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Mégalomanie, susceptibilité et caprices : on s'est plongé dans la face sombre d'Elon Musk

Habitué des coups d'éclat sur les réseaux sociaux, Elon Musk s'est empêtré dans une nouvelle polémique. Une de plus pour cet entrepreneur qui, sous couvert d'ambition et de révolution technologique, cache quelques défauts. 

Article rédigé par franceinfo - Lison Verriez
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Elon Musk, lors du 67e Congrès international d'astraunotique, à Guadalajara au Mexique, le 27 septembre 2017. Le patron de SpaceX a annoncé pouvoir envoyer les premiers humains coloniser la planète Mars, dès 2024. (REFUGIO RUIZ / SIPA / AP)

Elon Musk rêve de nous emmener sur Mars. De créer un train en lévitation, capable d'aller jusqu'à 1200 kilomètres par heure. De lancer le tourisme dans l'espace. De recycler les appareils utilisés pour les lancements de fusées... Elon Musk, à la tête de Tesla et SpaceX, n'en finit pas de réfléchir à des projets toujours plus fantasques. Roi des "coups de com" ou visionnaire ? Semaine après semaine, les idées du "serial entrepreneur" font les choux gras de la presse. Mais au-delà de ses rêves de grandeur, de plus en plus de critiques s'élèvent contre le génie du milieu de la "tech", pour dénoncer sa part d'ombre. 

Objectif Mars

Elon Musk a inspiré le réalisateur des films Iron Man, pour le personnage du milliardaire Tony Stark : un entrepreneur, inventeur de génie et super-héros à ses heures. Ca tombe bien : dans la vraie vie, Elon Musk adorerait enfiler ce costume.

Les héros qui m’ont fait rêver étaient des gens qui voulaient changer le monde.

Elon Musk

Ce leitmotiv a toujours porté le milliardaire de 47 ans. Lorsqu'il commence à capitaliser sur la conquête spatiale et l'innovation technologique, l'entrepreneur n'a qu'un objectif en tête : Mars. "Si je me suis lancé dans le spatial, c'est uniquement pour aller sur Mars. SpaceX est un moyen d'atteindre ce but", explique-t-il dans Paris Match. Et Elon Musk ne veut pas se contenter pas d'un simple aller-retour.

Lui, souhaite coloniser la planète rouge pour sauver l'humanité : "En devenant une espèce multiplanétaire, l'humanité s'épargnerait le risque qu'un seul événement, naturel ou qu'elle aurait elle-même causé, la fasse disparaître de la surface terrestre comme c'est arrivé pour les dinosaures". Il caresse le rêve d'envoyer des humains sur Mars dès 2024, grâce à son lanceur Big Falcon Rocket, surnommé la "Big fucking rocket" ("la putain de grosse fusée"). "Elon Musk est assez génial, parce qu'il a une audace incroyable", estime Francis Rocard, astrophysicien au Cnes, à franceinfo.

Le péché de l'orgueil

Mais ses annonces tonitruantes et son ambition démesurée poussent certains spécialistes à la prudence, voire même au scepticisme. "Sur le court terme, SpaceX c'est du sérieux, mais sur le long terme, c'est beaucoup plus hasardeux", nuance ainsi l'astrophysicien.

Quand il dit qu'il va coloniser Mars, de manière définitive, je n'y crois pas une seconde. Ceux qui vont aller sur mars seront complètement dépendants de ce que la Terre leur enverra. Cette idée d'une colonisation définitive me paraît plus proche de la science-fiction que de la réalité.

Francis Rocard, astrophysicien

à franceinfo

Qu'importe : Elon Musk aime faire parler de lui. "Pour moi, il est comme Terminator. Il fixe son regard sur quelque chose et lance : 'Ce sera à moi'", confiait (article en anglais) son ex-femme Justine Musk dans la biographie Elon Musk : l'entrepreneur qui va changer le monde (éditions Eyrolles)Dernièrement, c'est en Thaïlande, où personne ne l'avait réclamé, que son regard s'est posé. 

10 juillet 2018. Cinq adolescents thaïlandais sont encore prisonniers de la grotte inondée dans laquelle ils sont bloqués depuis le 23 juin. Alors que de nombreux secouristes travaillent d'arrache-pied depuis plusieurs jours, permettant à huit enfants de sortir la grotte, Elon Musk débarque en Thaïlande. Dans ses bagages, un prototype de sous-marin qu'il souhaite prêter aux secouristes. L'entrepreneur se filme sur place et insiste pour que les sauveteurs utilisent son invention. Le prototype ne sera finalement d'aucun secours, les enfants ayant été sortis par d'autres moyens.

Pour Vernon Unsworht, spéléologue britannique qui a participé aux recherches, l'entrepreneur a voulu faire un nouveau "coup de pub". Dans une interview à la chaîne américaine CNN, le spécialiste a ainsi estimé que son plan de sauvetage n'avait "absolument aucune chance de fonctionner" avant de lancer à Elon Musk qu'il pouvait "coller son sous-marin là où ça fait mal". Piqué au vif, le milliardaire n'a pas manqué de réagir dans plusieurs tweets assassins. Dans l'un d'eux, effacé depuis, il qualifiait ainsi Vernon Unsworth de "pédophile". Une réponse violente qui lui a valu de vives critiques, certains s'interrogeant sur sa capacité à diriger une entreprise. 

