Une patiente retrouve l'usage de la parole après une greffe du larynx
"Mes filles ne m'avaient jamais entendue parler." Une femme a recouvert la voix après la première greffe de larynx en France, une intervention présentée lundi 20 novembre à Lyon par l'équipe médicale, qui espère pouvoir répéter cette "prouesse" prochainement. Identifiée sous son seul prénom, Karine, la patiente, s'était portée volontaire il y a dix ans, "pour retrouver une vie normale".
Agée de 49 ans, elle respirait par trachéotomie depuis une vingtaine d'années, sans pouvoir parler. En cause, des complications liées à une intubation après un arrêt cardiaque en 1996. Quelques jours après la greffe, elle a pu prononcer quelques mots. Elle suit depuis des séances de rééducation des cordes vocales, de la déglutition et de la respiration avec une orthophoniste, dans l'espoir de recouvrer durablement l'usage de la parole.
L'idée de cette intervention a germé lors de la première greffe mondiale de larynx, réalisée en 1998 à Cleveland (Etats-Unis), sur un homme qui avait perdu ses cordes vocales dans un accident de moto. Le professeur Philippe Céruse, actuellement chef du service ORL et chirurgie cervico-faciale de l'hôpital de la Croix-Rousse, rencontre en 2010 un confrère colombien qui a reproduit cette greffe très délicate. L'idée d'une greffe du larynx germe dans son esprit à ce moment-là.
Bientôt des greffes d'utérus et de pénis ?
Pendant la décennie suivante, le chirurgien s'entraîne avec une équipe d'experts, obtient les autorisations, commence à chercher des patients éligibles. En 2019, "Karine" est identifiée. Mais la pandémie de Covid-19 interrompt tout. Entre-temps, deux greffes du larynx sont recensées par la littérature médicale, une en Californie en 2010 et une en Pologne en 2015.
Finalement, le 1er septembre, l'intervention tant attendue a lieu en France. Elle durera 27 heures en cumulé, une dizaine pour le prélèvement et 17 pour la transplantation. Douze chirurgiens et une cinquantaine de personnels du CHU de Lyon ont participé à cette première sous la coordination du professeur Céruse et de son confrère Lionel Badet, chef du service d'urologie et de chirurgie de la transplantation de l'hôpital Edouard-Herriot.
Il faudra attendre une année complète pour s'assurer de la réussite définitive de la transplantation, mais le professeur Céruse "pense pouvoir dire qu'il y aura d'autres" greffes du larynx à Lyon. Le professeur Badet rappelle avoir participé à cette "aventure de la transplantation" qui s'ouvre à de nouvelles spécialités. Et de projeter qu'après les bras, les avant-bras et le larynx, ce serait le tour demain des "greffes d'utérus et de pénis".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.