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Affaire Bygmalion : ce qu'il faut savoir sur la décision des Sages qui rend le procès de Nicolas Sarkozy quasi inéluctable

Le Conseil constitutionnel a estimé que rien ne s'opposait à ce que l'ancien président soit jugé dans cette affaire, qui porte sur le financement de sa campagne de 2012.  

Article rédigé par franceinfo avec AFP et Reuters
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Temps de lecture : 4 min
Nicolas Sarkozy au Parc des Princes à Paris, le 4 mai 2019. (photo d'illustration) (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

C'est un nouveau pas vers un procès en correctionnelle pour Nicolas Sarkozy. Le Conseil constitutionnel a estimé, vendredi 17 mai, que rien ne s'opposait à ce que l'ancien président soit jugé dans l'affaire Bygmalion pour financement illégal de sa campagne présidentielle de 2012. 

La justice reproche à Nicolas Sarkozy d'avoir dépensé au moins 42,8 millions d'euros, soit plus de 20 millions d'euros au-dessus du plafond autorisé, grâce à un système de facturation frauduleux. L'ex-chef de l'Etat a été renvoyé en février 2017 devant le tribunal correctionnel pour répondre de ce délit, mais sa défense a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) pour contester cette décision. Franceinfo répond à cinq questions sur cette décision.  

C'est quoi l'affaire Bygmalion ? 

Petit rappel : l'affaire Bygmalion porte sur un système présumé de fausses factures, mis en place pour que les dépenses de campagne de Nicolas Sarkozy à l'élection présidentielle 2012 ne dépassent pas, aux yeux des autorités, le plafond autorisé par la loi.

Au lieu d'être facturés à l'association pour le financement de la campagne de l'ex-candidat à sa réélection, les frais de campagne étaient, selon les enquêteurs, facturés à l'UMP (devenue Les Républicains) par Bygmalion, l'entreprise prestataire de la campagne, sous couvert d'organisation d'évènements aux coûts largement exagérés, ou carrément fictifs. 

Au total, quatorze protagonistes sont poursuivis dans ce dossier : d'anciens cadres de l'UMP, des responsables de la campagne, des dirigeants de l'agence de communication Bygmalion, des experts-comptables, mais aussi Nicolas Sarkozy.

Qu'est-il reproché à Nicolas Sarkozy ? 

L'enquête n'a pas permis d'établir que l'ancien président avait ordonné ou avait été informé du montage financier, ce qui lui permet d'échapper à des poursuites plus lourdes, notamment pour "faux", "escroquerie" ou "abus de confiance", contrairement à d'autres personnes mises en cause.

Il n'empêche, pour les magistrats, que "le candidat à l'élection présidentielle est personnellement tenu par une obligation de résultat pour le respect du plafond". Cela justifie son procès pour "financement illégal de campagne", le seuil autorisé de dépenses électorales ayant été dépassé de plus de 20 millions d'euros.

Selon un arrêt de la cour d'appel datant d'octobre 2018, l'enquête a mis en évidence le "pouvoir de décision et d'impulsion" de Nicolas Sarkozy durant cette campagne, alors que le calendrier des meetings et leur format étaient soumis à sa validation. Les magistrats estiment que l'ex-candidat, qui réfute avoir été mis en garde d'un risque de dérapage pendant la campagne, a bien reçu plusieurs avertissements "convergents" mais que ceux-ci n'ont "[entraîné] de sa part aucune remise en cause du rythme et du programme final des meetings". Devancé dans les sondages par son rival socialiste François Hollande, Nicolas Sarkozy avait multiplié les meetings au cours de sa campagne. De 15 à 20 initialement prévus, ils étaient passés à 44.

Pourquoi Nicolas Sarkozy conteste-t-il son renvoi devant la justice ? 

L'ancien président de la République est menacé d'un procès depuis que le juge d'instruction Serge Tournaire l'a renvoyé en février 2017 devant le tribunal correctionnel. Mais il fait valoir qu'il ne peut pas être jugé, étant donné qu'il a déjà été sanctionné pour ces faits par une pénalité de plus de 360 000 euros en 2013 par les instances de contrôle.

La défense de Nicolas Sarkozy a ainsi soulevé une question prioritaire de constitutionnalité, sur le principe du "non bis in idem", selon lequel une personne ne peut pas être sanctionnée deux fois pour les mêmes faits. 

Toutefois, le rejet de ses comptes par les instances de contrôle portait sur un dérapage bien inférieur, de 363 615 euros, et était intervenu avant la révélation au printemps 2014 d'un vaste système présumé de fausses factures visant à masquer l'emballement des dépenses de ses meetings.

Si le montant du dépassement du plafond retenu par la justice est "encore plus considérable" que celui de la décision de 2013, "ce n'est pas le chiffre qui doit être retenu, c'est le principe du dépassement", fait valoir de son côté Emmanuel Piwnica, l'avocat de Nicolas Sarkozy.

Que dit le Conseil constitutionnel ? 

Le Conseil constitutionnel a donné son feu vert au renvoi de Nicolas Sarkozy en correctionnelle. Dans leur décision, les Sages soulignent que la sanction financière infligée en 2013 et la sanction pénale encourue – une amende de 3 750 euros et une peine d'emprisonnement d'un an – sont de nature différente et s'appliquent à des "intérêts sociaux" distincts.

En effet, la sanction pécuniaire visait à assurer "l'égalité entre les candidats au cours de la campagne électorale", tandis que la répression pénale des mêmes faits entend "sanctionner les éventuels manquements à la probité des candidats et des élus".

Nicolas Sarkozy a-t-il encore des recours pour éviter un procès ? 

La décision du Conseil constitutionnel "ouvre la porte, s'il y a lieu, à un procès en correctionnelle, mais pour l'instant, il y a encore des étapes à franchir", a tempéré l'avocat de Nicolas Sarkozy, Emmanuel Piwnica, au micro de franceinfo, vendredi. 

Selon lui, il va d'abord y avoir un passage par la Cour de cassation : "Si le Conseil constitutionnel s'est prononcé, c'est parce que la Cour de cassation lui avait renvoyé une question prioritaire de constitutionnalité et cette question fait maintenant retour devant la Cour de cassation, a-t-il expliqué. Aujourd'hui, il y a un arrêt qui ordonne ce renvoi devant le tribunal correctionnel. La Cour de cassation est saisie. Et c'est à elle d'examiner si cet arrêt est valide."

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