Des frasques qui lui coûtent cher 

Il faut dire que le médiatique patron a multiplié les controverses ces derniers mois. En mai, Elon Musk s'est attiré les foudres du milieu financier pendant une conférence téléphonique sur les résultats de Tesla. Alors qu'on lui demandait des éclaircissements sur les besoins de financement de sa société, Elon Musk a répondu laconiquement : "Excusez-moi, au suivant, au suivant. C'est ennuyeux, les questions stupides ne sont pas cools." Cette attitude lui a coûté près de deux milliards de dollars (1,71 milliards d'euros environ) en une après-midi.

Car, à chaque nouvelle frasque, l'action de Tesla chute : après l'épisode de la grotte thaïlandaise, elle a dévissé de 2,75% à Wall Street. Dans une lettre ouverte adressée au chef d'entreprise à son retour de Thaïlande, Gene Munster, analyste chez le fonds d'investissement Loup Ventures, estime que l'entrepreneur "a dépassé les bornes"

Ces six derniers mois, il y a eu beaucoup d'exemples de comportement inquiétant qui ébranlent la confiance des investisseurs. [...] Ton comportement alimente une perception néfaste de ton leadership – susceptible et irascible.

Gene Munster, analyste chez Loup Ventures

dans une lettre ouverte

Irascible, et surtout susceptible. Plusieurs clients qui avaient commandé des voitures Tesla ont ainsi vu leur commande annulée... par le PDG en personne. C'est ce qui est arrivé, en 2016, au blogueur Stewart Alsop, après sa critique d'un événement organisé en l'honneur de la Tesla Model X, raconte le site Mashable (en anglais).

La comparaison avec Donald Trump

Outre les clients ou les investisseurs, les journalistes pâtissent aussi des caprices du milliardaire. Récemment, la médiatisation de plusieurs accidents provoqués par des voitures Tesla, a ainsi provoqué la colère du patron qui a annoncé, le 23 mai, sa volonté de créer un "site où le public pourra évaluer la vérité de n'importe quel article et établir un score de crédibilité pour chaque journaliste, éditeur ou publication". Site qu'il souhaiterait appeler "Pravda"("vérité" ou "justice" en russe)... soit le nom d'un journal bien connu de la propagande du Parti communiste sous l'URSS. 

"Musk continue sa lente transformation en figure d'appât à médias comme Trump, hurlant irrationnellement à propos des fake news", s'exaspère sur Twitter Andrew Hawkins, journaliste pour The Verge. Il n'est pas le seul à tenir la comparaison. La communication d'Elon Musk, qui se joue beaucoup auprès de ses 22 millions d'abonnés sur Twitter, et ses extravagances sont souvent comparées à celle du président des Etats-Unis. Elon Musk a d'ailleurs été conseiller éclair du président, avant de prendre ses distances lorsque Donald Trump a retiré les Etats-Unis de l'accord de Paris sur le climat. 

Pas de pause pipi pour les salariés

Les critiques viennent aussi de certains salariés. Car le milliardaire, ambitieux et exigeant, en demande beaucoup aux employés de Tesla ou SpaceX, leur imposant des cadences rudes. 

Il se fixe des objectifs fous, je serais son n-1, je serais stressé. Il annonce, demande aux gens de SpaceX de le faire et derrière, la réalité technique pousse à dire que tout n'est pas possible.

Francis Rocard, astrophysicien

à franceinfo

Dans la biographie parue sur le milliardaire, Kevin Brogan, ancien de la maison, raconte qu'Elon Musk "est capable de mentir effrontément à propos des délais. Il indique la chronologie la plus ambitieuse qu'on puisse imaginer en présumant  que tout ira bien, puis il la raccourcit encore en considérant que tout le monde peut travailler plus dur". Les salariés peuvent travailler jusqu'à 90 heures par semaine pour les besoins d'un projet ou quand le calendrier est serré. 

Musk réclame souvent des propositions très détaillées sur la réalisation des projets, des prévisions jour par jour, heure par heure et même des comptes à rebours minute par minute. Il fallait même demander la permission pour aller aux toilettes.

Kevin Brogan, ancien de SpaceX

dans la biographie d'Elon Musk

Interrogé sur ses méthodes de travail, Elon Musk se défend de "fixer des buts impossibles" notamment parce qu'il les estime "démotivants". En revanche, il reconnaît, dans sa biographie, avoir "toujours été optimiste sur les délais. J'essaie de me recalibrer pour être un peu plus réaliste". 

"Un visionnaire investi" 

Mais cette exigence, décriée par certains, ne décourage pas tout le monde. Nombreux sont ceux qui acceptent de jouer le jeu des horaires lourds, des délais improbables et de la pression pour travailler aux côtés d'Elon Musk. La Française Sibylle Delaporte en fait partie. Pour cette ancienne de SpaceX, contactée par franceinfo, les conditions de travail ne dénotaient pas dans le milieu de l'astrophysique.

Il impose un rythme. Il y en a qui arrivent plus ou moins bien à le suivre. C'était difficile, mais je savais que le jour où ça ne me convenait plus, je pouvais rentrer en France.

Sibylle Delaporte, ancienne employée de SpaceX

à Franceinfo

Si c'était à refaire, Sibylle Delaporte foncerait sans aucune hésitation. Travailler pour Elon Musk, "c'est comme une aventure, et on a envie de la vivre à fond", assure-t-elle, dépeignant "un visionnaire, investi dans sa vision ambitieuse""A la fin, il arrive à faire des choses surprenantes", confirme l'astrophysicien Francis Rocard. Et "personne n'a envie d'être définitif" le concernant.

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