à redonner la parole et la mobilité à des personnes paralysées.
C'est l'histoire de trois petits cochons, ou plutôt trois petites truies, sur lesquelles souffle un vent de science-fiction. La première, Gertrude, porte dans son cerveau un implant informatique connecté. La deuxième, Dorothy, en avait un, mais n'en a plus. La troisième, Joyce, n'en a pas. Toutes les trois sont au cœur d'une expérimentation scientifique menée par la start-up Neuralink, détenue par Elon Musk. Le milliardaire tourné vers le futur (Tesla, Space X) a présenté vendredi 28 août les dernières avancées de son projet de "cerveau connecté".
Annoncé en juillet 2019, son plan consiste à "réaliser une sorte de symbiose avec l'intelligence artificielle" en implantant une interface technologique dans le cerveau humain. "C'est comme une Fitbit (montre connectée) dans votre crâne", s'est enthousiasmé Elon Musk, lors de sa conférence diffusée sur YouTube. L'un des objectifs de cette présentation était de séduire de nouvelles recrues : ingénieurs, chirurgiens, chimistes ou encore spécialistes de la robotique, puisque l'entreprise Neuralink ne compte aujourd'hui qu'une centaine de personnes (et vise à terme 10 000 salariés). Franceinfo vous résume ce qu'il faut savoir sur cet implant cérébral qui pourrait révolutionner la science et la médecine.
1Une puce de la taille d'une petite pièce
À l'origine, l'interface devait prendre la forme de minuscules électrodes implantées dans le cerveau et reliées à un appareil situé sur le crâne, à proximité de l'oreille, lequel faisait le lien avec un ordinateur. Le prototype présenté en 2020 par Neuralink a évolué vers une solution plus intrusive : les minuscules fils des électrodes et le boîtier ont été remplacés par une puce, de la taille d'une petite pièce de monnaie, qui doit être implantée à l'intérieur le crâne. Elle mesure 23 mm de diamètre et 8 mm d'épaisseur.
L'implant ressemble à une petite pile qui fonctionne avec la technologie Bluetooth pour communiquer avec l'ordinateur. Sa pose doit être facile, a assuré Elon Musk, et surtout "réversible". L'entrepreneur a expliqué qu'il s'agissait d'une opération très légère, sans passer par l'hôpital et réalisée en moins d'une heure, sans anesthésie générale. L'incision et la pose seraient réalisées par un robot chirurgical de pointe, pensé par Neuralink, qui ne laisserait qu'une petite cicatrice dans le cuir chevelu.
L'implant est rechargeable par induction, c'est-à-dire par un transfert d'énergie sans fil, via des ondes électromagnétiques. La puce pourra être rechargée de nuit, grâce à un appareil semblable à un pommeau de douche posé à proximité du crâne. Les recherches vont continuer pour sécuriser le dispositif : la puce connectée doit être protégée contre d'éventuelles perturbations externes et internes et sa communication avec un ordinateur (ou un smartphone) doit être inviolable.
2Un équipement testé sur des truies
Gertrude est équipée d'un prototype de l'appareil. L'implant lui a été posé il y a deux mois, a précisé Elon Musk, et la puce est reliée au museau de l'animal. Au cours de l'expérimentation, Gertrude circulait dans son enclos, reniflant le sol et mangeant. Des actions observées en direct par l'apparition de pics neuronaux sur un écran. Dorothy a aussi reçu un implant, qui lui a été retiré, afin de montrer que l'opération était réversible. Joyce qui n'a reçu aucun implant, a fait office de cochon-étalon.
Pourquoi des truies ? "Les porcs sont en fait assez similaires aux humains. Si nous voulons comprendre comment cela fonctionne sur les gens, alors les porcs sont un bon choix", a expliqué Elon Musk lors d'une séance de questions-réponses. "Si le dispositif est durable pour un cochon, comme ici, où il est en place depuis deux mois et est solide, alors c'est un bon signe."
A quand des tests chez l'homme ? La Food and Drug Administration (FDA), qui régule, entre autres, la commercialisation des médicaments aux Etats-Unis, a désigné cette nouvelle technologie comme un "dispositif révolutionnaire", rapporte le site américain The Verge (en anglais). Elon Musk a annoncé lors de sa conférence que Neuralink venait d'obtenir l'approbation des autorités sanitaires pour des tests sur l'homme, sans préciser d'horizon pour les premières implantations. En juillet 2019, Elon Musk les promettait pour 2020. Il lui faudra encore patienter.
3Rendre la parole et la mobilité aux personnes paralysées
L'objectif principal de ces recherches est médical : Elon Musk souhaite aider les personnes qui souffrent de graves dommages neurologiques ou de la colonne vertébrale. La puce implantée dans le cerveau de Gertrude retransmet ses signaux neurologiques. À partir de ces informations, un ordinateur est capable de prédire à tout instant où se trouvent chacun de ses membres. En cas de lésion à la moelle épinière, une autre puce pourrait être implantée à l'endroit de la blessure et faire bouger un membre paralysé en contournant les circuits de transmission neurologiques endommagés, espère Neuralink.
De quoi créer l'espoir de rendre la mobilité ou la parole aux personnes paralysées. "Sur le long terme, je suis certain qu'on pourra retrouver l'usage complet de son corps", a assuré Elon Musk, qui imagine la possibilité pour les paraplégiques de contrôler un jour leur corps, via leur smartphone ou par télépathie.
4L'interface cerveau-machine, pas une nouveauté
Si cette technologie doit servir dans un premier temps à traiter les maladies neurologiques, l'objectif à long terme est d'élargir les fonctions de ces implants. La puce connectée pensée par Elon Musk devrait permettre de créer une "symbiose avec l'IA". L'équipe de Neuralink rêve ainsi, entre autres, de soulager des douleurs extrêmes, guérir des addictions et créer une forme de télépathie. Ces avancées pourraient également permettre à des personnes fortunées de doter leur cerveau d'une puissance nouvelle, informatique.
Elon Musk a aussi affirmé qu'il serait possible, à terme, de stocker ses souvenirs sous forme numérisée, dans une référence à un épisode de la série futuriste (et anxiogène) Black Mirror. "Vous pourrez sauvegarder vos souvenirs, et aussi potentiellement les télécharger dans un autre corps ou dans un robot", a-t-il affirmé. "Le futur va être bizarre".
Les projets d'Elon Musk suscitent le scepticisme dans la communauté scientifique, au sein de laquelle certains doutent des véritables avancées de Neuralink sur le terrain des implants. L'idée d'une interface cerveau-machine n'est pas nouvelle : depuis des décennies, des équipes scientifiques travaillent sur le sujet. Des implants cérébraux sont ainsi testés pour soigner la maladie de Parkinson en contrôlant les tremblements. De nombreuses entreprises mènent des projets équivalents à celui de Neuralink. Facebook finance, par exemple, un projet cherchant à traduire en mots l'activité du cerveau, via des algorithmes, afin de rendre la parole aux personnes rendues muettes à cause de maladies neurodégénératives.
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