Cet article date de plus de cinq ans.

Vidéo "J'ai été élevée dans l'idée qu'il ne faut pas le montrer" : confrontés à l'antisémitisme, cinq jeunes juifs témoignent de leur quotidien en France

Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min - vidéo : 3min
C’est quoi, être jeune et de confession juive en 2019 ?
C’est quoi, être jeune et de confession juive en 2019 ? C’est quoi, être jeune et de confession juive en 2019 ?
Article rédigé par franceinfo - Auriane Guerithault
France Télévisions

Après la vague d'actes antisémites qui a touché la France ces dernières semaines, franceinfo a donné la parole à des jeunes de confession juive. Ils nous expliquent ce que signifie pour eux "être juif" dans ce contexte. 

"Je suis juive, et alors ?", lâche Elsa Moszer, lycéenne de 18 ans. Elle ne comprend pas comment il est "encore possible d'entendre des insultes antisémites" en 2019, en référence à celles essuyées par le philosophe Alain Finkielkraut, samedi 16 février. Et l'affaire n'est pas isolée : des arbres autour de la tombe d'Ilan Halimi ont été sciés, des croix gammées dessinées sur des boîtes aux lettres où figurent le visage de Simone Veil, ancienne ministre rescapée des camps de la mort... Ces actes antisémites ont augmenté de 74% en France en 2018, selon le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner. 

Comment vit-on aujourd'hui quand on est jeune et de confession juive en France ? Pour le savoir, franceinfo a recueilli le témoignage de plusieurs personnes, âgées de 18 à 26 ans. Ces jeunes femmes et hommes nous ont raconté comment ils vivaient leur religion ou leur culture, ou encore simplement comment ils se sentent en France. 

Des agressions verbales dès le collège

Dans la pratique de la religion, chacun affiche des sensibilités différentes. "Je suis né dedans", explique Axel Podembski, lycéen de 18 ans. Issu d'une famille qu'il qualifie de "plutôt ouverte", il assure qu'il a toujours pu "discuter de tout avec ses parents, même quand ils avaient des désaccords sur le plan religieux. Le fait de ne pas sortir le vendredi soir, c'était un débat", ajoute-t-il en souriant. Selon les principes de la religion juive, ce soir-là, il faut rester à la maison. Pour Elsa Moszer, tout juste majeure, c'est une "occasion de se retrouver en famille." 

Pour Shirel Shimoumy, 20 ans et employée dans une société de communication, la situation était plus compliquée : "J'ai été élevée dans l'idée qu'il ne faut pas montrer qu'on est juif", confie la jeune fille qui a grandi à Sarcelles (Val-d'Oise), dans une banlieue parisienne où la communauté juive est importante. Scolarisée dans une école juive pendant toute son enfance, elle n'était "jamais sortie de son cocon" avant d'intégrer la Sorbonne nouvelle, à Paris, il y a deux ans.

Elle explique avoir été choquée lorsqu'elle a été victime pour la première fois d'une agression verbale antisémite lorsqu'elle était au collège. Elle sortait de l'école juive avec une amie, un vendredi soir. "A ce moment, les rues du quartier se vident car c'est Shabbat", relate-t-elle. Deux garçons ont alors sauté sur les jeunes femmes pour leur voler leurs téléphones portables, en lançant "T'es juive, t'es riche, tu vas pouvoir t'en acheter un autre !" 

"C'est marrant, t'as pas une tête de juif"

Car le plus difficile, selon ces jeunes, reste les remarques dans la vie quotidienne, souvent en soirée. Des insultes antisémites par rapport à un prétendu physique "de juif", Axel en entend souvent : "Quand on me demande de quelle religion je suis, on me dit 'C'est marrant, t'as pas une tête de juif'." "Tu en penses quoi, de la politique de Nétanyahou ? Parce que c'est chez toi", a aussi demandé un garçon à Emma, qui l'a mal vécu : "Chez moi, c'est la France." 

Face à ces attaques, certains ont même déjà envisagé de quitter leur pays. "Si l'extrême droite arrive au pouvoir, on en a déjà parlé avec mes parents, de déménager en Israël", explique Elsa. Shirel, elle, a déjà tenté l'expérience : "J'avais besoin de partir juste pour voir ailleurs, je ne supportais pas cette ambiance, ça me pesait", avoue-t-elle. Après son année de terminale, elle est partie, direction Israël. "J'ai une culture juive et française, la France me manquait", explique-t-elle pour justifier son retour. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.