Papillomavirus : "Les moyens dans les établissements pour pouvoir organiser la vaccination ont été compliqués à mettre en oeuvre", constate la porte-parole de la Société française de pédiatrie

Le ministre délégué chargé de la Santé a annoncé dimanche que "13 à 15%" des collégiens de 5e étaient vaccinés contre les papillomavirus, loin des 30% souhaités par le gouvernement.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Une infirmière injecte une dose de vaccin contre les papillomavirus dans un collège de Vern-sur-Seiche, près de Rennes, le 9 octobre 2023 [photo d'illustration]. (DAMIEN MEYER / AFP)

Pour Christèle Gras-Le Guen, professeure de médecine, cheffe de service de pédiatrie au CHU de Nantes, invitée dimanche 3 mars sur franceinfo, une des raisons qui explique les difficultés du gouvernement à atteindre ses objectifs concernant la vaccination contre les papillomavirus repose sur le fait que "les moyens dans les établissements pour pouvoir organiser cette vaccination" ont été "compliqués à mettre en œuvre". La porte-parole de la Société française de pédiatrie ajoute qu'il est encore "un peu tôt" et que "la marche est haute" compte tenu du fait qu'"on partait d'un taux extrêmement bas".

Dimanche, le ministre délégué chargé de la Santé et de la Prévention Frédéric Valletoux a annoncé que "117 000 collégiens de 5e" étaient vaccinés contre les papillomavirus, soit "13 à 15 %" d'entre eux contre 30 % souhaités par le gouvernement. Frédéric Valletoux a précisé que cet objectif a été fixé sur la base d'une "expérimentation menée dans la région Grand Est", où au bout de deux ans, ce taux de 30 % avait été atteint.

franceinfo : Selon vous, pourquoi est-on si loin de l'objectif initial du gouvernement ?

Christèle Gras-Le Guen : Il y a plusieurs raisons qui expliquent cela. La première c'est qu'on avait un objectif de 30 % en lien avec des résultats d'une expérimentation précédente mais qui était un objectif à deux ans. Donc là, c'est un peu tôt pour pouvoir prétendre arriver d'emblée à 30 %. L'autre raison, je pense, c'est qu'on partait d'un taux extrêmement bas dans la population puisque, spontanément, les parents n'avaient pas l'habitude jusqu'alors de protéger leurs enfants et leurs adolescents contre ce virus. Donc la marche est haute.

Est-ce la communication du gouvernement sur ce sujet vous a semblé suffisante ?

Il y a eu une communication importante au moment de la rentrée des classes pour sensibiliser les élèves et les familles. En revanche, ce qui a été compliqué à mettre en œuvre, ce sont les moyens dans les établissements pour pouvoir organiser cette vaccination : avoir les salles, les chaises, le matériel. Il faut probablement un peu plus de temps pour pouvoir avoir un rythme de croisière qui permette de vacciner autant d'enfants qu'on le souhaite.

Il semble également que l'enseignement privé n'ait pas joué le jeu, c'est en tout cas ce que dit la CGT de ce secteur, qu'en pensez-vous ?

Dans des sujets de santé comme celui de protéger contre un virus qui donne le cancer, c'est compliqué d'entendre que les positions puissent être différentes selon le type d'établissement. Qu'aujourd'hui, en 2024, en France, la position des établissements soit différente selon qu'il s'agisse d'un établissement public ou privé, c'est quelque chose qui n'est absolument pas acceptable. C'est un point sur lequel j'espère qu'on va pouvoir progresser et que tous les enfants, quel que soit le type d'établissement dans lequel ils sont scolarisés, puissent se voir offrir cette vaccination, ça me paraît une évidence.

Pensez-vous qu'il y ait un problème antivax ?

On est dans un pays vaccino-sceptique, on le sait mais en aucun cas des idéologies religieuses doivent être mises en avant pour protéger contre un cancer, quel que soit ce type de cancer. Il faut distinguer ce qui relève du religieux et des convictions avec ce qui relève de la santé publique. Ce sont des sujets sur lesquels aujourd'hui il faut probablement avancer. Je rappelle qu'il s'agit d'un virus qui petit à petit va créer des lésions - au niveau génital en particulier - qui peuvent donner lieu à des cancers, 10 ou 15 ans plus tard. Des pays avant-gardistes comme l'Australie, par exemple, sont en passe d'éradiquer le cancer du col utérin avec une approche basée sur la vaccination et le dépistage. Aujourd'hui en France, on a 20 ans de retard. Il faut qu'on arrive à inverser cela parce que les enfants français ont aussi le droit à ces innovations et progrès en matière de santé.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.