Conquête de Mars : la course des robots est lancée
Alors que les missions vers la planète rouge se multiplient, l'objectif d'une mission humaine n'a jamais été aussi proche. L'occasion pour l'Agence spatiale européenne de montrer à la Nasa de quoi elle est capable.
L'Europe à la conquête de Mars, c'est parti. La sonde russo-européenne ExoMars 2016 s'apprête à quitter le sud de la France pour rejoindre le site de Baïkonour au Kazakhstan, a annoncé l'ESA mercredi 25 novembre. Son lancement vers la planète rouge est prévu pour mars 2016, au même moment que le décollage annoncé du robot américain InSight, développé par la Nasa. Francetv info revient sur le combat entre les deux robots martiens développés de part et d'autre de l'Atlantique.
Deux dispositifs à l'apparence similaire...
Si la coïncidence entre les dates de décollage des deux dispositifs peut paraître symbolique, elle est néanmoins facilement explicable. "La fenêtre de décollage pour un temps de trajet optimisé n'est pas longue", explique Pierre Bousquet, chef de projet de la contribution française, qui s'amuse d'une telle comparaison. "Il faut tirer profit de l'orbite de Mars par rapport à celle de la Terre pour rendre le trajet le plus court possible".
Mises côte à côte, les capsules partagent les mêmes lignes, en forme de cône, pour entrer facilement dans l'atmosphère, comme le montrent les images ci-dessous.
"De loin, on pourrait penser qu'elles sont semblables", constate le chercheur du centre spatial français. "Cette forme de soucoupe est utilisée par les Américains depuis longtemps, mais c'est une première pour nous."
Baptisé Schiaparelli, le module européen permettra de tester les phases d'entrée dans l'atmosphère, de descente et d'atterrissage sur Mars, en vue de préparer de futurs vols habités sur cette planète. "Nous avons donc prévu de nombreux capteurs disposés à l'arrière de la capsule, qui analyseront les réactions de frottement et d'échauffement à l'entrée de l'atmosphère martienne. Notre but est de maîtriser au mieux l'atterrissage." Pendant ce temps, sa sonde restera en orbite et assurera le relais de communication entre les deux planètes.
... mais aux ambitions opposées
Mais, là où les deux programmes diffèrent, c'est bien dans leurs objectifs. Côté américain, le programme est chargé : grâce à son alimentation par panneaux solaires, l'atterrisseur a deux ans pour mesurer le manteau martien ainsi que l'activité sismologique de la planète. Le but : en apprendre plus sur son histoire et sa formation.
De son côté, le dispositif de l'ESA, qui sera lancé par des fusées russes, n'a à son bord que de maigres batteries qui lui permettront de prendre des mesures relativement basiques pendant quatre jours consécutifs, avant de s'éteindre à jamais. Ici, l'objectif est surtout de mieux comprendre les rouages de l'atterrissage. Le budget de 1,2 milliard d'euros serait d'ailleurs bien inférieur à celui investi par la Nasa.
Car, si quelques appareils scientifiques sont bien embarqués à bord de l'atterrisseur européen, pour Pierre Bousquet, le but premier est de "montrer que l'Europe peut se poser seule sur Mars". "Les objectifs scientifiques sont présents, mais ne viennent que dans un deuxième temps", analyse le scientifique, qui tient d'ailleurs à tempérer la confrontation avec le programme des Etats-Unis : "Nous avons de nombreuses collaborations avec la Nasa. InSight embarque d'ailleurs plusieurs appareils de mesures européens, dont le fameux sismomètre, sur lequel nous travaillons au Cnes. Ils transportent nos appareils, mais les Américains aiment bien garder les clés du camion."
Prévu pour la fin 2016, l'atterrissage de la capsule d'ExoMars serait donc une première européenne. "Nous gardons les marques de l'échec de Beagle, en 2004, avec lequel on avait perdu contact avant de toucher le sol martien", se souvient le chercheur.
Une deuxième mission en 2018
La mission européenne ExoMars se déroule en deux étapes. Une deuxième étape prévoit l'envoi, en mai 2018, également par une fusée russe Proton, d'un robot européen capable de se déplacer de manière autonome, qui doit atterrir sur Mars en janvier 2019. Il sera équipé d'une foreuse qui lui permettra de prélever des échantillons de terrain jusqu'à une profondeur de 2 mètres et d'analyser leurs propriétés chimiques, physiques et biologiques.
"L'espoir de l'ESA est d'envoyer un signal aux Etats-Unis pour montrer que nous sommes techniquement prêts à contribuer pleinement dans un projet à grande échelle", explique Pierre Bousquet, comme celle de rapporter sur Terre des échantillons prélevés sur Mars.
Si tout se passe comme prévu, la communauté spatiale pourrait être en mesure d'atteindre cet objectif d'ici à la fin des années 2020. De nombreuses questions restent néanmoins sans réponse : comment refaire atterrir le module sans encombre sur la planète Terre ? Mais, surtout, les échantillons rapportés peuvent ils mettre en danger l'humanité ?
C'est cette dernière interrogation qui obsède Pierre Bousquet. "Nous n'avons pas trouvé de traces de vie martienne. Mais qui nous dit que cela n'est pas du tout le cas ? Actuellement, nous sommes plus inquiets de contaminer la planète Mars avec nos appareils, mais l'inverse pourrait se produire. Nous devons donc être certains que nous pouvons manipuler ces échantillons sans risque pour notre survie, c'est la condition ultime pour la réussite du projet."
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