"On entend les vibrations du sous-sol martien pour la première fois", s'enthousiasme un planétologue
Sur le robot Insight, le sismomètre Seis enregistre les ondes de la planète rouge. François Forget, planétologue, explique pour franceinfo les secousses enregistrées par ce "chef d'oeuvre technologique bien français"
"Les tremblements de Mars nous montre qu'il y a peut-être un peu d'eau dans l'histoire du sous-sol", a déclaré sur franceinfo mercredi 2 octobre, François Forget, astrophysicien et directeur de recherche au CNRS. Le planétologue décrypte les petites secousses enregistrées par le robot Insight sur Mars. Deux fichiers sonores ont été mis en ligne mardi 1er octobre par la Nasa.
A quoi correspond le son que l'on peut sur le site de la NASA ?
François Forget: Ce qu'on entend, ce sont des vibrations du sous-sol de Mars qui ont été enregistrées par le sismomètre Seis. C'est un instrument qui a été fait en France, à Paris, un petit chef d'œuvre technologique bien français. C'est la première fois qu'on fait cette mesure sur une autre planète que la Terre, on a accéléré considérablement le son pour pouvoir l'entendre, pour que l'oreille puisse écouter ces vibrations. Le sismomètre enregistre des ondes beaucoup plus longues qui nous permettent de sonder l'intérieur de la planète Mars pour la première fois.
Est-ce qu'on peut parler de tremblement de terre ?
Oui, on va dire "tremblements de Mars". Le robot Insight est arrivé sur Mars en novembre l'année dernière. Le sismomètre français Seis a été mis en place en février. Et depuis, on écoute assidûment. La plupart du temps, l'atmosphère est très active en particulier la journée, il y a la convection, des rafales. Ce n'est pas facile de mesurer, il y a un peu de bruit. Par contre en début de nuit, Mars devient très calme autour d'Insight. Et là on arrive à détecter régulièrement des petits événements, on a détecté une vingtaine d'événements qui ressemblent à des tremblements de Mars. Ces tremblements ce sont des sources d'ondes qui vont entre guillemets "éclairer" l'intérieur de Mars. C'est à dire qu'une fois que le tremblement a lieu, il envoie des ondes un peu comme une échographie dans le ventre d'une femme enceinte. On a ainsi détecté quelques tremblements de Mars qui commencent à être intéressants. On attend, on espère avoir des corps plus gros pour éclairer plus à l'intérieur de la planète.
Aujourd'hui que sait-on de la composition de la croûte martienne ?
Sur la croûte et le sol, on a appris des choses par d'autres méthodes. En regardant attentivement la chimie de la surface avec des caméras très sensibles par exemple. Là ce qui nous intéresse c'est la manière dont elle est structurée. Ce que nous a raconté le son (que l'on écoute en accéléré), c'est que quand il y a un tremblement de Mars à proximité du sismomètre, ce son n'arrive pas tout de suite. On sent qu'il est un petit peu réfléchi par plein de petites fractures qu'il y a dans le sous-sol. C'est très intéressant. Sur la planète Terre lorsqu'il y a un tremblement de terre, les ondes viennent directement au sismomètre. Sur la Lune, un autre exemple qu'on connaît, ces ondes sont extrêmement réfléchies par plein de petites fractures parce que le sol est tellement sec que toutes les fractures restent ouvertes. Et Mars est intermédiaire, voilà ce qu'on a appris. La différence entre la Lune et la Terre, c'est qu'il y a beaucoup d'eau sur la Terre, de l'eau liquide qui remplit les fractures. Mars est intermédiaire, donc il y a peut-être un peu d'eau qui a joué un rôle dans l'histoire du sous-sol. C'est ce qu'on étudie pour l'instant, en attendant de pouvoir sonder le cœur de Mars.
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