: Vidéo Espionnage : des agents secrets révèlent les coulisses la DGSE dans un documentaire inédit
"La DGSE, c'est une maison qui est composée de gens ordinaires pour faire des missions extraordinaires, avec des moyens exceptionnels." C'est ainsi que Bernard Emié, ancien directeur général de la sécurité extérieure, décrit cette organisation qu'il dirigea de 2017 à janvier 2024. Popularisée par la série télévisée Le Bureau des légendes, cette structure est chargée de mener des opérations clandestines hors du territoire français afin de protéger les intérêts de la nation.
Le documentaire DGSE : la fabrique des agents secrets, signé Théo Ivanez et Jean-Christophe Notin, qui avait consacré un livre à ce sujet, est diffusé mardi 9 avril à 21h10 sur France 2. Pour la première fois, ce temple du secret a autorisé une équipe de télévision à pénétrer en son sein pendant plusieurs semaines. Le film dresse un éventail des différentes activités de la DGSE et donne la parole à de nombreux agents en activité. Sortant du mutisme que leur confère leur activité, ils expliquent, sous couvert d'anonymat, leur recrutement, leurs motivations, leurs fonctions et la difficulté, parfois, de mener de front deux activités.
"La DGSE est un service qui agit aussi de manière clandestine", révèle Bernard Emié dans le documentaire. Cela veut dire qu'il faut que nous inventions à nos agents des existences, des légendes, un passé, un métier. Tout cela c'est une construction, que je qualifierais d'orfèvrerie de la clandestinité." Le service de la recherche et des opérations est l'unité la plus secrète et cloisonnée de l'institution. Il opère à l'étranger, va "là où les autres ne peuvent pas aller" et utilise des agents dont la vie nécessite d'être façonnée et réécrite : légendes et couvertures sont alors mises au point afin de préserver la sécurité et la marge de manœuvre des espions.
La vie fractionnée des agents de renseignement
Mélonoé est devenue agent de cette unité clandestine, presque malgré elle. Chercheuse de formation, elle a été recrutée à la fin d'un colloque. "Un bon manipulateur a trouvé les bons mots pour m'intéresser. Et puis en fait, c'était facile parce que c'est tellement extraordinaire", explique-t-elle dans le documentaire. Elle intègre rapidement ce service ultra-secret de la DGSE, sans jamais mettre les pieds au siège du service. "Même des personnes au sein de la boîte se disent 'qu'est-ce que c'est que cette petite unité ?' (...) Il y a effectivement une sorte de boîte noire dans la boîte noire", confie Mélonoé dans le film. Après avoir endossé une nouvelle identité, elle a créé une société, avec de vrais statuts, de vrais bureaux et de vrais clients.
"Le clandestin, ce qui nous intéresse, c'est ce qu'il est aujourd'hui. Mais le métier qu'il fait aujourd'hui ne sera qu'une couverture. Son vrai métier, ce sera clandestin de la DGSE.
Franck, expert en renseignement humainDans le documentaire "DGSE : la fabrique des agents secrets"
L'entreprise, créée de toutes pièces et à l'existence parfaitement légale, est utilisée afin d'infiltrer certains pays et d'approcher des personnes spécifiques. Les salariés ne sont pas informés que le véritable objectif de leur société est de collecter des renseignements.
"Ce qui assure la sécurité du montage, c'est le fait qu'absolument personne ne sache que tout ça est une structure ex nihilo", explique Mélonoé, qui aborde également la difficulté de gérer deux fonctions distinctes.
"On a vraiment deux métiers. C’est-à-dire que notre vie est partagée entre cette structure de couverture, où il faut faire sa comptabilité, et toute l'autre partie, où on travaille avec les analystes (...) sur comprendre quels sont les besoins de la boîte, qui on doit aller cibler(...) C'est lourd intellectuellement."
Mélonoé, agent de l'unité clandestineDans le documentaire "DGSE : la fabrique des agents secrets"
Mais, au-delà de ces difficultés à jongler entre couverture et mission initiale, les nouvelles technologies peuvent mettre en péril l'identité de ces agents clandestins. "L'un des talons d'Achille est la biométrie. Si on recrute un individu qui est allé dans certains pays et qui a laissé des traces en biométrie en identité réelle, on ne peut pas le renvoyer en identité fictive", souligne Franck, expert en renseignement humain. Cela remet en question et en perspective la personnalité même des agents, leur recrutement et les besoins précis de la DGSE. "Réaliser des gestes opérationnels dans une vie normale, c'est ça l'avenir du renseignement, déclare Alexandre, directeur et ancien chef du contre-terrorisme. C'est d'être banal, ce n'est pas d'être secret (...) Et donc, c'est d'avoir un comportement numérique, physique qui soit banal, qui soit celui de la couverture que vous avez."
Le documentaire DGSE : la fabrique des agents secrets, réalisé par Jean-Christophe Notin et Théo Ivanez, est diffusé, mardi 9 avril à 21h10 sur France 2 et sur plateforme france.tv.
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