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Marche contre l'antisémitisme : les sportifs ne sont "pas à la hauteur de ce qui se passe aujourd'hui dans le monde", juge Michaël Jeremiasz, champion paralympique de tennis

Alors que 105 000 personnes ont participé à la marche contre l'antisémitisme à Paris ce dimanche 12 novembre, peu de sportifs étaient présents. Le champion paralympique de tennis, Michaël Jeremiasz réagit sur Franceinfo.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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MICHAEL JEREMIASZ (ARNAUD JOURNOIS / MAXPPP)

Les sportifs ne sont "pas à la hauteur de ce qui se passe aujourd'hui dans le monde", a estimé dimanche sur franceinfo dans l'émission Club Info Michaël Jeremiasz, ancien numéro 1 de tennis fauteuil, champion paralympique de tennis en double à Pékin en 2008 et chef de la délégation française aux jeux paralympiques de Paris 2024, après la manifestation contre l'antisémitisme qui a eu lieu à Paris. Michaël Jeremiasz regrette que peu de sportifs aient participé à la marche mais cela ne le "surprend pas". "On ne peut pas dire que le monde du sport est particulièrement courageux." Il attend des personnalités sportives "d'avoir un message de fraternité, de solidarité quand il se passe des drames quels qu'ils soient".

Franceinfo : Il y avait peu de sportifs présents dans la manifestation contre l'antisémitisme à Paris ce dimanche. Est-ce que cela vous surprend ?

Michael Jeremiasz : Non, ça ne me surprend pas, Mais ce n'est pas propre aux sportifs. C'est propre aux personnalités publiques. Ce qui se passe au Proche-Orient, c'est un sujet qui a toujours été très clivant. Il y a quand même un antisémitisme qui existe depuis la nuit des temps et au moindre prétexte, il resurgit. Ce qui est terrifiant, quand je parle du silence des sportifs, c'est qu'ils ont été beaucoup plus nombreux, et à juste titre, à dénoncer la riposte du gouvernement israélien et la critiquer à juste titre, avec tous les milliers de morts innocents suite aux attaques du 7 octobre. Mais ils étaient où pour pleurer avec nous ce qui s'est passé dans ces attaques terroristes du 7 octobre ? C'est ça qui me qui me gêne. Et ce n'est pas propre au monde du sport. Mais le sport n'y fait pas exception. On croit à tort souvent que le sport est exempt de tout ça, les valeurs olympiques et paralympiques, les valeurs du sport, la solidarité, la fraternité. Ce n'est pas complètement vrai. Combien de fois les athlètes israéliens ont été boycottés par leurs adversaires parce qu'Israéliens ? Donc ça montre bien qu'il y a un problème. Et aujourd'hui, il est inacceptable de voir que, parce qu'il y a le conflit israélo-palestinien qui explose et détruit des vies, il va y avoir des répercussions en France et ailleurs dans le monde parce qu'il y a un antisémitisme. Il faut le dire et il faut le condamner. Il faut lutter contre, tout en continuant à vouloir la paix, à vouloir deux Etats indépendants, à vouloir un monde dans lequel on peut vivre avec son prochain. Mais il y a des étapes, des incontournables. On n'est pas à la hauteur de ce qui se passe aujourd'hui dans le monde.

Pour quelles raisons selon vous les sportifs ne se mobilisent que très peu ?

Ce n'est pas tant sur ce sujet. De manière générale, on ne peut pas dire que le monde du sport est particulièrement courageux. Je ne fais pas de généralités. Il y en a. Lilian Thuram était à la manifestation et a signé dans le journal La Tribune une tribune pour lutter contre l'antisémitisme. Il y a évidemment aussi Richard Dacoury avec qui on travaille sur l'organisation d'un voyage mémoriel pour sensibiliser le monde du sport. Il devait avoir lieu le 26 novembre, bien avant les attentats du 7 octobre, et on l'a repoussé au 14 janvier. Mais globalement, on a des attentes de personnalités du monde du sport, de personnalités publiques qui ont de l'influence auprès de la jeune génération sur les réseaux sociaux, qui est aujourd'hui un danger comme jamais auparavant avec de fausses informations, de la manipulation et qui œuvrent à tout sauf à vivre en paix et heureux avec son prochain. J'ai des attentes de personnalités qui ont une tribune. A minima d'avoir un message de paix, d'avoir un message de fraternité, de solidarité quand il se passe des drames quels qu'ils soient. On n'est pas obligé d'être engagé. Personne ne nous force à le faire. Mais je pense qu'à un moment, on a une forme de responsabilité sur ce sujet comme sur plein d'autres. Je ne dirais pas qu'il y a de l'antisémitisme dans le sport plus qu'ailleurs, mais ça existe. Et on a tendance à un peu le banaliser. C'est pour ça que cette marche aujourd'hui était particulièrement importante.

Est-ce que vous sentez des réticences des sportifs à se mobiliser ?

Ce voyage mémoriel qu'on organise avec un groupe de travail en partenariat avec le Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France), est un voyage non-communautaire pour sensibiliser à notre histoire, qui n'est pas uniquement l'histoire des Juifs. C'est l'histoire de l'humanité, ce qui s'est passé pendant la seconde guerre mondiale. Ce n'est pas simple d'aller chercher des personnalités sportives. Comme si c'était le sujet par excellence, clivant, qui effrayait ou qu'on n'assumait pas. Ou parce qu'il y a l'amalgame avec la politique israélienne, avec le gouvernement Netanyahu, avec la colonisation, qu'on est très nombreux à condamner depuis très longtemps. C'est de dire qu'on peut condamner ça de toutes nos forces, mais que ça ne justifiera jamais l'antisémitisme et la haine des juifs. Et que ces sportifs et d'autres soient incapables de faire la différence, moi me pose un réel problème. Les origines profondes, je ne les connais pas. Mais j'aimerais qu'on puisse être un mouvement un peu moteur sur ces sujets-là. Et pas que sur l'antisémitisme. Sur le racisme, sur l'obscurantisme, le négationnisme, l'ignorance de manière générale.

De manière générale, on voit beaucoup plus les sportifs anglo-saxons s'engager. En France, c'est peu le cas. Comment l'expliquez-vous ?

Il y a peut-être historiquement un mépris de la parole du sportif, que le sportif, il faut qu'il coure derrière un ballon qu'il tape dans une balle jaune ou qu'il fasse ce qu'il sait bien faire et qu'on ne l'attend pas ailleurs. Mais non, il n'y a pas de raison. Une personnalité sportive, c'est quelqu'un qui est au contact de l'autre, pas uniquement au niveau national ou international. Ce sont des gens qui rencontrent toute l'année, toute leur vie, différentes cultures. Donc, on a une parole. Et aujourd'hui il faut l'exercer. On a une voix à exprimer. Mais, mais c'est les attentes que j'ai. On parle de sensibilité, on parle d'humanité, on parle de rien de plus que ça finalement.

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