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Mariage pour tous, recherche sur l'embryon : un seul combat ?

La loi autorisant la recherche sur l'embryon est débattue en ce moment à l'Assemblée nationale. A première vue, rien à voir avec le mariage pour tous. Sauf peut-être ces drôles d'hommes-embryons, ou ce débat parlementaire très virulent...

Article rédigé par Marion Solletty
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le collectif Un de nous organise un happening contre l'autorisation de la recherche sur l'embryon, le 11 juillet 2013 aux Invalides, à Paris. (FRANCETV INFO / MARION SOLLETTY)

Des costumes étranges, une chorégraphie qui ne l'est pas moins, beaucoup de membres d'Alliance Vita et un porte-parole nommé Tugdual Derville dans les parages : cela ne vous rappelle rien ? Jeudi 11 juillet, le happening organisé sur la pelouses des Invalides, à Paris, avait tout d'un rassemblement anti-mariage pour tous - à ceci près que l'homme-oiseau était remplacé par deux bonnes centaines d'hommes-embryons.

Attaqués par des médecins encagoulés armés de seringues, les manifestants-embryons se tordent de douleur avant de se relever au son de Résiste, de France Gall.

La scénographie a été mise sur pied par le collectif Un de nous, qui rassemble Alliance Vita, la fondation Lejeune, les Associations familiales catholiques et le Comité protestant évangélique. Elle dénonce la proposition de loi discutée au même moment non loin de là : le texte autorisant, sous conditions, la recherche sur l'embryon, de retour à l'Assemblée nationale après un torpillage en règle fin mars. Rien à voir à première vue avec ce que tous ici appellent "la loi Taubira". A moins que...

Des anti-mariage pour tous qui reprennent du service

Solange, Florence et Timothée, 25 ans tous les trois, sont venus ensemble jouer les embryons en danger, grimés d'un costume de papier blanc et d'un bonnet rouge - la ressemblance n'est pas frappante mais le déguisement est "symbolique", m'explique l'une des attachées de presse d'Un de nous, le collectif organisateur.

Ils étaient aussi à La Manif pour tous, mais s'énervent qu'on leur pose la question. "Ce sont deux sujets qui n'ont rien à voir ! Pourquoi vous mettez les gens dans des cases ?", lâche Timothée.

Anne-Marie, 37 ans, évoque elle sans difficulté son engagement dans les deux causes, qu'elle juge cohérent. "Ça relève d'une même démarche, d'un regard sur ce que nous sommes en temps qu'êtres humains", explique cette catholique pratiquante, également opposée à l'avortement. 

Anne-Marie, 37 ans, est venue jouer les "embryons symboliques" à l'appel de Un de nous, le 11 juillet 2013 à Paris. (FRANCETV INFO / MARION SOLLETTY)

Un débat moins grand public, mais tout aussi électrique

Ces militants ne sont pas le seul transfuge de la lutte anti-mariage pour tous. Parmi les députés qui s'opposent au texte dans l'hémicycle, figurent des spécialistes des sujets de bioéthique comme Jean Leonetti (UMP), mais aussi des visages familiers pour ceux qui ont suivi le débat sur le mariage pour tous.

Marc Le Fur (UMP), opposant plutôt sanguin à l'ouverture du mariage aux couples de même sexe, Valérie Boyer (UMP), Philippe Gosselin ou encore Marion Maréchal-Le Pen (FN), tous sympathisants de La Manif pour tous, ferraillent contre le texte honni à coup d'amendements et de rappels au règlement. 

Le député des Côtes-d'Armor Marc Le Fur réclame un rappel au règlement lors du débat sur le mariage pour tous, le 7 février 2013 à l'Assemblée nationale, à Paris. (PIERRE VERDY / AFP)

En face, les rangs de la gauche sont juste assez remplis pour mettre en minorité ces hérauts de la défense de l'embryon, qu'on laisse parler en feuilletant les journaux d'un air distrait. Rien ne les exaspère tant que les réponses laconiques de la rapporteure du texte, la radicale de gauche Dominique Orliac, et de la ministre de la Recherche, Geneviève Fioraso, régulièrement huées.

Les opposants reprochent au gouvernement de vouloir faire passer le texte "en catimini", à deux semaines des vacances parlementaires, et dénoncent "l'absence de débat sur un sujet aussi fondamental"" Tout cela nous rappelle des débats vifs et récents et la méthode est malheureusement toujours la même", s'emporte Sophie Dion (UMP). Le groupe réclame des états généraux. 

Le sujet, il est vrai, est sensible et divise les spécialistes de la bioéthique : en janvier 2010, il avait conduit pour la première fois le Comité consultatif national d'éthique à publier un avis où les sages refusaient de trancher et affichaient explicitement leurs divisions.

Des opposants qui refusent de s'avouer vaincus

Comme sur le mariage des couples de même sexe, les opposants savent pourtant la bataille perdue. La loi sur le mariage pour tous a été votée, celle sur l'embryon, soutenue par l'ensemble de la majorité, devrait passer sans encombre l'étape du vote solennel, mardi 16 juillet.

Tout juste peuvent-ils exprimer leur frustration grâce à de longues heures d'obstruction parlementaire. "Il y a une réalité objective, c'est que nous sommes minoritaires, admet Marc Le Fur. Mais la défaite, ce n'est pas ça qui est grave en politique. Ce qui est grave, c'est de renoncer au combat." 

Sur la pelouse des Invalides, les militants-embryons n'en pensent pas moins. "Le découragement, ce n'est pas notre état d'esprit", précise en souriant Anne-Marie. La Manif pour tous a fédéré un mouvement qui couvait depuis longtemps. "Ce qu'il s'est passé cette année [sur le mariage pour tous], c'est un grand début", veut aussi croire Tugdual Derville, délégué général d'Alliance Vita.

"L'image qui me vient, c'est la marée, dit le Vendéen à propos des hauts et des bas de son combat. Quand la marée est descendante, cela veut aussi dire que la marée montante se prépare."

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